C'est de l'exil d'Israël à Babylone qu'est née la lecture de la Bible comme cœur du culte — la Bible devenant comme un lieu de mémoire d'éternité. Fruit de la réflexion priante suite à l’événement de l’exil, dès 586 av. J.C., cette perte de souveraineté d’Israël, et de la destruction du Temple, perte, alors provisoire, de la possibilité de sacrifier. Cette perte deviendra définitive en 70 — jusqu’au Royaume où subsiste comme seul sacrifice, l’action de grâce. Le retour de l’exil de 586 à Babylone laissera le pays sous la souveraineté de la Perse, puis des divers empires, malgré quelques moments de résistance glorieux comme sous les Grecs. Mais pas de réintégration totale et définitive de la souveraineté. Plus de royaume, au point que Jean le Baptiste annonce encore, au temps romain, la fin de l’exil (qui n’a donc pas vraiment eu lieu) et la venue du Royaume. Au point qu’au début du livre des Actes des Apôtres, les disciples interrogent encore le Ressuscité sur le jour de la restauration du Royaume d’Israël !
La lecture des Évangiles s'inscrit dans cette tradition de lecture comme culte en exil, mémoire d’éternité ; elle doit de la sorte se faire en regard positif permanent de la Bible hébraïque et d'Israël, veillant à éviter les contresens qui verraient dans les tensions internes au Nouveau Testament celles d'un conflit judéo-chrétien, alors que le christianisme comme religion n'existe pas encore !
Matthieu 5, 18-19 : « je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. — Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui les observera, et qui enseignera à les observer, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. » Car lire la Bible vise à la pratiquer ! Sorte de cœur d'une partie d'exilés, la Bible source un vécu.
Selon ce que vient dire Jésus, juste avant l'appel à la pratique de la Loi « ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir » (Matthieu 5, 17).
Où il apparaît bien qu’accomplir la Loi ne l’abolit pas ! Contrairement à la tentation commune qui revient à considérer que Jésus ayant accompli la Loi, il n’y aurait plus à l’observer ! Lire la Bible comme source de vie en temps d'exil, c'est aussi pratiquer ce qu'elle enseigne, en recevoir sa liberté, y fonder un comportement libre, y sourcer une éthique.
Mais, très vite, dès le Nouveau Testament, le nombre de disciples non-juifs de Jésus augmente, non-juifs desquels classiquement en judaïsme il n'est pas requis qu'ils observent certains préceptes, cérémoniels, de la Torah, qui concernent les juifs. Paul notamment s'inscrit dans cette perspective, qui verra plus tard se développer un christianisme séparé du judaïsme, ipso facto dispensé des rites propres au judaïsme. Sachant donc que, dès lors, on n’observe pas, comme chrétiens, un certain nombre de préceptes pourtant bien inscrits dans la Bible hébraïque, et que gardent les juifs, se pose à nouveau la question de ce qu'il y a à observer, notamment au plan moral ? La réponse la plus connue passe par le Décalogue, qui semble conservé, via une lecture de la Bible hébraïque orientée vers la venue du Christ. « Schématiquement, la lecture chrétienne traditionnelle de l’Ancien Testament […] prend une forme linéaire. On lit l’Ancien Testament en partant de la création et en passant par la "chute", en direction de la naissance du Messie, de Jésus. L’Ancien Testament relate l’histoire de Dieu et de sa créature, laquelle débouche sur la venue du Sauveur. Tout aussi schématiquement, la lecture juive de la Bible hébraïque s’organise de façon concentrique : au centre se trouve la loi ; le corpus prophétique [qui comprend une partie des livres historiques des chrétiens] commente la loi ; et les écrits tels les Psaumes s’orientent eux aussi sur la loi, quoique de façon moins immédiate. La Bible hébraïque, dans cette approche, ne mène pas vers autre chose, ne débouche pas sur une réalité qui est en dehors d’elle […]. Là où le judaïsme reconnaît le centre de l’écriture, il n’y a qu’un blanc pour le christianisme. Tout au plus reconnaît-on l’existence des dix commandements, qu’on neutralise toutefois en les assimilant à une sorte de loi naturelle. » (Jan Joosten, professeur d'Ancien Testament à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg — in Actes du colloque « Foi protestante et judaïsme », organisé par la FPF à Paris les 1er et 2 octobre 2010. Cf. Foi et Vie déc. 2011, p. 9.)
Cela dit, sont-ils vraiment observés ces « dix commandements, qu’on neutralise toutefois en les assimilant à une sorte de loi naturelle » ?
L’observance chrétienne du Décalogue en soi s’avère problématique dès qu’on l’aborde de façon concrète. Quid d’une observance chrétienne du Shabbath, par exemple ?
La difficulté apparaît à travers le débat qui s’est levé dans certains courants du protestantisme anglo-saxon, où l’on s’est attaché à observer le dimanche comme un Shabbath, ce que le dimanche n’est pas. Le débat a débouché pour certains sur la décision d’observer vraiment le Shabbath, et cela le jour du Shabbath, le samedi. Ceux-là sont appelés parfois « sabbatistes ». Les plus connus en France de ce courant sont les adventistes du 7e jour, aujourd’hui membres de la Fédération protestante de France.
L’option « sabbatiste » ne l’a cependant pas majoritairement emporté. L’approche la plus commune consistant à retenir l’aspect moral et social du Shabbath — qui existe aussi, souligné par le Deutéronome (5, 14-15), mais qui ne résume pas tout le commandement et sa dimension cérémonielle, soulignée par l’Exode (20, 11), de signe de Dieu.
On pourrait aussi mentionner le commandement sur les représentations (« tu ne te feras pas d’images cultuelles »), que plusieurs courants du christianisme historique (courants majoritaires) estiment ne pas concerner les chrétiens et leurs images du Christ et des personnages historiques de la tradition.
Quid donc de l’observance chrétienne du Décalogue ?
En christianisme protestant, dès la Réforme on distingue trois usages de la Loi : l’usage pédagogique, l’usage politique et l’usage normatif.
Trois usages :
— Selon son usage pédagogique (cf. Galates 3, 24), le principal pour Luther, la Loi produit en l’homme la conscience de son incapacité à accomplir ce qu’elle prescrit ou défend (exemple classique : l’interdit de la convoitise — qui peut dire être exempt de convoitise ? Son interdiction est pourtant un précepte du décalogue). Sous cet angle, la Loi sert de « pédagogue » pour nous conduire à recourir à la grâce de Dieu: reconnaissant n’être pas à la hauteur de ses exigences, j’en appelle à Dieu. Où l’on retrouve le « près de toi » (Deutéronome 30, 14) que Paul lira comme référant à la proximité, la présence, de la parole de Dieu en Jésus.
— Selon son usage politique ou civil, la Loi a pour but de restreindre le mal dans la Cité et de promouvoir la justice. Elle fournit des principes, qui s’appliquent de façon analogique selon les temps et les lieux dans la vie civile et politique.
— Selon son troisième usage, le principal pour Calvin (IRC II, vii, 12), la Loi devient chemin de libération. Notre libération est effectivement mise en œuvre par ce que produit en nous l’injonction de la Loi. Exemple : le commandement donné à Abraham, ou au peuple libéré de l’esclavage : « quitte ton pays », « sors de l’esclavage ». La libération qui est dans le recours à la grâce ne produit son effet que si elle reçue et donc mise en œuvre.
La liberté donnée à la foi seule qui reçoit la grâce — ce seul recours, selon l’usage pédagogique de la Loi — ; cette liberté ne devient effective que lorsque l’exigence de la Loi donnée comme norme suscite, parce qu’elle est entendue, la mise en route obéissante. C'est là la dimension essentielle de la lecture de la Bible comme source de vie en exil.
Où on vient, par delà ces trois usages de la Loi, à trois aspects de la Loi : l’aspect moral, l’aspect cérémoniel et l’aspect judiciaire. La question de l’observance de ce qu’enseigne la Bible en matière de comportement demeure donc, qui a débouché sur cette distinction en trois aspects, formalisée plus particulièrement par Calvin et dans sa lignée où l'on privilégie l'usage normatif de la Loi.
L’aspect judiciaire est cet aspect de la Loi qui, selon sa primauté par rapport aux pouvoirs, se concrétise dans une vie de la Cité gérée de façon jurisprudentielle, donc souple. Il en ressort que cet aspect est perçu, quant à la lettre de la Loi, comme correspondant à des temps et à une culture donnée : par exemple les formes de gouvernements, qui sont variables selon les lieux (on n'est plus avant l’exil de 586 av. JC).
On en dira la même chose quant à l’aspect cérémoniel (les cérémonies religieuses de la Loi) perçu lui aussi, quant à sa lettre, comme correspondant à un temps et à une culture donnée. Dans cette perspective la pratique varie selon les lieux, les temps et les circonstances. Ainsi, quant à l’aspect cérémoniel, on ne pratique pas aujourd’hui de sacrifices d’animaux dans le Temple de Jérusalem — de toute façon détruit (on est après l'an 70) ; les sacrifices correspondant pourtant à des mitsvoth cérémonielles dont Israël demeure le témoin. Une perspective calvinienne considère que dans un cadre chrétien, la variabilité des rites vaut pour tout commandement en son aspect cérémoniel — lié à des temps, des lieux, des traditions. À l’instar de l’aspect judiciaire.
En revanche l’aspect moral, comme norme idéale, comme visée de perfection, propre à orienter une éthique juste, n’est pas sujet aux variations culturelles, même si son application s’adapte aux circonstances. L’aspect moral peut être considéré comme se déployant en vertus. À commencer par des vertus communes, que l’on retrouve chez les stoïciens, les aristotéliciens, etc. comme vertus dites naturelles — avec cependant cette caractéristique, dans la perspective chrétienne, qui est d’être enracinées dans une nature perçue en regard de la Bible.
La loi naturelle est en quelque sorte « corrigée » — en regard de la Loi biblique.
Le troisième usage de la Loi, l’usage normatif, apparaît alors comme mise en œuvre de son aspect moral, comme injonction libératrice promue par la parole performative reçue dans la Bible.
Où l’on retrouve les préceptes comme « lève-toi et marche » commandement adressé par Pierre au paralytique ; « sors de ta tombe » ; commandement adressé par Jésus à Lazare, « va pour toi » (le fameux Lekh lekha) commandement adressé par Dieu à Abraham — et « tu choisiras la vie », l’injonction libératrice que nous donne Moïse au Deutéronome pour que soit mise en acte la justice sans laquelle il n'y a pas de paix, et donc, pas d'unité.
Telle est la parole de Dieu donnée comme parole libératrice, créatrice d’impossible, porte de justice. C’est là le Dieu créateur de la Bible — source d'impossible et non pas hypothèse en concurrence avec les laboratoires de recherche !
C’est devant un Dieu vivant que nous sommes placés… Dieu vivant et vivificateur par la Parole qui nous fonde comme êtres pacifiés par le vécu de la justice, pour la liberté : « Tu choisiras la vie ».
*
La lecture des Évangiles s'inscrit dans cette tradition de lecture comme culte en exil, mémoire d’éternité ; elle doit de la sorte se faire en regard positif permanent de la Bible hébraïque et d'Israël, veillant à éviter les contresens qui verraient dans les tensions internes au Nouveau Testament celles d'un conflit judéo-chrétien, alors que le christianisme comme religion n'existe pas encore !
Matthieu 5, 18-19 : « je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. — Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui les observera, et qui enseignera à les observer, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. » Car lire la Bible vise à la pratiquer ! Sorte de cœur d'une partie d'exilés, la Bible source un vécu.
Selon ce que vient dire Jésus, juste avant l'appel à la pratique de la Loi « ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir » (Matthieu 5, 17).
Où il apparaît bien qu’accomplir la Loi ne l’abolit pas ! Contrairement à la tentation commune qui revient à considérer que Jésus ayant accompli la Loi, il n’y aurait plus à l’observer ! Lire la Bible comme source de vie en temps d'exil, c'est aussi pratiquer ce qu'elle enseigne, en recevoir sa liberté, y fonder un comportement libre, y sourcer une éthique.
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Mais, très vite, dès le Nouveau Testament, le nombre de disciples non-juifs de Jésus augmente, non-juifs desquels classiquement en judaïsme il n'est pas requis qu'ils observent certains préceptes, cérémoniels, de la Torah, qui concernent les juifs. Paul notamment s'inscrit dans cette perspective, qui verra plus tard se développer un christianisme séparé du judaïsme, ipso facto dispensé des rites propres au judaïsme. Sachant donc que, dès lors, on n’observe pas, comme chrétiens, un certain nombre de préceptes pourtant bien inscrits dans la Bible hébraïque, et que gardent les juifs, se pose à nouveau la question de ce qu'il y a à observer, notamment au plan moral ? La réponse la plus connue passe par le Décalogue, qui semble conservé, via une lecture de la Bible hébraïque orientée vers la venue du Christ. « Schématiquement, la lecture chrétienne traditionnelle de l’Ancien Testament […] prend une forme linéaire. On lit l’Ancien Testament en partant de la création et en passant par la "chute", en direction de la naissance du Messie, de Jésus. L’Ancien Testament relate l’histoire de Dieu et de sa créature, laquelle débouche sur la venue du Sauveur. Tout aussi schématiquement, la lecture juive de la Bible hébraïque s’organise de façon concentrique : au centre se trouve la loi ; le corpus prophétique [qui comprend une partie des livres historiques des chrétiens] commente la loi ; et les écrits tels les Psaumes s’orientent eux aussi sur la loi, quoique de façon moins immédiate. La Bible hébraïque, dans cette approche, ne mène pas vers autre chose, ne débouche pas sur une réalité qui est en dehors d’elle […]. Là où le judaïsme reconnaît le centre de l’écriture, il n’y a qu’un blanc pour le christianisme. Tout au plus reconnaît-on l’existence des dix commandements, qu’on neutralise toutefois en les assimilant à une sorte de loi naturelle. » (Jan Joosten, professeur d'Ancien Testament à la Faculté de théologie protestante de Strasbourg — in Actes du colloque « Foi protestante et judaïsme », organisé par la FPF à Paris les 1er et 2 octobre 2010. Cf. Foi et Vie déc. 2011, p. 9.)
Cela dit, sont-ils vraiment observés ces « dix commandements, qu’on neutralise toutefois en les assimilant à une sorte de loi naturelle » ?
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L’observance chrétienne du Décalogue en soi s’avère problématique dès qu’on l’aborde de façon concrète. Quid d’une observance chrétienne du Shabbath, par exemple ?
La difficulté apparaît à travers le débat qui s’est levé dans certains courants du protestantisme anglo-saxon, où l’on s’est attaché à observer le dimanche comme un Shabbath, ce que le dimanche n’est pas. Le débat a débouché pour certains sur la décision d’observer vraiment le Shabbath, et cela le jour du Shabbath, le samedi. Ceux-là sont appelés parfois « sabbatistes ». Les plus connus en France de ce courant sont les adventistes du 7e jour, aujourd’hui membres de la Fédération protestante de France.
L’option « sabbatiste » ne l’a cependant pas majoritairement emporté. L’approche la plus commune consistant à retenir l’aspect moral et social du Shabbath — qui existe aussi, souligné par le Deutéronome (5, 14-15), mais qui ne résume pas tout le commandement et sa dimension cérémonielle, soulignée par l’Exode (20, 11), de signe de Dieu.
On pourrait aussi mentionner le commandement sur les représentations (« tu ne te feras pas d’images cultuelles »), que plusieurs courants du christianisme historique (courants majoritaires) estiment ne pas concerner les chrétiens et leurs images du Christ et des personnages historiques de la tradition.
Quid donc de l’observance chrétienne du Décalogue ?
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En christianisme protestant, dès la Réforme on distingue trois usages de la Loi : l’usage pédagogique, l’usage politique et l’usage normatif.
Trois usages :
— Selon son usage pédagogique (cf. Galates 3, 24), le principal pour Luther, la Loi produit en l’homme la conscience de son incapacité à accomplir ce qu’elle prescrit ou défend (exemple classique : l’interdit de la convoitise — qui peut dire être exempt de convoitise ? Son interdiction est pourtant un précepte du décalogue). Sous cet angle, la Loi sert de « pédagogue » pour nous conduire à recourir à la grâce de Dieu: reconnaissant n’être pas à la hauteur de ses exigences, j’en appelle à Dieu. Où l’on retrouve le « près de toi » (Deutéronome 30, 14) que Paul lira comme référant à la proximité, la présence, de la parole de Dieu en Jésus.
— Selon son usage politique ou civil, la Loi a pour but de restreindre le mal dans la Cité et de promouvoir la justice. Elle fournit des principes, qui s’appliquent de façon analogique selon les temps et les lieux dans la vie civile et politique.
— Selon son troisième usage, le principal pour Calvin (IRC II, vii, 12), la Loi devient chemin de libération. Notre libération est effectivement mise en œuvre par ce que produit en nous l’injonction de la Loi. Exemple : le commandement donné à Abraham, ou au peuple libéré de l’esclavage : « quitte ton pays », « sors de l’esclavage ». La libération qui est dans le recours à la grâce ne produit son effet que si elle reçue et donc mise en œuvre.
La liberté donnée à la foi seule qui reçoit la grâce — ce seul recours, selon l’usage pédagogique de la Loi — ; cette liberté ne devient effective que lorsque l’exigence de la Loi donnée comme norme suscite, parce qu’elle est entendue, la mise en route obéissante. C'est là la dimension essentielle de la lecture de la Bible comme source de vie en exil.
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Où on vient, par delà ces trois usages de la Loi, à trois aspects de la Loi : l’aspect moral, l’aspect cérémoniel et l’aspect judiciaire. La question de l’observance de ce qu’enseigne la Bible en matière de comportement demeure donc, qui a débouché sur cette distinction en trois aspects, formalisée plus particulièrement par Calvin et dans sa lignée où l'on privilégie l'usage normatif de la Loi.
L’aspect judiciaire est cet aspect de la Loi qui, selon sa primauté par rapport aux pouvoirs, se concrétise dans une vie de la Cité gérée de façon jurisprudentielle, donc souple. Il en ressort que cet aspect est perçu, quant à la lettre de la Loi, comme correspondant à des temps et à une culture donnée : par exemple les formes de gouvernements, qui sont variables selon les lieux (on n'est plus avant l’exil de 586 av. JC).
On en dira la même chose quant à l’aspect cérémoniel (les cérémonies religieuses de la Loi) perçu lui aussi, quant à sa lettre, comme correspondant à un temps et à une culture donnée. Dans cette perspective la pratique varie selon les lieux, les temps et les circonstances. Ainsi, quant à l’aspect cérémoniel, on ne pratique pas aujourd’hui de sacrifices d’animaux dans le Temple de Jérusalem — de toute façon détruit (on est après l'an 70) ; les sacrifices correspondant pourtant à des mitsvoth cérémonielles dont Israël demeure le témoin. Une perspective calvinienne considère que dans un cadre chrétien, la variabilité des rites vaut pour tout commandement en son aspect cérémoniel — lié à des temps, des lieux, des traditions. À l’instar de l’aspect judiciaire.
En revanche l’aspect moral, comme norme idéale, comme visée de perfection, propre à orienter une éthique juste, n’est pas sujet aux variations culturelles, même si son application s’adapte aux circonstances. L’aspect moral peut être considéré comme se déployant en vertus. À commencer par des vertus communes, que l’on retrouve chez les stoïciens, les aristotéliciens, etc. comme vertus dites naturelles — avec cependant cette caractéristique, dans la perspective chrétienne, qui est d’être enracinées dans une nature perçue en regard de la Bible.
La loi naturelle est en quelque sorte « corrigée » — en regard de la Loi biblique.
*
Le troisième usage de la Loi, l’usage normatif, apparaît alors comme mise en œuvre de son aspect moral, comme injonction libératrice promue par la parole performative reçue dans la Bible.
Où l’on retrouve les préceptes comme « lève-toi et marche » commandement adressé par Pierre au paralytique ; « sors de ta tombe » ; commandement adressé par Jésus à Lazare, « va pour toi » (le fameux Lekh lekha) commandement adressé par Dieu à Abraham — et « tu choisiras la vie », l’injonction libératrice que nous donne Moïse au Deutéronome pour que soit mise en acte la justice sans laquelle il n'y a pas de paix, et donc, pas d'unité.
Telle est la parole de Dieu donnée comme parole libératrice, créatrice d’impossible, porte de justice. C’est là le Dieu créateur de la Bible — source d'impossible et non pas hypothèse en concurrence avec les laboratoires de recherche !
C’est devant un Dieu vivant que nous sommes placés… Dieu vivant et vivificateur par la Parole qui nous fonde comme êtres pacifiés par le vécu de la justice, pour la liberté : « Tu choisiras la vie ».
RP, Justice et paix fondées en Écriture,
Châtellerault, Semaine de prière pour l'Unité des chrétiens, 29.01.19
Châtellerault, Semaine de prière pour l'Unité des chrétiens, 29.01.19