Courrier au Protestant de l’Ouest (janvier 2019) suite au dossier Martin Luther King du numéro de décembre 2018
Tous mes remerciements pour le dossier Martin Luther King dans dernier PO. Très bon (comme d’hab)… sauf une petite phrase, au bas de l’introduction du dossier, p. 14. Je cite : « Concernant les femmes, MLK n’a pas été d’une conduite irréprochable. » Je sais bien que cette idée reçue, issue, au départ, du rapport Hoover, est admise par beaucoup, dont les meilleurs spécialistes de MLK, au motif essentiel me semble-t-il… qu’ « il n’y a pas de fumée sans feu » appuyé de l’idée, très juste celle-là, que si c’était vrai, cela ne changerait rien au message et à l’actualité du combat de MLK.
Il se trouve que j’ai eu à faire quelques recherches sur MLK, déjà pour les commémorations de 2008, et deux fois cette année, à Poitiers et à Niort, et que je me suis évidemment penché sur cette question, étant pour moi acquis qu’effectivement cela n’enlèverait rien à la valeur de son combat… et je n’ai rien trouvé qui prouve quoi que ce soit, bien au contraire.
J’ai acquis la conviction que tout cela est au cœur des attaques contre MLK, selon la parole évangélique, Mt 5, 11-12 & Lc 6, 22-23 : « Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous. » – MLK ne s’est pas laissé égarer en répondant aux calomnies, selon Lc 21, 14 : « Mettez-vous donc dans l’esprit de ne pas préparer votre défense »… Ce n’est pas une raison pour ne pas les remettre en question ! « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose » aurait dit Goebbels. Est-il juste de valider la formule, sous prétexte qu’ « il n’y a pas de fumée sans feu », et qu’il est donc inutile de chercher à quel incendiaire profite la fumée !… quand l’incendiaire parvient à instiller le doute jusque parmi des très proches de MLK.
J’ai acquis la conviction que tout cela est au cœur des attaques contre MLK, selon la parole évangélique, Mt 5, 11-12 & Lc 6, 22-23 : « Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous. » – MLK ne s’est pas laissé égarer en répondant aux calomnies, selon Lc 21, 14 : « Mettez-vous donc dans l’esprit de ne pas préparer votre défense »… Ce n’est pas une raison pour ne pas les remettre en question ! « Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose » aurait dit Goebbels. Est-il juste de valider la formule, sous prétexte qu’ « il n’y a pas de fumée sans feu », et qu’il est donc inutile de chercher à quel incendiaire profite la fumée !… quand l’incendiaire parvient à instiller le doute jusque parmi des très proches de MLK.
Il suffit pourtant de lire le rapport Hoover pour se faire une idée plus juste des choses. Un extrait, parlant des rencontres de la SCLC (Southern Christian Leadership Conference) : « un pasteur nègre présent a exprimé plus tard son dégoût de la boisson, de la fornication et de l’homosexualité qui ont eu lieu dans les coulisses, lors de la conférence. Plusieurs prostituées nègres et blanches ont été amenées de la région de Miami. Une orgie qui a duré toute la nuit a été organisée avec ces prostituées et certains des délégués présents […]. Tout au long des années qui ont suivi et jusqu’à cette date, King a continué à poursuivre ses aberrations sexuelles secrètement tout en se montrant à la vue du public comme un chef moral de conviction religieuse. »
Et c’est tout du long du même acabit ! Il suffit de savoir ce qu’est une pastorale (la SCLC en est une) pour mesurer le délire – délire raciste en l’occurrence (j’y reviens) ! Pour le reste, rien. Ni preuve, ni a fortiori de flagrant délit. Que des rumeurs, des interprétations de rumeurs et de propos sans preuves vérifiables. Résumé Wiki, à ce point incontestablement très juste : « Les enregistrements, certains rendus publics depuis, n’apportèrent rien de concluant et aucune preuve ne put être apportée sur les infidélités supposées de Martin Luther King, malgré les remarques de certains officiels tel le président Johnson qui avait dit qu’il était un “prêcheur hypocrite”. Des livres paraissent dans les années 1980 à ce sujet mais aucun ne put avancer les preuves d’une quelconque infidélité. »
Coretta Scott King, l’épouse de MLK ne dit pas autre chose : « Le FBI a tout essayé, et Martin et moi en avons parlé. Très tôt, il a dit : ‘La plupart des gens sont vulnérables quand il s’agit d’argent et de sexe. Ce sont les deux choses dont ils essaient de vous charger.’ Quand il s’agissait d’argent, Martin faisait très attention à la comptabilité et à la façon dont il utilisait les fonds [mais on l’a aussi mis en prison pour fraude fiscale imaginaire, puis acquitté]. Les gens lui ont dit que s’ils ne pouvaient rien trouver, ils essaieraient de le coincer.” Elle dit avoir reçu une fois un enregistrement non marqué, prétendument du Dr. King dans une situation compromettante. “Eh bien, je ne pouvais pas faire grand-chose, c’était juste beaucoup de charabia.” Riant, Coretta dit : “Si c’était tout ce que Hoover avait, il n’avait rien.” » (Interview par Joyce Leviton, 20 Fév. 1978.)
De même, les deux femmes mises en causes dans un livre tardif (fin années 1980) de R. Abernathy concernant la dernière nuit de MLK nient formellement : Adjua Abi Naantaanbuu, activiste de longue date pour les droits de l'homme, était l'hôtesse du dîner qu'Abernathy décrit. « Personne n'a eu de relations sexuelles dans ma maison cette nuit-là », dit-elle catégoriquement. Quand à Georgia Davis Powers, « déchirée, blessée et en colère », l’ancienne sénatrice de l'État du Kentucky qui a rendu visite à King au Motel Lorraine (où il sera assassiné peu après) maintient qu'elle est restée simplement à discuter avec lui, Abernathy et AD King jusqu'à 4 heures du matin : « Tout cela est venu à moi comme complète surprise ».
Bref, il ne reste de cela que calomnies et fantasmes d’Hoover, aspect qu’il ne faut pas négliger concernant cet angle d’attaque des calomnies, qui ont suivi un autre type d’attaques : tentative de prouver que Martin Luther King est communiste (on est en pleine guerre froide), qui doit beaucoup à ce que nombre de ségrégationnistes croient que les Noirs du sud étaient jusqu’ici heureux de leur sort, mais qu’ils sont manipulés par des « communistes » et des « agitateurs étrangers ».
Les attaques voulant que MLK n’ait « pas été d’une conduite irréprochable » recoupent le même type de préjugés, racistes en l’occurrence, repérés par le psychologue américain Bernard Wolfe : « Depuis le début de l’esclavage, sa culpabilité démocratique et chrétienne en tant que propriétaire d’esclaves, conduisait le Sudiste à définir le Noir comme une bête, un Africain inaltérable dont le caractère était fixé dans le protoplasma par des gènes “africains”. Si le Noir se voyait assigner les limbes humains, ce n’était pas par l’Amérique mais par l’infériorité constitutionnelle de ses ancêtres de la jungle. » Wolfe est cité ici en français par le psychiatre Frantz Fanon.
Ayant rappelé : « quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous », Frantz Fanon analyse ce qu’a décelé Wolfe, dans Peau noire, masques blancs : « vis-à-vis du nègre, en effet, tout se passe sur le plan génital. […] Sur le plan phénoménologique, il y aurait à étudier une double réalité. [L’antisémite] a peur du Juif à cause de son potentiel appropriatif. “Ils” sont partout. Les banques, les bourses, le gouvernement en sont infestés. Ils règnent sur tout. Bientôt le pays leur appartiendra. Ils sont reçus aux concours avant les “vrais” Français. Bientôt ils feront la loi chez nous […]. Les nègres, eux, ont la puissance sexuelle. Pensez donc ! avec la liberté qu’ils ont, en pleine brousse ! Il paraît qu’ils couchent partout, et à tout moment. Ce sont des génitaux. »
Frantz Fanon précise (ibid.) – et son livre date de 1952, soit une quinzaine d’années avant le rapport d’Hoover – : « la négrophobe, écrit-il comme psychiatre, n’est en réalité qu’une partenaire sexuelle putative, – tout comme le négrophobe est un homosexuel refoulé » – remarque troublante quand on sait par ailleurs que ce point, selon plusieurs analystes de son trajet, pourrait concerner cruellement Hoover. Il y aurait peut-être à creuser cet aspect qui, mutatis mutandis, rappelle le film, d’une époque plus récente que les années 60, American Beauty. On a lu quelques extraits du rapport Hoover dans sa description imaginaire des orgies en pastorale SCLC, impliquant naturellement l’homosexualité !
On comprend dès lors le crédit qu’il faut apporter à de telles rumeurs, pourvu que l’on creuse un peu : fantasmes racistes, qui vérifient la promesse du Sermon sur la Montagne, texte au cœur des méditations de MLK : « Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous. » (Mt 5, 11-12)
Et c’est tout du long du même acabit ! Il suffit de savoir ce qu’est une pastorale (la SCLC en est une) pour mesurer le délire – délire raciste en l’occurrence (j’y reviens) ! Pour le reste, rien. Ni preuve, ni a fortiori de flagrant délit. Que des rumeurs, des interprétations de rumeurs et de propos sans preuves vérifiables. Résumé Wiki, à ce point incontestablement très juste : « Les enregistrements, certains rendus publics depuis, n’apportèrent rien de concluant et aucune preuve ne put être apportée sur les infidélités supposées de Martin Luther King, malgré les remarques de certains officiels tel le président Johnson qui avait dit qu’il était un “prêcheur hypocrite”. Des livres paraissent dans les années 1980 à ce sujet mais aucun ne put avancer les preuves d’une quelconque infidélité. »
Coretta Scott King, l’épouse de MLK ne dit pas autre chose : « Le FBI a tout essayé, et Martin et moi en avons parlé. Très tôt, il a dit : ‘La plupart des gens sont vulnérables quand il s’agit d’argent et de sexe. Ce sont les deux choses dont ils essaient de vous charger.’ Quand il s’agissait d’argent, Martin faisait très attention à la comptabilité et à la façon dont il utilisait les fonds [mais on l’a aussi mis en prison pour fraude fiscale imaginaire, puis acquitté]. Les gens lui ont dit que s’ils ne pouvaient rien trouver, ils essaieraient de le coincer.” Elle dit avoir reçu une fois un enregistrement non marqué, prétendument du Dr. King dans une situation compromettante. “Eh bien, je ne pouvais pas faire grand-chose, c’était juste beaucoup de charabia.” Riant, Coretta dit : “Si c’était tout ce que Hoover avait, il n’avait rien.” » (Interview par Joyce Leviton, 20 Fév. 1978.)
De même, les deux femmes mises en causes dans un livre tardif (fin années 1980) de R. Abernathy concernant la dernière nuit de MLK nient formellement : Adjua Abi Naantaanbuu, activiste de longue date pour les droits de l'homme, était l'hôtesse du dîner qu'Abernathy décrit. « Personne n'a eu de relations sexuelles dans ma maison cette nuit-là », dit-elle catégoriquement. Quand à Georgia Davis Powers, « déchirée, blessée et en colère », l’ancienne sénatrice de l'État du Kentucky qui a rendu visite à King au Motel Lorraine (où il sera assassiné peu après) maintient qu'elle est restée simplement à discuter avec lui, Abernathy et AD King jusqu'à 4 heures du matin : « Tout cela est venu à moi comme complète surprise ».
Bref, il ne reste de cela que calomnies et fantasmes d’Hoover, aspect qu’il ne faut pas négliger concernant cet angle d’attaque des calomnies, qui ont suivi un autre type d’attaques : tentative de prouver que Martin Luther King est communiste (on est en pleine guerre froide), qui doit beaucoup à ce que nombre de ségrégationnistes croient que les Noirs du sud étaient jusqu’ici heureux de leur sort, mais qu’ils sont manipulés par des « communistes » et des « agitateurs étrangers ».
Les attaques voulant que MLK n’ait « pas été d’une conduite irréprochable » recoupent le même type de préjugés, racistes en l’occurrence, repérés par le psychologue américain Bernard Wolfe : « Depuis le début de l’esclavage, sa culpabilité démocratique et chrétienne en tant que propriétaire d’esclaves, conduisait le Sudiste à définir le Noir comme une bête, un Africain inaltérable dont le caractère était fixé dans le protoplasma par des gènes “africains”. Si le Noir se voyait assigner les limbes humains, ce n’était pas par l’Amérique mais par l’infériorité constitutionnelle de ses ancêtres de la jungle. » Wolfe est cité ici en français par le psychiatre Frantz Fanon.
Ayant rappelé : « quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous », Frantz Fanon analyse ce qu’a décelé Wolfe, dans Peau noire, masques blancs : « vis-à-vis du nègre, en effet, tout se passe sur le plan génital. […] Sur le plan phénoménologique, il y aurait à étudier une double réalité. [L’antisémite] a peur du Juif à cause de son potentiel appropriatif. “Ils” sont partout. Les banques, les bourses, le gouvernement en sont infestés. Ils règnent sur tout. Bientôt le pays leur appartiendra. Ils sont reçus aux concours avant les “vrais” Français. Bientôt ils feront la loi chez nous […]. Les nègres, eux, ont la puissance sexuelle. Pensez donc ! avec la liberté qu’ils ont, en pleine brousse ! Il paraît qu’ils couchent partout, et à tout moment. Ce sont des génitaux. »
Frantz Fanon précise (ibid.) – et son livre date de 1952, soit une quinzaine d’années avant le rapport d’Hoover – : « la négrophobe, écrit-il comme psychiatre, n’est en réalité qu’une partenaire sexuelle putative, – tout comme le négrophobe est un homosexuel refoulé » – remarque troublante quand on sait par ailleurs que ce point, selon plusieurs analystes de son trajet, pourrait concerner cruellement Hoover. Il y aurait peut-être à creuser cet aspect qui, mutatis mutandis, rappelle le film, d’une époque plus récente que les années 60, American Beauty. On a lu quelques extraits du rapport Hoover dans sa description imaginaire des orgies en pastorale SCLC, impliquant naturellement l’homosexualité !
On comprend dès lors le crédit qu’il faut apporter à de telles rumeurs, pourvu que l’on creuse un peu : fantasmes racistes, qui vérifient la promesse du Sermon sur la Montagne, texte au cœur des méditations de MLK : « Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous. » (Mt 5, 11-12)
RP
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