<script src="//s1.wordpress.com/wp-content/plugins/snow/snowstorm.js?ver=3" type="text/javascript"></script> Un autre aspect…: novembre 2022

mercredi 30 novembre 2022

Deux pôles de l'esthétique protestante





Si la Réforme se développe en vis-à-vis de l’Église médiévale (1er pôle), dont elle conserve, en plusieurs de ses courants, l’essentiel de la liturgie (selon une année liturgique rythmée sur les événements de la vie de Jésus dans le Nouveau Testament), elle s'ouvre pourtant particulièrement, par le principe sola Scriptura, en faisant des livres de la Bible hébraïque les livres de son Ancien Testament (2e pôle), en vis-à-vis d'Israël, Israël ancien et Israël vivant, héritier et témoin des Écritures hébraïques, que Jésus appelait du nom que leur donne le judaïsme, selon le rangement juif de la Bible en cercles concentriques : la Loi, les Prophètes et les Psaumes (ou les Écrits, dont le Livre des Psaumes est le premier livre) ; Bible hébraïque qui relue en regard du Nouveau Testament, devient l'Ancien Testament des chrétiens en regard de la présence du Ressuscité qui ouvre la naissance de la Bible chrétienne.

La Réforme se déploie donc selon un double vis-à-vis : l'institution médiévale chrétienne et l'Israël biblique : l’institution chrétienne médiévale est le fruit d'une adaptation et d'une inculturation, que la Réforme ne remet pas en cause mais qu'elle réforme, en regard des Écritures bibliques. Ce qui fait que l'on pourrait dire que loin d'être une inculturation, la Réforme opère d'une certaine façon une « désinculturation », l'inculturation, l'adaptation au contexte civilisationnel ambiant avec son ancienne mythologie européenne glissant parfois à la tentation de faire perdre de vue la radicalité du message biblique concernant le refus des idoles. La Réforme repère la tentation idolâtre dans la multiplication des médiations, et le risque de sa persistance via le culte des saints par exemple.

La médiation est ainsi ramenée par la Réforme à son essentiel : le Christ seul médiateur, dont la présence est signifiée par la médiation de la Parole prêchée et des sacrements institués par le Christ ; car l'événement se traduit en institutions, lesquelles demeurent grevées de ce que nous sommes, aussi bien dans leurs colorations culturelles que dans ce qu'elles ont d'empreint de péché. L’institution ecclésiale est en effet toujours mêlée de péché, au point qu'on peut dire que trop d'institution tue l'institution, si elle étouffe ce dont elle est censée témoigner !

Les structures dans lesquelles l’Église se met en place sont donc secondes, relevant quant à leur forme et leur organisation, des choses indifférentes – adiaphora ; relevant du bene esse de l’Église, de son bien être et non de son essence. Cela n’empêche pas que le protestantisme existe aussi aussi via ses diverses structures religieuses, historiques, civilisationnelles, culturelles. Autant de réalités qui n'en demeurent cependant pas moins secondes – adiaphora a-t-on dit, « choses indifférentes ».

L'institution ecclésiale, pas nécessairement secondaire mais seconde, l'ancrage comme spiritualité est ce qui fait le christianisme protestant. Un christianisme en vis-à-vis, ses différents déploiements religieux et rituels étant des déploiements d'emprunt, essentiellement, on l'a vu, à la tradition chrétienne antécédente et à la tradition hébraïque.

Ces deux vis-à-vis donnent les colorations de deux lignées des religions protestantes – deux esthétiques : la lignée globalement épiscopale, et la lignée qui sera appelée « puritaine », et qui, insistant sur la dimension représentative de la structure ecclésiale, en pouvoirs et contre-pouvoirs, est à l'origine des démocraties modernes. Mais ces deux types de coloration restent seconds, sont à leur tour autant de vis-à-vis de ce qui est au cœur et qui permet au protestantisme de se diversifier (selon que « tout scribe instruit de ce qui regarde le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes » – Matthieu 13:52). Dans les deux cas cependant, une esthétique de… l'élagage, puisque cela, l'institution, reste second, et risque toujours d'être à même de voiler (indûment) ce qui est premier. D'où la sobriété de l’esthétique protestante perçue généralement comme caractéristique.




samedi 19 novembre 2022

L’appel d’Abraham et des enfants d’Abraham




Genèse 12, 1-5
L’Éternel dit à Abram : Va-t-en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai.‭
‭Je ferai de toi une grande nation, et je te bénirai ; je rendrai ton nom grand, et tu seras une source de bénédiction.‭
‭Je bénirai ceux qui te béniront, et je maudirai ceux qui te maudiront ; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi.‭
‭Abram partit, comme l’Éternel le lui avait dit, et Lot partit avec lui. Abram était âgé de soixante-quinze ans, lorsqu’il sortit de Charan.‭
‭Abram prit Saraï, sa femme, et Lot, fils de son frère, avec tous les biens qu’ils possédaient et les serviteurs qu’ils avaient acquis à Charan. Ils partirent pour aller dans le pays de Canaan, et ils arrivèrent au pays de Canaan.


*

Vocation d’Abraham, ou d’abord Abram, avant qu’une lettre muette du Nom divin ne tombe dans son nom. C’est vers ce Nom qu’il est appelé dans le “va vers toi” de sa vocation. Appel à un déplacement vers Celui dont le Nom est au-delà de tout nom et qui fonde son être, qui fonde nos êtres.

Il n’y a pas d’autre identité, quand on est fils et filles d’Abraham, que cette identité-là. L’arrivée au pays de Canaan est un symbole de celà, n’est qu’un symbole de cela, pas une invitation à s’installer, mais le signe d’un déplacement jamais achevé. L’histoire de ses descendants en atteste abondamment, d’exils et exodes. C’est dans ce déplacement inachevé que s’accomplit la promesse de bénédiction de toutes les familles de la terre. Cheminement inachevé qui est toujours le nôtre. Inachevé au lendemain de l’Exode, inachevé après la traversée du désert.

Ainsi le dit l'Épître aux Hébreux, ch. 4, v. 8-10 :
Si Josué leur eût donné le repos, il ne parlerait pas après cela d’un autre jour.‭
‭Il y a donc un repos de shabbat réservé au peuple de Dieu.‭
‭Car celui qui entre dans le repos de Dieu se repose de ses œuvres, comme Dieu s’est reposé des siennes.‭


C’est d’un autre repos qu’il est question que de celui dont la terre indiquée, comme toute terre d’ici-bas, est le signe, signe d’une promesse qui nous est encore donnée, à la suite de celles et ceux qui nous ont précédés, Abraham et Sarah en tête…

Toujours selon l'Épître aux Hébreux, ch. 11, v. 13-16 :
C’est dans la foi qu’ils sont tous morts, sans avoir obtenu les choses promises ; mais ils les ont vues et saluées de loin, reconnaissant qu’ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre.‭
‭Ceux qui parlent ainsi montrent qu’ils cherchent une patrie.‭
‭S’ils avaient eu en vue celle d’où ils étaient sortis, ils auraient eu le temps d’y retourner.‭
‭Mais maintenant ils en désirent une meilleure, c’est-à-dire une céleste.


Toutes les installations, toujours provisoires, avec toutes leurs lois temporelles de gestion de la cité temporelle, eussent-elles été données par des prophètes de Dieu, sont rendues provisoires et vite caduques par la vocation d'Abraham, que ce soit pour l’ancien Israël dont le royaume a pris fin et 586 av. JC, avec la destruction du premier temple, chose confirmée à nouveau avec la destruction du second temple en 70 ap. JC, que ce soit la cité politique chrétienne instaurée en 313 ap. JC avec la conversion de l’Empire romain, que ce soit la cité de l’islam postérieure à l’Hégire, celle des califes et de leurs successeurs ultérieurs, toutes ces cités temporelles furent des signes, sont des signes provisoires, avec des lois provisoires, car c’est chose humaine que la gestion de la cité des hommes, chose partagée et à partager, en deçà de ce qui relève de la Révélation perçue par Abraham. Voir dans la cité temporelle la fin d’une vocation qui est celle de l’âme est une guerre charnelle contre l’âme. L’appel d’Abraham est appel de voyageurs sur la terre. C’est aussi le nôtre comme enfants d’Abraham par le partage de la foi d’Abraham.

Ainsi, nous dit la première Épître de Pierre, ch. 2, v. 11 :
‭Bien-aimés, je vous exhorte, comme étrangers et voyageurs sur la terre, à vous abstenir des passions charnelles qui font la guerre à l’âme.