Il s’agit de l'épée qui, dans le Roman de Tristan et Iseut, est placée entre leurs deux corps dans la forêt du Morois : « Sous la loge de verts rameaux, jonchée d’herbes fraîches, Iseut s’étendit la première ; Tristan se coucha près d’elle et déposa son épée nue entre leurs corps. » (Version moderne de Joseph Bédier.)
L'épée garantit et scelle le fait que les deux amants ne consommeront pas leur union secrète, n'iront pas au bout de leur désir l'un de l'autre... Car la nécessité de cette épée scelle aussi la vérité de leur désir secret : l'amour chaste de Tristan et Iseut est bien désir, sans quoi il ne serait pas. Désir traduisant le latin (et l'occitan) amor (en français amour), qui traduit le mot grec eros. Amour désigne donc le désir, en grec eros, mais non pas tant au seul sens littéral moderne, comme fondement d’une « érotique », mais en un sens plus vaste, religieux, voire mystique. C’est l’usage que fait Platon de ce mot : le désir de Dieu, le désir de la perfection — qui me manque —, devenu plus tard et paradoxalement le désir de l’infini, signifié pour être reçu et donné en Iseut pour Tristan et en Tristan pour Iseut.
On mesure — mal — l'aplatissement du sens du mot eros, concomitamment à l’aplatissement du sens du mot désir, tandis que le mot amour en est venu à traduire le mot charité caritas / agapè. Tout cela est en soi tout un programme, celui de la décomposition du désir, de l'amour, ramené désormais à la simple pulsion occasionnelle ! — voire pour la Vénus passagère, dont parle Lucrèce, comme remède à l'amour.
Tristan et Iseut s'aiment, i.e. se désirent, d'un désir, d'un amour qui déborde, en les incluant, infiniment leurs chairs séparées par l'épée qui interdit l’aboutissement de leur désir tout en dévoilant sa réalité.
Apparaît ainsi le fait que l'amour spirituel dont il est question n'est ni contournement de sa réalité charnelle, ni transposition vers un amour de Dieu seul qui nierait le désir ou le court-circuiterait. Au contraire l'amour concret des deux amants devient épiphanique, dévoilement de la possibilité de l'amour de Dieu, infini et inaccessible en soi, dans la vérité du désir des amants l'un pour l'autre. La non-consommation physique de leur amour devient alors l'expression — dans une tension de désir inachevée, infinie — de celui qui se cache et se dévoile pour les amants l'un par l'autre.
On trouve l'équivalent dans le Roman de Majnun et Layla, correspondant arabe pré-islamique du Roman de Tristan et Iseult, dont les mystiques soufis se sont inspirés.
Le parallèle soufi donne un éclairage utile sur la signification du Roman de Tristan et Iseut. Parmi les analyses qui en ont été données, celle de Denis de Rougemont (L'amour et l'Occident, Paris, Plon/U.G.E. - coll. 10/18, 1972) propose d'expliquer comment l'Occident est passé de l'idéal courtois à une sécularisation des perspectives dans une perte de vue de la dimension mystique de l'amour médiéval. On ne peut s'empêcher de remarquer que parallèlement, la philosophie occidentale en est venue à professer que l'Idée n'a pas d'existence en soi, qu'elle est un nom, instrument du sujet qui pense la matière. Aussi n'est-ce pas par hasard que l'amour est perçu dorénavant que comme phénomène subjectif, la beauté de l'être aimé ne se fondant pas dans l'Idée divine, mais dans la psychologie de l'amant. Ainsi du phénomène de la cristallisation dans l'amour selon Stendhal ; phénomène purement subjectif, l'amant produisant en quelque sorte la beauté de l'objet de son amour.
C'est ainsi que l'amour platonique se trouve ne plus être rien d'autre que sublimation névrotique d'un désir biologique.
Or ce glissement de perspective propre à l'Occident trouve peut-être son origine dans une exaltation vers la transcendance de la relation idéelle de l'amour, de l'amant et de l'aimé, dans une transcendance telle qu'elle en vient à susciter un scepticisme — que n'a pas connu le soufisme, d'où l'utilité du passage par les lectures que ses représentants proposent.
Dans le soufisme, la beauté sensible de la créature humaine, telle que la perçoit l'amant, est en soi manifestation de Dieu, nous plaçant d'emblée à ce niveau de l'être qu'Henry Corbin appelle « imaginal ». C'est la beauté sensible elle-même, telle que la perçoit l'amant, qui est épiphanique, manifestation divine.
La beauté sensible de la créature humaine désirée est reçue comme relevant non pas seulement de la perception du contemplant historique, terrestre, mais comme étant une réalité objective, fondée en Dieu, et que le sujet terrestre perçoit, son regard s'unissant ainsi à celui de Dieu dont relève la beauté de la créature. C'est le fondement de l'amour platonique des soufis.
L'amour des Fidèles d'amour — selon le titre générique qui est donné à cette tradition en Occident médiéval, et par lequel on peut relier les amants platoniciens des deux côtés de la Méditerranée — désigne ainsi une réalité qui précède le désir temporel des amants. Il s'agit d'un amour conçu dans le monde intermédiaire entre le monde des Idées et celui du sensible, le monde imaginal, selon ce terme que Henry Corbin reprend du vocabulaire latin médiéval, et qui recoupe le monde intermédiaire des philosophes arabes, le 'alam al-mittal.
Au monde sensible (mundus sensibilis) s'oppose le monde des réalités intelligibles, abstraites, (le mundus intelligibilis) entre lesquels s'interpose donc, pour ceux l'admettent (des courants de la philosophie l'ont rejeté), le monde imaginal (mundus imaginalis), qui emprunte aux deux, qui emprunte aussi bien au monde sensible qu'au monde intelligible, monde intermédiaire, donc. Et participant réellement et mystérieusement des deux, en étant un intermédiaire créateur.
C'est dans ce monde là qu'est conçu l'amour des amants mystiques, dont la racine, en amont, précède en outre ce monde-là, et dont le déploiement, en aval, s'exprime comme désir humain, de tout l'être, y compris charnel.
Cette conception de l'amour qui précède le temps, et qui se noue dans le monde imaginal, un monde réel participant à la fois du monde des Idées et du monde sensible, avec sa dimension corporelle, et donc sa dimension de désir, se retrouve dans le Roman de Tristan et Iseut dans le rôle imaginal du philtre d'amour : « ceux qui en boiront ensemble s’aimeront de tous leurs sens et de toute leur pensée, à toujours, dans la vie et dans la mort. »
On sait que le philtre était destiné à Iseut et au roi Marc, l'époux d'Iseut. Mais c'est avec Tristan qu'elle le partagera. Tristan et Iseut sont cependant épris l'un de l'autre avant l’ingestion du philtre, et le resteront après la cessation de son effet. Le philtre apparaît alors comme le carrefour symbolique imaginal, dévoilant le scellement imaginal, précédent le temps de l'amour de Tristan et Iseut tel qu'il se déploie dans le monde sensible.
Au fond, nous voilà très proche de l'idée de la préexistence des âmes telle qu'elle se dévoile dans la force irrésistible de l'amour, du désir qui unit deux êtres. Le désir physique, charnel, qui concrétise dans le temps un amour, un désir — eros — qui précède le temps, se scelle avant le temps d'une façon mystérieuse qui ne peut s’exprimer qu'en poésie.
Denis de Rougemont a eu l’intuition juste, qui malgré ses nombreuses erreurs sur le sujet y voit un lien avec les cathares, derniers tenants en Occident de l'ancienne anthropologie de la pré-existence des âmes telle que l'avait développée pour le christianisme le père de l’Église qu'était Origène. Denis de Rougemont connaissait mal le christianisme cathare (les éléments historiques dont il disposait avaient alors les limites de sources lacunaires — cela a été corrigé depuis). Il a vu de même dans la mystique des Fidèles d'amour un narcissisme mortifère : les sources en mystique équivalente dans le monde arabe, mises en lumière par Henry Corbin demandent là aussi de regarder plus loin.
Certes la mort est au terme d'un désir qui n’advient jamais au temps, au monde sensible, à sa réalisation dans la chair. « Celui qui aime, garde son secret, reste chaste, et meurt d'amour, celui-là meurt martyr ». La concrétisation sensible du désir des amants relève alors de la foi, marchant comme toute foi dans les ténèbres du présent, vers le jour où l'imagination créatrice du monde intermédiaire, imaginal, offrira d'elle-même son fruit, éventuellement dans le temps — fût-ce au dernier jour, comme le troubadour Jaufré Rudel, mourant dans les bras de celle qu'il aime sans l'avoir jamais vue ! Car il n'y a aucun renoncement au désir, et à l'espérance qui le nourrit, qui serait renoncement à de l'un à l'autre !
Reste que les Fidèles d'amour ont très bien compris que le fait de différer le désir, qui est un véritable désir, de tout l'être de l'autre, depuis la correspondance spirituelle des amants jusqu'à leur réalité d'êtres de chair — l'amour-désir et non son court-circuitage par un amour de Dieu abstrait (par une transposition qui verrait les amants finir par dire, vainement : « plutôt que l'un l'autre il faut aimer et désirer Dieu ! ») — ce véritable amour-désir, mais différé, est de ce fait la condition de son renforcement et de sa perpétuation ; chose incompréhensible en des époques de consommation immédiate et d'incapacité à différer le désir et donc de le rendre indestructible. Là se fonde l'idée de la nécessité de l'attente avant la consommation du désir. On sait par ailleurs que l'attente de n'importe quel objet désiré en rend la jouissance plus intense. L’incapacité à différer est bien un signe d'infantilisme vouant qui y cède à la frustration et à la poursuite perpétuelle d'un comblement qui n'adviendra pas. Où la critique de Rougemont pourrait se retourner : ce ne sont pas les Fidèles d'amour qui font preuve d'un narcissisme mortifère, mais une époque incapable de recevoir leur leçon qui fait preuve d'un infantilisme qui la voue à la frustration et à une identité qui se résout à un statut de consommateur ! Y compris en amour !
L'épée garantit et scelle le fait que les deux amants ne consommeront pas leur union secrète, n'iront pas au bout de leur désir l'un de l'autre... Car la nécessité de cette épée scelle aussi la vérité de leur désir secret : l'amour chaste de Tristan et Iseut est bien désir, sans quoi il ne serait pas. Désir traduisant le latin (et l'occitan) amor (en français amour), qui traduit le mot grec eros. Amour désigne donc le désir, en grec eros, mais non pas tant au seul sens littéral moderne, comme fondement d’une « érotique », mais en un sens plus vaste, religieux, voire mystique. C’est l’usage que fait Platon de ce mot : le désir de Dieu, le désir de la perfection — qui me manque —, devenu plus tard et paradoxalement le désir de l’infini, signifié pour être reçu et donné en Iseut pour Tristan et en Tristan pour Iseut.
On mesure — mal — l'aplatissement du sens du mot eros, concomitamment à l’aplatissement du sens du mot désir, tandis que le mot amour en est venu à traduire le mot charité caritas / agapè. Tout cela est en soi tout un programme, celui de la décomposition du désir, de l'amour, ramené désormais à la simple pulsion occasionnelle ! — voire pour la Vénus passagère, dont parle Lucrèce, comme remède à l'amour.
Tristan et Iseut s'aiment, i.e. se désirent, d'un désir, d'un amour qui déborde, en les incluant, infiniment leurs chairs séparées par l'épée qui interdit l’aboutissement de leur désir tout en dévoilant sa réalité.
Apparaît ainsi le fait que l'amour spirituel dont il est question n'est ni contournement de sa réalité charnelle, ni transposition vers un amour de Dieu seul qui nierait le désir ou le court-circuiterait. Au contraire l'amour concret des deux amants devient épiphanique, dévoilement de la possibilité de l'amour de Dieu, infini et inaccessible en soi, dans la vérité du désir des amants l'un pour l'autre. La non-consommation physique de leur amour devient alors l'expression — dans une tension de désir inachevée, infinie — de celui qui se cache et se dévoile pour les amants l'un par l'autre.
On trouve l'équivalent dans le Roman de Majnun et Layla, correspondant arabe pré-islamique du Roman de Tristan et Iseult, dont les mystiques soufis se sont inspirés.
Le parallèle soufi donne un éclairage utile sur la signification du Roman de Tristan et Iseut. Parmi les analyses qui en ont été données, celle de Denis de Rougemont (L'amour et l'Occident, Paris, Plon/U.G.E. - coll. 10/18, 1972) propose d'expliquer comment l'Occident est passé de l'idéal courtois à une sécularisation des perspectives dans une perte de vue de la dimension mystique de l'amour médiéval. On ne peut s'empêcher de remarquer que parallèlement, la philosophie occidentale en est venue à professer que l'Idée n'a pas d'existence en soi, qu'elle est un nom, instrument du sujet qui pense la matière. Aussi n'est-ce pas par hasard que l'amour est perçu dorénavant que comme phénomène subjectif, la beauté de l'être aimé ne se fondant pas dans l'Idée divine, mais dans la psychologie de l'amant. Ainsi du phénomène de la cristallisation dans l'amour selon Stendhal ; phénomène purement subjectif, l'amant produisant en quelque sorte la beauté de l'objet de son amour.
C'est ainsi que l'amour platonique se trouve ne plus être rien d'autre que sublimation névrotique d'un désir biologique.
Or ce glissement de perspective propre à l'Occident trouve peut-être son origine dans une exaltation vers la transcendance de la relation idéelle de l'amour, de l'amant et de l'aimé, dans une transcendance telle qu'elle en vient à susciter un scepticisme — que n'a pas connu le soufisme, d'où l'utilité du passage par les lectures que ses représentants proposent.
Dans le soufisme, la beauté sensible de la créature humaine, telle que la perçoit l'amant, est en soi manifestation de Dieu, nous plaçant d'emblée à ce niveau de l'être qu'Henry Corbin appelle « imaginal ». C'est la beauté sensible elle-même, telle que la perçoit l'amant, qui est épiphanique, manifestation divine.
La beauté sensible de la créature humaine désirée est reçue comme relevant non pas seulement de la perception du contemplant historique, terrestre, mais comme étant une réalité objective, fondée en Dieu, et que le sujet terrestre perçoit, son regard s'unissant ainsi à celui de Dieu dont relève la beauté de la créature. C'est le fondement de l'amour platonique des soufis.
L'amour des Fidèles d'amour — selon le titre générique qui est donné à cette tradition en Occident médiéval, et par lequel on peut relier les amants platoniciens des deux côtés de la Méditerranée — désigne ainsi une réalité qui précède le désir temporel des amants. Il s'agit d'un amour conçu dans le monde intermédiaire entre le monde des Idées et celui du sensible, le monde imaginal, selon ce terme que Henry Corbin reprend du vocabulaire latin médiéval, et qui recoupe le monde intermédiaire des philosophes arabes, le 'alam al-mittal.
Au monde sensible (mundus sensibilis) s'oppose le monde des réalités intelligibles, abstraites, (le mundus intelligibilis) entre lesquels s'interpose donc, pour ceux l'admettent (des courants de la philosophie l'ont rejeté), le monde imaginal (mundus imaginalis), qui emprunte aux deux, qui emprunte aussi bien au monde sensible qu'au monde intelligible, monde intermédiaire, donc. Et participant réellement et mystérieusement des deux, en étant un intermédiaire créateur.
C'est dans ce monde là qu'est conçu l'amour des amants mystiques, dont la racine, en amont, précède en outre ce monde-là, et dont le déploiement, en aval, s'exprime comme désir humain, de tout l'être, y compris charnel.
Cette conception de l'amour qui précède le temps, et qui se noue dans le monde imaginal, un monde réel participant à la fois du monde des Idées et du monde sensible, avec sa dimension corporelle, et donc sa dimension de désir, se retrouve dans le Roman de Tristan et Iseut dans le rôle imaginal du philtre d'amour : « ceux qui en boiront ensemble s’aimeront de tous leurs sens et de toute leur pensée, à toujours, dans la vie et dans la mort. »
On sait que le philtre était destiné à Iseut et au roi Marc, l'époux d'Iseut. Mais c'est avec Tristan qu'elle le partagera. Tristan et Iseut sont cependant épris l'un de l'autre avant l’ingestion du philtre, et le resteront après la cessation de son effet. Le philtre apparaît alors comme le carrefour symbolique imaginal, dévoilant le scellement imaginal, précédent le temps de l'amour de Tristan et Iseut tel qu'il se déploie dans le monde sensible.
Au fond, nous voilà très proche de l'idée de la préexistence des âmes telle qu'elle se dévoile dans la force irrésistible de l'amour, du désir qui unit deux êtres. Le désir physique, charnel, qui concrétise dans le temps un amour, un désir — eros — qui précède le temps, se scelle avant le temps d'une façon mystérieuse qui ne peut s’exprimer qu'en poésie.
Denis de Rougemont a eu l’intuition juste, qui malgré ses nombreuses erreurs sur le sujet y voit un lien avec les cathares, derniers tenants en Occident de l'ancienne anthropologie de la pré-existence des âmes telle que l'avait développée pour le christianisme le père de l’Église qu'était Origène. Denis de Rougemont connaissait mal le christianisme cathare (les éléments historiques dont il disposait avaient alors les limites de sources lacunaires — cela a été corrigé depuis). Il a vu de même dans la mystique des Fidèles d'amour un narcissisme mortifère : les sources en mystique équivalente dans le monde arabe, mises en lumière par Henry Corbin demandent là aussi de regarder plus loin.
Certes la mort est au terme d'un désir qui n’advient jamais au temps, au monde sensible, à sa réalisation dans la chair. « Celui qui aime, garde son secret, reste chaste, et meurt d'amour, celui-là meurt martyr ». La concrétisation sensible du désir des amants relève alors de la foi, marchant comme toute foi dans les ténèbres du présent, vers le jour où l'imagination créatrice du monde intermédiaire, imaginal, offrira d'elle-même son fruit, éventuellement dans le temps — fût-ce au dernier jour, comme le troubadour Jaufré Rudel, mourant dans les bras de celle qu'il aime sans l'avoir jamais vue ! Car il n'y a aucun renoncement au désir, et à l'espérance qui le nourrit, qui serait renoncement à de l'un à l'autre !
Reste que les Fidèles d'amour ont très bien compris que le fait de différer le désir, qui est un véritable désir, de tout l'être de l'autre, depuis la correspondance spirituelle des amants jusqu'à leur réalité d'êtres de chair — l'amour-désir et non son court-circuitage par un amour de Dieu abstrait (par une transposition qui verrait les amants finir par dire, vainement : « plutôt que l'un l'autre il faut aimer et désirer Dieu ! ») — ce véritable amour-désir, mais différé, est de ce fait la condition de son renforcement et de sa perpétuation ; chose incompréhensible en des époques de consommation immédiate et d'incapacité à différer le désir et donc de le rendre indestructible. Là se fonde l'idée de la nécessité de l'attente avant la consommation du désir. On sait par ailleurs que l'attente de n'importe quel objet désiré en rend la jouissance plus intense. L’incapacité à différer est bien un signe d'infantilisme vouant qui y cède à la frustration et à la poursuite perpétuelle d'un comblement qui n'adviendra pas. Où la critique de Rougemont pourrait se retourner : ce ne sont pas les Fidèles d'amour qui font preuve d'un narcissisme mortifère, mais une époque incapable de recevoir leur leçon qui fait preuve d'un infantilisme qui la voue à la frustration et à une identité qui se résout à un statut de consommateur ! Y compris en amour !
R.P., Poitiers, 29 mars 2014