Scandales sexuels contemporains,
Églises et société entre Reich et saint Augustin,
Éléments de réflexion
Églises et société entre Reich et saint Augustin,
Éléments de réflexion
« L’homme n’est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l’ange fait la bête. »
(Blaise Pascal, Pensées)
(Blaise Pascal, Pensées)
Quelle autre alternative dans notre société et dans les Églises en matière de sexualité, qu’entre Reich et saint Augustin ? Ni l’un ni l’autre ne sont jamais nommés. Leur ombre n’en est que plus prégnante. L’héritage de l’un comme de l’autre est aujourd’hui suspect. Ils n’en sont pas moins la seule alternative envisagée.
Ils ne sont jamais nommés en propre. Au lieu de “Reich”, on dit “Freud”, le pauvre Freud n’y pouvant rien. Et au lieu d’Augustin, on dit “tradition judéo-chrétienne”. Laquelle pauvrette n’y peut pas plus que le pauvre Freud. Et voilà les deux, la prude Mlle Judéo-chrétienne et le très viril mais très correct M. Freud, mariés pour le meilleur et pour le pire et dotés des plus sûres bénédictions, dans l’ombre de M. Reich et de M. St Augustin, à moins que ce ne soit sa mère, Mme Ste Monique, d’autant plus exigeante à l’égard de M. Reich que plus frustrée — paraît-il —, à la mesure du vertige de ses fantasmes.
Là est l’occultation du PaCS secret de Reich et de Ste Monique, derrière le mariage public de Freud et de la tradition judéo-chrétienne — et derrière le malaise dans la civilisation et les Églises, qui éclate aujourd’hui principalement, notamment par des scandales, dans l’Église catholique, mais aussi, dans une moindre mesure, dans la plus grande dénomination protestante américaine, celle des Baptistes du Sud. Ou, mutatis mutandis, dans la décision synodale, pas digérée par tous ses membres, de l’Église protestante unie de France faisant écho en 2015 à la loi française de 2013 sur le “mariage pour tous”, témoignant de la complexité, notamment pour les Églises, de la relation mariage-sexualité libre.
Wilhelm Reich était ce disciple de Freud qui proposait de libérer la sexualité via une interprétation toute personnelle des découvertes du maître (relecture de Freud par Reich qui apparaissait déjà avant lui, mutatis mutandis, dans celle d’Otto Gross). Reich élaborait une théorie de “la fonction de l’orgasme”, selon le titre d’un de ses livres, débouchant sur “la révolution sexuelle” (autre titre de Reich), révolution qui compléterait bientôt heureusement toutes les autres et amènerait l’humanité au plus parfait bonheur, grâce à la libération des masses… masses d’énergie retenue, énergie sexuelle, libérée par l’orgasme. C’est là le point de départ d’un développement qui le conduira à vouloir saisir l’énergie en question, qu’il baptise “l’orgone”. C’est pour réaliser cette saisie qu’il construit des instruments avec capacité de mesure de l’énergie sexuelle, avec visée de récupération et conservation de ladite énergie.
On comprend bien qu’on a dérivé assez loin de Freud. Son livre où il tire lui-même des conclusions de ses observations en matière de sexualité, “Malaise dans la culture” [1], débouche dans des voies à peu près inverses : c’est la frustration sexuelle, explique-t-il, imposée par la culture, notamment judéo-chrétienne, qui produit une certaine stabilité de civilisation et des développements économiques et techniques — condition d’un certain bien-être, relatif au confort qui permettra à Reich de construire ses accumulateurs d’“orgone”.
Peu de doute que l’interprétation de Roland Jaccard parlant d’intériorisation de l’interdit [2], qui, pour frustrante, n’en est pas moins la civilisation elle-même ; ou celle du dominicain Albert Plé retrouvant dans la théorie freudienne de la sublimation l’approche thomiste de la volonté mystique de s’abîmer dans un au-delà de la relation physique qui n’en contient pas moins toute la nature sexuée de l’humain [3] ; peu de doute que de telles interprétations soient plus fidèles à Freud.
Il n’empêche que — cela sans doute à l’appui a contrario de l’indignation populaire mêlant pruderie et anti-sémitisme contre le Freud historique — ; il n’empêche que c’est l’interprétation reichienne qui a reçu le titre populaire global de freudisme ; souvent sous cet autre intitulé : “libération sexuelle” — mais sans accumulateurs orgasmiques.
Cela jusqu’au discrédit récent… On sait que les temps culminants du pseudo freudisme reichien sont dans le post-soixante-huitisme triomphant dont les premières mises en doute de son crypto-reichisme sont consécutives à ce que notre société se soit retrouvée “le cul par terre”, par exemple avec des pères s’étonnant et se lamentant de découvrir après coup la souffrance de leurs filles avec qui ils avaient commis l’inceste : ils avaient cru bien faire s’excusaient certains ! Onde de choc qui se poursuit aujourd’hui concernant des responsables d’Églises ayant couvert d’un affreux secret le débordement de pulsions libérées outrageant les plus petits. La découverte de l’indécence aura au moins eu le mérite de faire éclater au jour des tribunaux télévisuels l’ignominie d’une pratique immémoriale, momentanément justifiée par la loi orgonale.
Il aurait suffi de lire Sade. On le lisait certes, aux jours des triomphes orgonaux, mais sans autre regard que celui des enthousiasmes reichiens. Sade nous conduit pourtant sans doute aux sources de la généalogie du reichisme : l’anti-augustinisme, l’opposition à cet Augustin dont Sade précisément, en son siècle optimiste, est le seul — avec les jansénistes — à ne s’être pas débarrassé. (Cf. aussi les travaux de Georges Bataille, notamment son livre L’Érotisme.)
Sade. Ouvrons sa “philosophie dans le boudoir” : véritable scénario pour un film pornographique. Après moult galipettes, son livre se termine, last but not least, par l’infibulation de la mère de l’héroïne… Quant aux enthousiastes des années ‘60, ils croyaient que Sade était lui aussi un jouisseur heureux… En fait Sade nous dévoile à nous-mêmes et rejoint Freud à un bout, Augustin à l’autre. La libération, dans la sexualité, est évidemment grevée de la prégnance de ce que nous sommes, et du rapport de domination fantasmé…
Augustin, donc, comme seul vis-à-vis de Reich. Un Augustin, ne l’oublions pas, appelé “judéo-christianisme”, entendez “oppression morale”. Parce que Reich est sans doute mort, mais son cadavre s’agite des convulsions qui le relèvent comme le courant électrique relève ce cadavre composite qu’est la créature du docteur Frankenstein — entendez le docteur Freud. Puisque, on l’a dit, Reich est appelé “Freud” comme la créature est appelée “Frankenstein”.
Le courant électrique ici est l’influx judéo-chrétien. Chaque fois qu’il est instillé, le cadavre s’agite aux cris lugubres de “ordre moral, ordre moral”. D’où la double tentation des représentants de l’“ordre judéo-chrétien” : tentation d’une part de succomber un peu au discours toujours à l’ordre du jour concernant la fonction libératrice totale de l’orgasme, et d’en rajouter sur la bonté du plaisir ; tentation d’autre part et en même temps, de se réfugier avec Augustin à l’ombre gigantesque de Ste Monique, puisque nous avons tout de même retenu la leçon de Sade, susurrons-nous — mais comment le dire ?…
C’est ainsi que l’on est crucifié entre deux mots d’ordre parfaitement contradictoires : celui du Moyen Age où le sexe était interdit et celui d’aujourd’hui où il est obligatoire.
Les rares couples demandant aux Églises de les bénir lorsqu’ils se marient résolvent à leur façon la contradiction désormais normale : ils sont, au moment de leur demande, et désormais “pour tous” quels que soient leurs sexes, des reichiens moyens (en ce qu’ils n’ont pas attendu l’autorisation civile ou ecclésiale pour vivre librement leur sexualité), pour la plupart, souvent depuis longtemps, et dès lors au fond d’eux-mêmes. Ce qui suppose logiquement dans leur couple absence de lien quel qu’il soit. Au moment où ils viennent à l’Église, et déjà au moment où ils vont voir Mme ou M. le Maire, ils sont en train de sacrifier un peu à maman, je veux dire grand-maman, en l’occurrence Ste Monique, la maman de St Augustin.
Augustin donc. Il vit à l’époque où vont apparaître (Ve siècle) les premières traces de bénédictions nuptiales d’Églises, ignorées auparavant dans les Églises, qui se contentent jusque là de reconnaître les rites nuptiaux de la Cité.
Augustin est celui qui a légué à l’Occident cette certitude assez commune dans le christianisme ancien que la sexualité est un des lieux d’expression de l’humain, et pas des moindres. Lieu d’expression de l’humain, avec tout ce que l’humain a de redoutable. Lieu d’expression du péché originel (selon le terme augustinien), lieu d’autant plus redoutable qu’il n’est pas des moindres, à proportion de l’intensité du plaisir, lui-même fonction non pas tant de réservoirs d’énergie, que de fantasmes d’autant plus irréalisables qu’ils sont moteurs d’un désir qui s’éteindrait avec leur assouvissement (pour s’en tenir à Freud, ou Bataille).
Citons donc Augustin (Confessions VIII, I) [4] parlant des hésitations à travers lesquelles il accédera finalement quand même à la conversion : “[…] j’avais pris en dégoût la vie que je menais dans le siècle […]. Mais j’étais pris encore dans les liens tenaces de la femme. Sans doute l’Apôtre ne m’interdisait point le mariage, bien que dans son ardent désir de voir tous les hommes semblables à lui, il recommande un état plus parfait. Mais moi, trop faible encore, je choisissais la voie paresseuse, et c’était la seule raison de mes incertitudes en tout le reste […].
J’avais appris de la bouche de la vérité elle-même qu’il y a des eunuques ‘qui se sont mutilés eux-mêmes pour gagner le Royaume des cieux’. Mais, dit aussi l’Apôtre, ‘comprenne qui peut comprendre’. […] Pour moi, je n’en étais plus là ; j’avais franchi cette étape, et […] je vous avais trouvé, ô vous, notre Créateur […].
Il est encore un autre genre d’impies : ‘ils connaissent Dieu, mais ne le glorifient pas comme Dieu ni ne lui rendent grâces’. Dans ce péché aussi, j’étais tombé […]. J’avais trouvé la ‘perle précieuse’. Je devais l’acheter au prix de tout ce que je possédais. J’hésitais encore.”
On connaît la suite, dans le jardin de Milan (Confessions VIII, XII) : “[…] voici que j’entends, qui s’élève de la maison voisine, une voix, voix de jeune garçon ou de jeune fille, je ne sais. Elle dit en chantant et répète à plusieurs reprises : ‘Prends et lis ! Prends et lis !’ […]
Je revins donc en hâte à l’endroit où [j’avais] laissé, en me levant, le livre de l’Apôtre. Je le pris, l’ouvris, et lus en silence le premier chapitre où tombèrent mes yeux : ‘Ne vivez pas dans la ripaille et l’ivrognerie, ni dans les plaisirs impudiques du lit, ni dans les querelles et jalousies ; mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et ne pourvoyez pas à la concupiscence de la chair’. Je ne voulus pas en lire davantage, c’était inutile.”
Augustin est dès lors converti. Il est à ce moment avec son ami Alypius. Il poursuit ainsi son récit (ibid.) : “Aussitôt nous nous rendons auprès de ma mère, nous lui disons tout : elle se réjouit. Nous lui racontons comment la chose s’est passée : elle exulte, elle triomphe. […] Vous m’aviez si bien converti à vous que je ne songeais plus à chercher femme et que je renonçai à toutes les espérances du siècle, debout désormais sur cette ‘règle de foi’ où vous m’aviez montré à ma mère, tant d’années auparavant”.
On ne s’arrêtera pas à la question psychanalytique concernant le rapport de St Augustin et de sa mère Ste Monique, ou concernant la complexité du triomphe de cette dernière qui, on le sait, avait mis auparavant toute son énergie à séparer son fils de sa concubine, dont il avait tout de même eu un enfant, Adeodat. On se contentera de rappeler qu’il n’est pas excessif de dire que tout le rapport du Moyen Age à la sexualité est lié à ce carrefour. Augustin l’a dit lui-même, si le mariage n’est pas carrément interdit, il s’assimile à la concupiscence des “plaisirs impudiques du lit”, dont Augustin, pour les avoir connus, pense qu’y succomber relève d’une sorte de paresse spirituelle (on l’a entendu). Le célibat, dans la chasteté, est nettement plus “parfait”, au point que la conversion, ultimement, s’y assimile. Cet état de perfection consistant à être “revêtu” du Christ.
Hiérarchie à deux pôles donc : le mariage, relevant de la chair, au cœur duquel subsiste le péché, lié à la concupiscence qui accompagne l’union sexuelle et par laquelle se transmet le péché originel. Et le célibat dans la chasteté, état de perfection, que désire tout chrétien médiéval, cela d’une façon parfois des plus radicales. C’est ainsi que les recherches récentes sur le catharisme ont mené les historiens à abandonner l’ancienne théorie selon laquelle il se serait agi de manichéens. On s’accorde aujourd’hui à y voir des augustiniens radicaux mâtinés d’origénisme (l’exégèse origénienne faisait alors autorité). Il est significatif que ceux qui étaient alors appelés les Bonshommes étaient dans le catharisme nommés aussi des Parfaits ou des Revêtus. Deux termes que l’on vient de lire chez Augustin pour désigner l’état auquel il aspire avant de l’atteindre. Ce qui distingue les cathares n’est que leur radicalité qui fait qu’il n’est pas de rachat du mariage. C’est précisément relativement à ce rachat qu’il est question, hors catharisme, de sacrement. Cela en lien avec cet aspect de l’enseignement d’Augustin qui veut que le péché inévitable dans l’union sexuelle soit couvert par ce résultat positif de ladite union : la procréation. Péché inévitable qui fait en même temps véhicule de sa propre transmission. Mais en deçà du péché, l’union sexuelle est le lieu d’une œuvre créatrice de Dieu, qui couvre donc le péché inévitable qui l’accompagne ; qui le couvre pourvu que l’intention des parents s’unissant soit précisément la procréation. D’où la possibilité d’une dimension sacramentelle du mariage, en lien avec cette couverture du péché qui y demeure toutefois. Moins grande radicalité, donc, que dans le catharisme. C’est dans la confrontation au catharisme que va se préciser la définition de la sacramentalité du mariage, qui va, non pas éliminer la hiérarchie des deux états, mais atténuer l’abrupt de l’abîme qui les sépare. On voit nettement cela chez ce militant de la lutte anti-dualiste, Thomas d’Aquin, premier de trois augustiniens célèbres sur lesquels on se penchera : Thomas d’Aquin, Luther, Calvin.
Thomas d’Aquin est célèbre entre autres, et à juste titre, pour avoir réhabilité la nature. Du même coup, il réhabilite d’une certaine façon la sexualité, sans se départir totalement de l’enseignement normatif augustinien concernant sa dimension peccamineuse. Le mariage est cependant naturel, au point que sous cet angle la relation sexuelle, nécessairement, n’est pas péché, puisque le corps a été créé bon. “Les inclinations naturelles dans les choses viennent de Dieu […]”, dit-il. Il poursuit : “Or chez tous les animaux parfaits, se trouve cette inclination naturelle au commerce charnel ; celui-ci ne peut donc être de soi un mal” (Somme contre les Gentils, CXXVI) [5]. Commerce qu’il s’agit cependant d’humaniser : “L’amitié s’établit en une certaine égalité. [… S’il était] licite à l’homme d’avoir plusieurs femmes, l’amour de la femme pour son mari […] serait […] quasi servile. Et l’expérience le prouve : quand les hommes possèdent plusieurs femmes, celles-ci sont quasi des servantes” (ibid., III, CXXIV).
Toutefois, si le commerce charnel n’est pas un mal, “[…] la génération […] est la raison d’être du coït. […] L’éjaculation de la semence doit donc être ainsi réglée que s’ensuivent et une génération parfaite et l’éducation de l’engendré” (Somme contre les Gentils, III, CXXII). Par ailleurs, la hiérarchie augustinienne demeure. Je cite toujours : “[…] certains hommes, sans rejeter la continence perpétuelle, ont accordé au mariage une même valeur. C’est l’hérésie de Jovinien [6]. La fausseté de cette erreur apparaît [en ce que] la continence rend l’homme plus apte à élever son âme jusqu’aux choses spirituelles et divines” (ibid., III, CXXXVII).
“[…] la jouissance [des plaisirs charnels], et particulièrement des plaisirs sexuels, ramène l’esprit à la chair […]” (ibid., III, CXXXVI). La hiérarchie demeure, mais se nuance, puisque le plaisir, étant le moteur par lequel Dieu met en œuvre cette fonction naturelle et voulue de lui — la procréation —, n’est pas foncièrement mauvais.
À partir de là, la raison de l’octroi du sacrement demeure aussi, mais se précise. Je cite à nouveau : “[…] la génération humaine a des fins multiples : continuité de l’espèce, […] d’un peuple […,] de l’Église […]. Ordonnée au bien de l’Église, elle devra se soumettre au gouvernement ecclésiastique. Or, on donne le nom de sacrements à ce qui est dispensé au peuple par les ministres de l’Église” (ibid., IV, LXXVIII). Je précise : puisque, dit-il par ailleurs, l’Église “se multiplie par une génération spirituelle” et non pas charnelle (ibid., III, CXXXVI).
En résumé, chez l’augustinien Thomas d’Aquin, fidèle au maître, la malignité foncière de la relation sexuelle se nuance de ce qu’elle ne concerne que la nature post peccatum. En soi la nature est bonne et la sexualité en relève tout de même. S’infiltreront plus tard dans ce soupçon de réhabilitation de la sexualité les prémices de l’optimisme moderne et contemporain du fait de jésuites dont Pascal stigmatisera l’abandon de l’esprit thomiste. Concernant la question des sacrements, pour Thomas, l’inscription de la vie matrimoniale dans la sacramentalité relève de ce que l’Église, en dette certes à la nature, n’en relève toutefois pas. Son recrutement n’est pas génétique. Un soupçon de surnaturel gracieux s’insère dans une nature bonne mais déchue.
Nuances diverses que Luther, augustinien aussi, ignore délibérément. Le Réformateur en revient strictement au maître, Augustin. En raison de la concupiscence qu’elle suppose, pour lui aussi l’union sexuelle relève du péché. Faisant sienne une lecture augustinienne commune du Psaume 51, v.7 : “dans la faute j’ai été enfanté et, dans le péché, conçu des ardeurs de ma mère”, Luther commente : “[l’acte conjugal] est un péché que rien ne distingue de l’adultère ou de la fornication, si l’on se place du point de vue de la passion sensuelle et de la laideur du plaisir. Pourtant, Dieu, par pure miséricorde, ne l’impute pas aux époux, étant donné qu’il nous est impossible de l’éviter, bien que nous soyons tenus de nous en passer” (Des vœux monastiques) [7].
Augustinisme strict, que n’auraient pas renié même les cathares, si ce n’est quant à l’affirmation selon laquelle le péché en question, induit par l’attrait de l’union sexuelle, est inévitable. C’est que Luther, insistant avec Paul sur cette fonction de la Loi qui est de nous convaincre de péché, est particulièrement sensible au fait que l’on n’échappe pas au péché, et à celui-là particulièrement, — sous l’angle de la convoitise, la concupiscence, précisément, ultime commandement. “Celui qui convoite une femme pour la désirer a déjà commis l’adultère avec elle”. Que celui à qui cela n’est jamais arrivé jette la première pierre à Luther, en prenant garde toutefois qu’Augustin, avec Brassens, est derrière.
C’est la raison fondamentale de la rupture des vœux de Luther. À quoi bon s’imposer une pratique, reçue de la tyrannie des hommes, et qui, quelles que soient les mortifications que l’on s’impose pour elle, laisse son adepte retomber de toute façon dans le péché qu’il ne peut vaincre. C’est là pourquoi Luther affirme que fondamentalement on ne peut éviter sous cet angle ce dont on est pourtant tenu de se passer.
C’est en ce sens qu’il faut comprendre sa fameuse formule, employée à tort et à travers : “pecca fortiter, pèche hardiment…, mais crois plus hardiment encore” : accomplis sans contrainte, et avec joie, ton “devoir conjugal”… Ce qui n’est pas encore le soixante-huitard : “jouissez sans entraves” — on demeure certes dans le monde augustinien ! C’est un des lieux centraux de la justification par la foi. Et c’est cela qui lui permet de juger l’obligation du célibat des prêtres comme une tyrannie insupportable. “Je laisse […] en suspens la question du Pape, des Évêques, des clercs des fondations et des moines qui ne sont pas d’institution divine, écrit-il. Puisqu’ils se sont imposés des fardeaux, ils n’ont qu’à les porter. Je veux parler de la classe des curés que Dieu a instituée ; les curés doivent assurer le gouvernement des paroisses, prêcher, administrer les sacrements, vivre au milieu de leurs paroisses. Il faudrait qu’un Concile chrétien leur concède la liberté de se marier pour éviter les risques et le péché. Car du moment que Dieu ne les a pas liés, nul ne doit ou ne peut les lier quand bien même ce serait un ange venu du ciel, pour ne pas parler du Pape […] (À la noblesse chrétienne de la nation allemande) [8]. En d’autres termes, il y a une Loi de Dieu, qui permet le mariage, qui même l’ordonne (chose qui n’en est pas moins simplement civile, et même profane selon les mots de Luther : la Réforme revient à la tradition ancienne d’un mariage relevant de la Cité commune, même si elle concédera un rite de bénédiction) ; il est donc illégitime, et même tyrannique de vouloir abolir le mariage qui relève de la Création par une loi humaine inverse, fût-elle canonique. Quant au péché sexuel, on a vu que selon Luther, il n’est pas imputé aux époux, par la seule miséricorde de Dieu, et non pas à cause de sa fonction procréatrice (que Luther ne nie pas). Ici aussi fonctionne la justification par la foi, en rapport avec la volonté des conjoints, exprimée publiquement — pour ceux à qui cela n’est pas interdit par des lois tyranniques — volonté de vivre ensemble dans la fidélité selon la Loi de Dieu. Justification par la foi dont les sacrements — baptême et cène — suffisent. Détail important : la publicité est un aspect fondamental dans la Réforme pour qu’il y ait mariage effectif, cela en lien avec la dimension essentiellement sociale du mariage, qui se fonde sur une Loi divine donnée dès la Création — le mariage n’est pas spécifique aux chrétiens, donc. Où l’on a parlé de Loi ; ce qui nous rapproche des développements de cet autre augustinien que l’on considérera, Calvin.
Calvin, augustinien comme Luther, en adopte la radicalité quant au sens du péché : ”J’appelle continence, écrit-il, non pas quand le corps seulement est gardé pur et net de paillardise, mais quand l’âme se maintient en une chasteté sans souillure. Car S. Paul ne défend pas seulement l’impudicité externe, mais aussi la brûlure intérieure du cœur (I Cor. 7:9)” (IRC, IV, xiii, 17) [9].
Comme pour Luther, la justification se reçoit dans la foi, de la seule grâce de Dieu : “[…] non seulement Dieu pardonne [l’intempérance de la chair dans le mariage], mais il [la] couvre du voile du saint mariage à ce que ce qui était vicieux de soi ne soit point imputé” (Comm. Deut., 24, 5) [10].
Et fondamentalement, au cœur de cette approche, est la conscience que le mariage est commandé par Dieu, dès la Création. Dimension sociale donc : ce n’est pas seulement le consentement qui fait le mariage, mais la publicité de ce consentement (contre les pactes secrets), d’où en deçà de la dimension sacramentelle certaine (image de l’union du Christ et de l’Église), la disparition de la notion de sacrement quant au mariage (si toutes les images et métaphores employées par le Christ ou la Bible, précise Calvin, étaient des sacrements, le nombre en serait infini — IRC, IV, xix, 34). La Loi de Dieu, donc, donnée dès la Création, contre les lois tyranniques des hommes. Ici Calvin adopte la même polémique que Luther contre le célibat imposé (IRC, IV, xiii,14-17).
Mais chez Calvin — comme chez Luther, mais après lui l’accent tendra à se déplacer là —, la Loi divine fonctionne comme organe de libération : “ce que Dieu permet à une jeune femme de s’éjouir avec son mari est une approbation de la bonté et de la douceur infinie du mariage” (Comm. Deut. 24, 5) [11]. Cela ne doit pas nous induire à penser que Calvin modère Augustin plus que de raison. Quant à sa modération de la rigueur augustinienne, Calvin est proche de Thomas d’Aquin, tout au plus. Mais cela signifie que la Loi promulgue une liberté à laquelle aucune tyrannie ne saurait contrevenir. Mais rien dans cela qui soit sacrement. Cela augure des développements ultérieurs, déjà en germe chez Luther, et surtout donc chez Calvin, concernant l’inversion de la proposition antécédente. Auparavant le célibat était obligatoire, sauf l’exception de l’incapacité à se contenir. Dorénavant, le mariage est pleinement réhabilité, comme ordre de Dieu, sauf le don exceptionnel de se contenir.
Trois augustiniens tirant des conséquences différentes de l’œuvre d’Augustin, avec en commun avec lui, contre le reichisme aujourd’hui ambiant, le refus de s’enthousiasmer pour la sexualité, grevée du péché comme le reste de l’humain. À travers ce cheminement en zigzag depuis Augustin, qui conduit à octroyer un sacrement comme alternative au célibat dans le cas des augustiniens médiévaux et de Thomas d’Aquin, qui conduit à prononcer une bénédiction visant à libérer de façon paradoxale ce qui reste quand même ce que c’est chez Augustin pour les Réformateurs ; dans les quatre cas, Augustin et ses successeurs, il est question d’une parole en forme de malgré tout, depuis le “malgré le fait que le célibat est préférable si possible”, jusqu’au : “malgré tout Dieu ordonne le mariage”. Trois interprétations d’Augustin, autant de façons de gérer ce qu’il faut bien gérer quand même, malgré l’augustinisme radical du Moyen Age dualiste et aujourd’hui, en outre, malgré Reich versus Ste Monique...
Les rites ecclésiaux de bénédiction, issus de cette conscience commune marquée de sa part d’héritage augustinien, sont censés dès lors, face au tragique de notre condition, avoir pour fonction d’ouvrir par le mariage à l’expression sexuelle… Liberté, qu’ignorant tout du tragique en question, nos tourtereaux demandant du rite se sont déjà octroyée ! On assiste ainsi à ce paradoxe qui veut qu’en demandant aux Églises du rite, on concède avec plus ou moins bon gré de se plier un peu aux désirs de Ste Monique !… Fût-ce sous forme d’un plus aux accents romantiques ; dans une église, gothique si possible, ou, pour les protestants, un temple évoquant le charme si pittoresque du temps du désert…
Mais pire que tout, ceux à qui le mariage est resté augustiniennement impossible du fait d’une discipline d’Église qui exige de ses clercs célibat et abstinence en un temps où la libre expression des pulsions est devenue obligatoire… Quel roman, quel film n’a pas consenti à cette règle, qui vient se substituer à la règle cléricale ? Quel clerc reste insensible à ce qui est perçu comme incontournable, le pulsionnel, et ne laisse que l’issue de la sublimation ?… Jusqu’à ce que le fantasme importe au cœur des vies ses craquements et ses failles : ça vaut bien sûr en premier lieu dans l’Église catholique, la plus stricte quant à ses exigences. Ça vaut aussi, l’actualité américaine vient de le montrer, dans une moindre mesure, pour une Église héritière, dans la compréhension du mariage, de la même tradition issue d’Augustin et confrontée aujourd’hui à la libre expression sexuelle, entre adultes consentants selon la formule, des fantasmes de tout un chacun, heurtée à la limite des fantasmes des seuls consentants. Et là, le scandale, énorme dans les Églises — et on aurait pu parler d’autres religions —, vaut aussi hors religions, pour toute la société.
Ils ne sont jamais nommés en propre. Au lieu de “Reich”, on dit “Freud”, le pauvre Freud n’y pouvant rien. Et au lieu d’Augustin, on dit “tradition judéo-chrétienne”. Laquelle pauvrette n’y peut pas plus que le pauvre Freud. Et voilà les deux, la prude Mlle Judéo-chrétienne et le très viril mais très correct M. Freud, mariés pour le meilleur et pour le pire et dotés des plus sûres bénédictions, dans l’ombre de M. Reich et de M. St Augustin, à moins que ce ne soit sa mère, Mme Ste Monique, d’autant plus exigeante à l’égard de M. Reich que plus frustrée — paraît-il —, à la mesure du vertige de ses fantasmes.
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Là est l’occultation du PaCS secret de Reich et de Ste Monique, derrière le mariage public de Freud et de la tradition judéo-chrétienne — et derrière le malaise dans la civilisation et les Églises, qui éclate aujourd’hui principalement, notamment par des scandales, dans l’Église catholique, mais aussi, dans une moindre mesure, dans la plus grande dénomination protestante américaine, celle des Baptistes du Sud. Ou, mutatis mutandis, dans la décision synodale, pas digérée par tous ses membres, de l’Église protestante unie de France faisant écho en 2015 à la loi française de 2013 sur le “mariage pour tous”, témoignant de la complexité, notamment pour les Églises, de la relation mariage-sexualité libre.
Wilhelm Reich était ce disciple de Freud qui proposait de libérer la sexualité via une interprétation toute personnelle des découvertes du maître (relecture de Freud par Reich qui apparaissait déjà avant lui, mutatis mutandis, dans celle d’Otto Gross). Reich élaborait une théorie de “la fonction de l’orgasme”, selon le titre d’un de ses livres, débouchant sur “la révolution sexuelle” (autre titre de Reich), révolution qui compléterait bientôt heureusement toutes les autres et amènerait l’humanité au plus parfait bonheur, grâce à la libération des masses… masses d’énergie retenue, énergie sexuelle, libérée par l’orgasme. C’est là le point de départ d’un développement qui le conduira à vouloir saisir l’énergie en question, qu’il baptise “l’orgone”. C’est pour réaliser cette saisie qu’il construit des instruments avec capacité de mesure de l’énergie sexuelle, avec visée de récupération et conservation de ladite énergie.
On comprend bien qu’on a dérivé assez loin de Freud. Son livre où il tire lui-même des conclusions de ses observations en matière de sexualité, “Malaise dans la culture” [1], débouche dans des voies à peu près inverses : c’est la frustration sexuelle, explique-t-il, imposée par la culture, notamment judéo-chrétienne, qui produit une certaine stabilité de civilisation et des développements économiques et techniques — condition d’un certain bien-être, relatif au confort qui permettra à Reich de construire ses accumulateurs d’“orgone”.
Peu de doute que l’interprétation de Roland Jaccard parlant d’intériorisation de l’interdit [2], qui, pour frustrante, n’en est pas moins la civilisation elle-même ; ou celle du dominicain Albert Plé retrouvant dans la théorie freudienne de la sublimation l’approche thomiste de la volonté mystique de s’abîmer dans un au-delà de la relation physique qui n’en contient pas moins toute la nature sexuée de l’humain [3] ; peu de doute que de telles interprétations soient plus fidèles à Freud.
Il n’empêche que — cela sans doute à l’appui a contrario de l’indignation populaire mêlant pruderie et anti-sémitisme contre le Freud historique — ; il n’empêche que c’est l’interprétation reichienne qui a reçu le titre populaire global de freudisme ; souvent sous cet autre intitulé : “libération sexuelle” — mais sans accumulateurs orgasmiques.
Cela jusqu’au discrédit récent… On sait que les temps culminants du pseudo freudisme reichien sont dans le post-soixante-huitisme triomphant dont les premières mises en doute de son crypto-reichisme sont consécutives à ce que notre société se soit retrouvée “le cul par terre”, par exemple avec des pères s’étonnant et se lamentant de découvrir après coup la souffrance de leurs filles avec qui ils avaient commis l’inceste : ils avaient cru bien faire s’excusaient certains ! Onde de choc qui se poursuit aujourd’hui concernant des responsables d’Églises ayant couvert d’un affreux secret le débordement de pulsions libérées outrageant les plus petits. La découverte de l’indécence aura au moins eu le mérite de faire éclater au jour des tribunaux télévisuels l’ignominie d’une pratique immémoriale, momentanément justifiée par la loi orgonale.
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Il aurait suffi de lire Sade. On le lisait certes, aux jours des triomphes orgonaux, mais sans autre regard que celui des enthousiasmes reichiens. Sade nous conduit pourtant sans doute aux sources de la généalogie du reichisme : l’anti-augustinisme, l’opposition à cet Augustin dont Sade précisément, en son siècle optimiste, est le seul — avec les jansénistes — à ne s’être pas débarrassé. (Cf. aussi les travaux de Georges Bataille, notamment son livre L’Érotisme.)
Sade. Ouvrons sa “philosophie dans le boudoir” : véritable scénario pour un film pornographique. Après moult galipettes, son livre se termine, last but not least, par l’infibulation de la mère de l’héroïne… Quant aux enthousiastes des années ‘60, ils croyaient que Sade était lui aussi un jouisseur heureux… En fait Sade nous dévoile à nous-mêmes et rejoint Freud à un bout, Augustin à l’autre. La libération, dans la sexualité, est évidemment grevée de la prégnance de ce que nous sommes, et du rapport de domination fantasmé…
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Augustin, donc, comme seul vis-à-vis de Reich. Un Augustin, ne l’oublions pas, appelé “judéo-christianisme”, entendez “oppression morale”. Parce que Reich est sans doute mort, mais son cadavre s’agite des convulsions qui le relèvent comme le courant électrique relève ce cadavre composite qu’est la créature du docteur Frankenstein — entendez le docteur Freud. Puisque, on l’a dit, Reich est appelé “Freud” comme la créature est appelée “Frankenstein”.
Le courant électrique ici est l’influx judéo-chrétien. Chaque fois qu’il est instillé, le cadavre s’agite aux cris lugubres de “ordre moral, ordre moral”. D’où la double tentation des représentants de l’“ordre judéo-chrétien” : tentation d’une part de succomber un peu au discours toujours à l’ordre du jour concernant la fonction libératrice totale de l’orgasme, et d’en rajouter sur la bonté du plaisir ; tentation d’autre part et en même temps, de se réfugier avec Augustin à l’ombre gigantesque de Ste Monique, puisque nous avons tout de même retenu la leçon de Sade, susurrons-nous — mais comment le dire ?…
C’est ainsi que l’on est crucifié entre deux mots d’ordre parfaitement contradictoires : celui du Moyen Age où le sexe était interdit et celui d’aujourd’hui où il est obligatoire.
Les rares couples demandant aux Églises de les bénir lorsqu’ils se marient résolvent à leur façon la contradiction désormais normale : ils sont, au moment de leur demande, et désormais “pour tous” quels que soient leurs sexes, des reichiens moyens (en ce qu’ils n’ont pas attendu l’autorisation civile ou ecclésiale pour vivre librement leur sexualité), pour la plupart, souvent depuis longtemps, et dès lors au fond d’eux-mêmes. Ce qui suppose logiquement dans leur couple absence de lien quel qu’il soit. Au moment où ils viennent à l’Église, et déjà au moment où ils vont voir Mme ou M. le Maire, ils sont en train de sacrifier un peu à maman, je veux dire grand-maman, en l’occurrence Ste Monique, la maman de St Augustin.
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Augustin donc. Il vit à l’époque où vont apparaître (Ve siècle) les premières traces de bénédictions nuptiales d’Églises, ignorées auparavant dans les Églises, qui se contentent jusque là de reconnaître les rites nuptiaux de la Cité.
Augustin est celui qui a légué à l’Occident cette certitude assez commune dans le christianisme ancien que la sexualité est un des lieux d’expression de l’humain, et pas des moindres. Lieu d’expression de l’humain, avec tout ce que l’humain a de redoutable. Lieu d’expression du péché originel (selon le terme augustinien), lieu d’autant plus redoutable qu’il n’est pas des moindres, à proportion de l’intensité du plaisir, lui-même fonction non pas tant de réservoirs d’énergie, que de fantasmes d’autant plus irréalisables qu’ils sont moteurs d’un désir qui s’éteindrait avec leur assouvissement (pour s’en tenir à Freud, ou Bataille).
Citons donc Augustin (Confessions VIII, I) [4] parlant des hésitations à travers lesquelles il accédera finalement quand même à la conversion : “[…] j’avais pris en dégoût la vie que je menais dans le siècle […]. Mais j’étais pris encore dans les liens tenaces de la femme. Sans doute l’Apôtre ne m’interdisait point le mariage, bien que dans son ardent désir de voir tous les hommes semblables à lui, il recommande un état plus parfait. Mais moi, trop faible encore, je choisissais la voie paresseuse, et c’était la seule raison de mes incertitudes en tout le reste […].
J’avais appris de la bouche de la vérité elle-même qu’il y a des eunuques ‘qui se sont mutilés eux-mêmes pour gagner le Royaume des cieux’. Mais, dit aussi l’Apôtre, ‘comprenne qui peut comprendre’. […] Pour moi, je n’en étais plus là ; j’avais franchi cette étape, et […] je vous avais trouvé, ô vous, notre Créateur […].
Il est encore un autre genre d’impies : ‘ils connaissent Dieu, mais ne le glorifient pas comme Dieu ni ne lui rendent grâces’. Dans ce péché aussi, j’étais tombé […]. J’avais trouvé la ‘perle précieuse’. Je devais l’acheter au prix de tout ce que je possédais. J’hésitais encore.”
On connaît la suite, dans le jardin de Milan (Confessions VIII, XII) : “[…] voici que j’entends, qui s’élève de la maison voisine, une voix, voix de jeune garçon ou de jeune fille, je ne sais. Elle dit en chantant et répète à plusieurs reprises : ‘Prends et lis ! Prends et lis !’ […]
Je revins donc en hâte à l’endroit où [j’avais] laissé, en me levant, le livre de l’Apôtre. Je le pris, l’ouvris, et lus en silence le premier chapitre où tombèrent mes yeux : ‘Ne vivez pas dans la ripaille et l’ivrognerie, ni dans les plaisirs impudiques du lit, ni dans les querelles et jalousies ; mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et ne pourvoyez pas à la concupiscence de la chair’. Je ne voulus pas en lire davantage, c’était inutile.”
Augustin est dès lors converti. Il est à ce moment avec son ami Alypius. Il poursuit ainsi son récit (ibid.) : “Aussitôt nous nous rendons auprès de ma mère, nous lui disons tout : elle se réjouit. Nous lui racontons comment la chose s’est passée : elle exulte, elle triomphe. […] Vous m’aviez si bien converti à vous que je ne songeais plus à chercher femme et que je renonçai à toutes les espérances du siècle, debout désormais sur cette ‘règle de foi’ où vous m’aviez montré à ma mère, tant d’années auparavant”.
On ne s’arrêtera pas à la question psychanalytique concernant le rapport de St Augustin et de sa mère Ste Monique, ou concernant la complexité du triomphe de cette dernière qui, on le sait, avait mis auparavant toute son énergie à séparer son fils de sa concubine, dont il avait tout de même eu un enfant, Adeodat. On se contentera de rappeler qu’il n’est pas excessif de dire que tout le rapport du Moyen Age à la sexualité est lié à ce carrefour. Augustin l’a dit lui-même, si le mariage n’est pas carrément interdit, il s’assimile à la concupiscence des “plaisirs impudiques du lit”, dont Augustin, pour les avoir connus, pense qu’y succomber relève d’une sorte de paresse spirituelle (on l’a entendu). Le célibat, dans la chasteté, est nettement plus “parfait”, au point que la conversion, ultimement, s’y assimile. Cet état de perfection consistant à être “revêtu” du Christ.
Hiérarchie à deux pôles donc : le mariage, relevant de la chair, au cœur duquel subsiste le péché, lié à la concupiscence qui accompagne l’union sexuelle et par laquelle se transmet le péché originel. Et le célibat dans la chasteté, état de perfection, que désire tout chrétien médiéval, cela d’une façon parfois des plus radicales. C’est ainsi que les recherches récentes sur le catharisme ont mené les historiens à abandonner l’ancienne théorie selon laquelle il se serait agi de manichéens. On s’accorde aujourd’hui à y voir des augustiniens radicaux mâtinés d’origénisme (l’exégèse origénienne faisait alors autorité). Il est significatif que ceux qui étaient alors appelés les Bonshommes étaient dans le catharisme nommés aussi des Parfaits ou des Revêtus. Deux termes que l’on vient de lire chez Augustin pour désigner l’état auquel il aspire avant de l’atteindre. Ce qui distingue les cathares n’est que leur radicalité qui fait qu’il n’est pas de rachat du mariage. C’est précisément relativement à ce rachat qu’il est question, hors catharisme, de sacrement. Cela en lien avec cet aspect de l’enseignement d’Augustin qui veut que le péché inévitable dans l’union sexuelle soit couvert par ce résultat positif de ladite union : la procréation. Péché inévitable qui fait en même temps véhicule de sa propre transmission. Mais en deçà du péché, l’union sexuelle est le lieu d’une œuvre créatrice de Dieu, qui couvre donc le péché inévitable qui l’accompagne ; qui le couvre pourvu que l’intention des parents s’unissant soit précisément la procréation. D’où la possibilité d’une dimension sacramentelle du mariage, en lien avec cette couverture du péché qui y demeure toutefois. Moins grande radicalité, donc, que dans le catharisme. C’est dans la confrontation au catharisme que va se préciser la définition de la sacramentalité du mariage, qui va, non pas éliminer la hiérarchie des deux états, mais atténuer l’abrupt de l’abîme qui les sépare. On voit nettement cela chez ce militant de la lutte anti-dualiste, Thomas d’Aquin, premier de trois augustiniens célèbres sur lesquels on se penchera : Thomas d’Aquin, Luther, Calvin.
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Thomas d’Aquin est célèbre entre autres, et à juste titre, pour avoir réhabilité la nature. Du même coup, il réhabilite d’une certaine façon la sexualité, sans se départir totalement de l’enseignement normatif augustinien concernant sa dimension peccamineuse. Le mariage est cependant naturel, au point que sous cet angle la relation sexuelle, nécessairement, n’est pas péché, puisque le corps a été créé bon. “Les inclinations naturelles dans les choses viennent de Dieu […]”, dit-il. Il poursuit : “Or chez tous les animaux parfaits, se trouve cette inclination naturelle au commerce charnel ; celui-ci ne peut donc être de soi un mal” (Somme contre les Gentils, CXXVI) [5]. Commerce qu’il s’agit cependant d’humaniser : “L’amitié s’établit en une certaine égalité. [… S’il était] licite à l’homme d’avoir plusieurs femmes, l’amour de la femme pour son mari […] serait […] quasi servile. Et l’expérience le prouve : quand les hommes possèdent plusieurs femmes, celles-ci sont quasi des servantes” (ibid., III, CXXIV).
Toutefois, si le commerce charnel n’est pas un mal, “[…] la génération […] est la raison d’être du coït. […] L’éjaculation de la semence doit donc être ainsi réglée que s’ensuivent et une génération parfaite et l’éducation de l’engendré” (Somme contre les Gentils, III, CXXII). Par ailleurs, la hiérarchie augustinienne demeure. Je cite toujours : “[…] certains hommes, sans rejeter la continence perpétuelle, ont accordé au mariage une même valeur. C’est l’hérésie de Jovinien [6]. La fausseté de cette erreur apparaît [en ce que] la continence rend l’homme plus apte à élever son âme jusqu’aux choses spirituelles et divines” (ibid., III, CXXXVII).
“[…] la jouissance [des plaisirs charnels], et particulièrement des plaisirs sexuels, ramène l’esprit à la chair […]” (ibid., III, CXXXVI). La hiérarchie demeure, mais se nuance, puisque le plaisir, étant le moteur par lequel Dieu met en œuvre cette fonction naturelle et voulue de lui — la procréation —, n’est pas foncièrement mauvais.
À partir de là, la raison de l’octroi du sacrement demeure aussi, mais se précise. Je cite à nouveau : “[…] la génération humaine a des fins multiples : continuité de l’espèce, […] d’un peuple […,] de l’Église […]. Ordonnée au bien de l’Église, elle devra se soumettre au gouvernement ecclésiastique. Or, on donne le nom de sacrements à ce qui est dispensé au peuple par les ministres de l’Église” (ibid., IV, LXXVIII). Je précise : puisque, dit-il par ailleurs, l’Église “se multiplie par une génération spirituelle” et non pas charnelle (ibid., III, CXXXVI).
En résumé, chez l’augustinien Thomas d’Aquin, fidèle au maître, la malignité foncière de la relation sexuelle se nuance de ce qu’elle ne concerne que la nature post peccatum. En soi la nature est bonne et la sexualité en relève tout de même. S’infiltreront plus tard dans ce soupçon de réhabilitation de la sexualité les prémices de l’optimisme moderne et contemporain du fait de jésuites dont Pascal stigmatisera l’abandon de l’esprit thomiste. Concernant la question des sacrements, pour Thomas, l’inscription de la vie matrimoniale dans la sacramentalité relève de ce que l’Église, en dette certes à la nature, n’en relève toutefois pas. Son recrutement n’est pas génétique. Un soupçon de surnaturel gracieux s’insère dans une nature bonne mais déchue.
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Nuances diverses que Luther, augustinien aussi, ignore délibérément. Le Réformateur en revient strictement au maître, Augustin. En raison de la concupiscence qu’elle suppose, pour lui aussi l’union sexuelle relève du péché. Faisant sienne une lecture augustinienne commune du Psaume 51, v.7 : “dans la faute j’ai été enfanté et, dans le péché, conçu des ardeurs de ma mère”, Luther commente : “[l’acte conjugal] est un péché que rien ne distingue de l’adultère ou de la fornication, si l’on se place du point de vue de la passion sensuelle et de la laideur du plaisir. Pourtant, Dieu, par pure miséricorde, ne l’impute pas aux époux, étant donné qu’il nous est impossible de l’éviter, bien que nous soyons tenus de nous en passer” (Des vœux monastiques) [7].
Augustinisme strict, que n’auraient pas renié même les cathares, si ce n’est quant à l’affirmation selon laquelle le péché en question, induit par l’attrait de l’union sexuelle, est inévitable. C’est que Luther, insistant avec Paul sur cette fonction de la Loi qui est de nous convaincre de péché, est particulièrement sensible au fait que l’on n’échappe pas au péché, et à celui-là particulièrement, — sous l’angle de la convoitise, la concupiscence, précisément, ultime commandement. “Celui qui convoite une femme pour la désirer a déjà commis l’adultère avec elle”. Que celui à qui cela n’est jamais arrivé jette la première pierre à Luther, en prenant garde toutefois qu’Augustin, avec Brassens, est derrière.
C’est la raison fondamentale de la rupture des vœux de Luther. À quoi bon s’imposer une pratique, reçue de la tyrannie des hommes, et qui, quelles que soient les mortifications que l’on s’impose pour elle, laisse son adepte retomber de toute façon dans le péché qu’il ne peut vaincre. C’est là pourquoi Luther affirme que fondamentalement on ne peut éviter sous cet angle ce dont on est pourtant tenu de se passer.
C’est en ce sens qu’il faut comprendre sa fameuse formule, employée à tort et à travers : “pecca fortiter, pèche hardiment…, mais crois plus hardiment encore” : accomplis sans contrainte, et avec joie, ton “devoir conjugal”… Ce qui n’est pas encore le soixante-huitard : “jouissez sans entraves” — on demeure certes dans le monde augustinien ! C’est un des lieux centraux de la justification par la foi. Et c’est cela qui lui permet de juger l’obligation du célibat des prêtres comme une tyrannie insupportable. “Je laisse […] en suspens la question du Pape, des Évêques, des clercs des fondations et des moines qui ne sont pas d’institution divine, écrit-il. Puisqu’ils se sont imposés des fardeaux, ils n’ont qu’à les porter. Je veux parler de la classe des curés que Dieu a instituée ; les curés doivent assurer le gouvernement des paroisses, prêcher, administrer les sacrements, vivre au milieu de leurs paroisses. Il faudrait qu’un Concile chrétien leur concède la liberté de se marier pour éviter les risques et le péché. Car du moment que Dieu ne les a pas liés, nul ne doit ou ne peut les lier quand bien même ce serait un ange venu du ciel, pour ne pas parler du Pape […] (À la noblesse chrétienne de la nation allemande) [8]. En d’autres termes, il y a une Loi de Dieu, qui permet le mariage, qui même l’ordonne (chose qui n’en est pas moins simplement civile, et même profane selon les mots de Luther : la Réforme revient à la tradition ancienne d’un mariage relevant de la Cité commune, même si elle concédera un rite de bénédiction) ; il est donc illégitime, et même tyrannique de vouloir abolir le mariage qui relève de la Création par une loi humaine inverse, fût-elle canonique. Quant au péché sexuel, on a vu que selon Luther, il n’est pas imputé aux époux, par la seule miséricorde de Dieu, et non pas à cause de sa fonction procréatrice (que Luther ne nie pas). Ici aussi fonctionne la justification par la foi, en rapport avec la volonté des conjoints, exprimée publiquement — pour ceux à qui cela n’est pas interdit par des lois tyranniques — volonté de vivre ensemble dans la fidélité selon la Loi de Dieu. Justification par la foi dont les sacrements — baptême et cène — suffisent. Détail important : la publicité est un aspect fondamental dans la Réforme pour qu’il y ait mariage effectif, cela en lien avec la dimension essentiellement sociale du mariage, qui se fonde sur une Loi divine donnée dès la Création — le mariage n’est pas spécifique aux chrétiens, donc. Où l’on a parlé de Loi ; ce qui nous rapproche des développements de cet autre augustinien que l’on considérera, Calvin.
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Calvin, augustinien comme Luther, en adopte la radicalité quant au sens du péché : ”J’appelle continence, écrit-il, non pas quand le corps seulement est gardé pur et net de paillardise, mais quand l’âme se maintient en une chasteté sans souillure. Car S. Paul ne défend pas seulement l’impudicité externe, mais aussi la brûlure intérieure du cœur (I Cor. 7:9)” (IRC, IV, xiii, 17) [9].
Comme pour Luther, la justification se reçoit dans la foi, de la seule grâce de Dieu : “[…] non seulement Dieu pardonne [l’intempérance de la chair dans le mariage], mais il [la] couvre du voile du saint mariage à ce que ce qui était vicieux de soi ne soit point imputé” (Comm. Deut., 24, 5) [10].
Et fondamentalement, au cœur de cette approche, est la conscience que le mariage est commandé par Dieu, dès la Création. Dimension sociale donc : ce n’est pas seulement le consentement qui fait le mariage, mais la publicité de ce consentement (contre les pactes secrets), d’où en deçà de la dimension sacramentelle certaine (image de l’union du Christ et de l’Église), la disparition de la notion de sacrement quant au mariage (si toutes les images et métaphores employées par le Christ ou la Bible, précise Calvin, étaient des sacrements, le nombre en serait infini — IRC, IV, xix, 34). La Loi de Dieu, donc, donnée dès la Création, contre les lois tyranniques des hommes. Ici Calvin adopte la même polémique que Luther contre le célibat imposé (IRC, IV, xiii,14-17).
Mais chez Calvin — comme chez Luther, mais après lui l’accent tendra à se déplacer là —, la Loi divine fonctionne comme organe de libération : “ce que Dieu permet à une jeune femme de s’éjouir avec son mari est une approbation de la bonté et de la douceur infinie du mariage” (Comm. Deut. 24, 5) [11]. Cela ne doit pas nous induire à penser que Calvin modère Augustin plus que de raison. Quant à sa modération de la rigueur augustinienne, Calvin est proche de Thomas d’Aquin, tout au plus. Mais cela signifie que la Loi promulgue une liberté à laquelle aucune tyrannie ne saurait contrevenir. Mais rien dans cela qui soit sacrement. Cela augure des développements ultérieurs, déjà en germe chez Luther, et surtout donc chez Calvin, concernant l’inversion de la proposition antécédente. Auparavant le célibat était obligatoire, sauf l’exception de l’incapacité à se contenir. Dorénavant, le mariage est pleinement réhabilité, comme ordre de Dieu, sauf le don exceptionnel de se contenir.
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Trois augustiniens tirant des conséquences différentes de l’œuvre d’Augustin, avec en commun avec lui, contre le reichisme aujourd’hui ambiant, le refus de s’enthousiasmer pour la sexualité, grevée du péché comme le reste de l’humain. À travers ce cheminement en zigzag depuis Augustin, qui conduit à octroyer un sacrement comme alternative au célibat dans le cas des augustiniens médiévaux et de Thomas d’Aquin, qui conduit à prononcer une bénédiction visant à libérer de façon paradoxale ce qui reste quand même ce que c’est chez Augustin pour les Réformateurs ; dans les quatre cas, Augustin et ses successeurs, il est question d’une parole en forme de malgré tout, depuis le “malgré le fait que le célibat est préférable si possible”, jusqu’au : “malgré tout Dieu ordonne le mariage”. Trois interprétations d’Augustin, autant de façons de gérer ce qu’il faut bien gérer quand même, malgré l’augustinisme radical du Moyen Age dualiste et aujourd’hui, en outre, malgré Reich versus Ste Monique...
Les rites ecclésiaux de bénédiction, issus de cette conscience commune marquée de sa part d’héritage augustinien, sont censés dès lors, face au tragique de notre condition, avoir pour fonction d’ouvrir par le mariage à l’expression sexuelle… Liberté, qu’ignorant tout du tragique en question, nos tourtereaux demandant du rite se sont déjà octroyée ! On assiste ainsi à ce paradoxe qui veut qu’en demandant aux Églises du rite, on concède avec plus ou moins bon gré de se plier un peu aux désirs de Ste Monique !… Fût-ce sous forme d’un plus aux accents romantiques ; dans une église, gothique si possible, ou, pour les protestants, un temple évoquant le charme si pittoresque du temps du désert…
Mais pire que tout, ceux à qui le mariage est resté augustiniennement impossible du fait d’une discipline d’Église qui exige de ses clercs célibat et abstinence en un temps où la libre expression des pulsions est devenue obligatoire… Quel roman, quel film n’a pas consenti à cette règle, qui vient se substituer à la règle cléricale ? Quel clerc reste insensible à ce qui est perçu comme incontournable, le pulsionnel, et ne laisse que l’issue de la sublimation ?… Jusqu’à ce que le fantasme importe au cœur des vies ses craquements et ses failles : ça vaut bien sûr en premier lieu dans l’Église catholique, la plus stricte quant à ses exigences. Ça vaut aussi, l’actualité américaine vient de le montrer, dans une moindre mesure, pour une Église héritière, dans la compréhension du mariage, de la même tradition issue d’Augustin et confrontée aujourd’hui à la libre expression sexuelle, entre adultes consentants selon la formule, des fantasmes de tout un chacun, heurtée à la limite des fantasmes des seuls consentants. Et là, le scandale, énorme dans les Églises — et on aurait pu parler d’autres religions —, vaut aussi hors religions, pour toute la société.
RP
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[1] Sigmund Freud, Malaise dans la culture, Paris, PUF/Quadrige, [1948] 1995. Cf. W. Reich, La révolution sexuelle, 1936.
[2] Roland Jaccard, L’exil intérieur, Paris, PUF, 1975.
[3] Albert Plé, o.p., “Saint Thomas et la psychologie contemporaine”, in Collectif, préface Card. Journet, Actualité de Saint Thomas, Paris, Desclée, 1972.
[4] Augustin d’Hippone, Confessions, trad. J. Trabucco, Paris, Flammarion GF, 1964.
[5] Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, Paris, Cerf, 1993.
[6] Jovinien était cet adversaire de saint Jérôme (IVe-Ve siècle), qui s’attaquait à la supériorité du célibat et avec cela, à la virginité perpétuelle de Marie (avec aussi Helvidius).
[7] Martin Luther, De votis monasticis, d’après Grisar, s.j. (II, p. 499), cit. In Uta Ranke-Heinemann, Des eunuques pour le Royaume de Dieu, Paris, Robert Laffont, 1990.
[8] Martin Luther, À la noblesse chrétienne de la nation allemande, in Les grands écrits réformateurs, Paris, Flammarion GF, 1992, p. 156-157.
[9] Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne (IRC), Aix/Fontenay, Kerygma/Farel, 1978.
[10] Cit. in Encyclopédie du protestantisme, art. “Sexualité”, par Éric Fuchs, p. 1449.
[11] Ibid.
[1] Sigmund Freud, Malaise dans la culture, Paris, PUF/Quadrige, [1948] 1995. Cf. W. Reich, La révolution sexuelle, 1936.
[2] Roland Jaccard, L’exil intérieur, Paris, PUF, 1975.
[3] Albert Plé, o.p., “Saint Thomas et la psychologie contemporaine”, in Collectif, préface Card. Journet, Actualité de Saint Thomas, Paris, Desclée, 1972.
[4] Augustin d’Hippone, Confessions, trad. J. Trabucco, Paris, Flammarion GF, 1964.
[5] Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils, Paris, Cerf, 1993.
[6] Jovinien était cet adversaire de saint Jérôme (IVe-Ve siècle), qui s’attaquait à la supériorité du célibat et avec cela, à la virginité perpétuelle de Marie (avec aussi Helvidius).
[7] Martin Luther, De votis monasticis, d’après Grisar, s.j. (II, p. 499), cit. In Uta Ranke-Heinemann, Des eunuques pour le Royaume de Dieu, Paris, Robert Laffont, 1990.
[8] Martin Luther, À la noblesse chrétienne de la nation allemande, in Les grands écrits réformateurs, Paris, Flammarion GF, 1992, p. 156-157.
[9] Jean Calvin, Institution de la religion chrétienne (IRC), Aix/Fontenay, Kerygma/Farel, 1978.
[10] Cit. in Encyclopédie du protestantisme, art. “Sexualité”, par Éric Fuchs, p. 1449.
[11] Ibid.