Luc 13, 10-17
Parmi les quelques notions qui apparaissent dans ce texte, on s’arrêtera au Shabbat comme signe d’Alliance et promesse du Royaume ; et à la libération par rapport à l’esprit qui rend infirme la femme de notre texte comme annonce du Royaume espéré : fin de la captivité et libération par rapport aux idoles.
1) Alliance et Livres de l'Alliance
Le livre appelé communément Nouveau Testament et la Bible hébraïque sont liés par la référence commune à la même Alliance unique, éternelle, éternellement nouvelle, dont le Shabbat est le signe dans le temps.
L’Alliance éternellement nouvelle est la part d’éternité commune aux alliances établies dans le temps, c’est-à-dire aux formes que l’Alliance éternelle et unique prend dans le temps - formes, en ce sens, “anciennes” par rapport à l’Alliance éternelle, parce tout ce qui relève du temps s’use avec le temps et laisse toujours place à sa dimension éternelle, qui apparaît ainsi comme nouvelle, et comme la source commune des formes successives qu’elle prend dans le temps. (Cf. Calvin, IC II, X, 2 : “l’Alliance faite avec les Pères anciens est si semblable à la nôtre, qu’on la peut dire une même avec elle. Seulement elle diffère en l’ordre d’être dispensée”.)
Chaque forme de l’Alliance, qui évolue et s’use avec le temps, devient ainsi ancienne par rapport à sa réalité éternelle, qui elle, subsiste au-delà du temps. Ainsi, la forme de l'Alliance donnée à Noé dans le temps selon la Genèse (bien que ses dispositions soient minimales par rapport à celles de l'Alliance scellée avec Abraham et suivantes) porte aussi sa dimension éternelle et nouvelle, éternellement nouvelle par rapport à sa part qui s’use ; celle scellée avec Abraham de même a sa part qui devient “ancienne” dans le temps, et sa part éternelle. Il en est de même des formes de l'Alliance données au Sinaï, de l'Alliance en sa forme de promesse faite au roi David ou de l'Alliance présentée dans le temps en Jésus-Christ. Aucune de ces formes temporelles de l’Alliance n’est la Nouvelle Alliance.
La partie “ancienne”, ce que le temps atteint, est, dans tous les cas, ce qui relève du temps : les rites propres à chacune des formes de l'Alliance. La part nouvelle, éternelle, est commune à chacune. La part éternelle est déjà dite explicitement dans les livres des prophètes - voir Jérémie 31, 31-33, ou Ézéchiel 36, 26-27. Il y est question de la dimension nouvelle et éternelle de l’Alliance, appelée à s’inscrire dans les cœurs, dont les dispositions concrètes données au Sinaï sont la part temporelle.
Lorsque, au grand dam des prophètes, l'Alliance est rompue en sa dimension temporelle par les dirigeants royaux, successeurs de David, ce qui entraîne l’exil, Dieu promet qu’il la renouvellera : il en dévoile alors la part nouvelle et éternelle, alors que la part temporelle, “ancienne”, vient de buter contre la détresse du temps - concrètement la puissance de Babylone.
Sous cet angle, il apparaît que la nouvelle Alliance au sens biblique n’est pas le christianisme, qui est lui aussi du temps, en tant que ses rites, ses symboles, ses sacrements, etc., sont donnés dans le temps. L'Alliance éternelle est la part qui ne relève pas du temps, la part inscrite dans les cœurs (Ézéchiel 36, 26-27).
Jésus ne pratique de rites que ceux donnés au Sinaï, qui valent jusqu’à la fin du temps (Matthieu 5, 18). Il n'est pas venu abolir la Loi, mais en observer pleinement les dispositions (Matthieu 5, 17). Après son départ, la mission vers les nations posera la question de leurs observances propres, sachant que selon le judaïsme, les nations ne sont pas tenues d’observer les rites prescrits au Sinaï, mais seulement ceux qui relèvent de l'Alliance telle que donnée à Noé : c’est ce que rappellera Actes 15, 19-29.
Plus tard apparaîtra un nouveau rite, le rite chrétien, inconnu du temps de Jésus, rite qui relève lui aussi de l’ancien monde, monde du temps, aussi “ancien” (cf. Hébreux 8, 13) pour ce rite-là que pour les rites antécédents. En commun l’Alliance éternelle, reposant sur la seule fidélité de Dieu, et qui donc ne peut pas être rompue, et qui, elle, ne relève pas du temps.
La tradition juive, fidèle au rite du Sinaï, attend la venue du Royaume promis par les prophètes.
La foi chrétienne relève de la conviction qui est celle des disciples de Jésus qu’il est le Messie, c'est-à-dire le successeur de David par qui se manifeste le Royaume promis. Cette conviction des disciples de Jésus est pour eux attestée par leur foi à la résurrection de Jésus, reçue comme réalisation de la promesse qui est au cœur de l’Alliance, à travers ses diverses dispositions temporelles : la venue du Royaume où même la mort est vaincue.
Le Nouveau Testament insiste sur le déjà, dans la résurrection de Jésus, de la manifestation d’un Royaume qui n’est pas encore pleinement advenu. Les Évangiles comprennent notamment les guérisons opérées par Jésus les jours de Shabbat en regard du Shabbat comme signe du Royaume dont Jésus est perçu comme celui en qui il est manifesté.
Le judaïsme note qu’il ne s’est pas encore concrétisé : avec l’espérance de voir le Royaume se réaliser pleinement, il constate que ce n'est pas encore le cas (la souffrance et la mort continuent leurs ravages) : nous ne sommes pas encore à la fin du temps.
L'alliance du Sinaï a donc toujours pleinement sa place, comme le disait Jésus (Matthieu 5, 18), tandis que l’alliance temporelle chrétienne repose sur la foi que Jésus est au cœur de la manifestation de la promesse.
Deux légitimités anciennes, deux rites, parfois nommés deux alliances, dont aucune des deux n’est, en regard de l’Alliance nouvelle et éternelle, plus ancienne ou plus nouvelle que l’autre (si ce n’est à un plan purement temporel - la première remontant au livre de l’Exode, la seconde au temps des Apôtres) : toutes deux inscrites dans le temps, elles sont toutes deux porteuses, en signe, de l’unique Alliance éternelle, éternellement nouvelle, par rapport à laquelle nous sommes tous dans l’espérance.
Deux légitimités et deux livres : la Bible hébraïque, que lisait Jésus, et la Bible chrétienne, incluant le Nouveau Testament, qui présente Jésus et que Jésus ne connaissait pas. Il suit celui qui s’appellera pour les chrétiens, en regard du Nouveau, Ancien Testament, que Jésus ne connaissait pas comme tel.
Entre ces deux livres, Bible juive et Ancien Testament chrétien, se place un troisième livre, la Bible grecque des LXX. On a donc trois livres, la Bible hébraïque, la Bible des LXX, l’Ancien Testament chrétien, qui présentent des aspects de bibliothèque, avec trois façons de ranger les livres. Le mot grec Bible (biblia) est un mot pluriel : les livres.
La Bible hébraïque (en hébreu, avec quelques passages en araméen), c’est-à-dire le Tanakh (Torah, Neviim, Khetouvim), est la Bible de Jésus.
La Bible hébraïque se spécifie par rapport aux deux autres par son rangement en cercles concentriques : la Torah, premier cercle, puis les Prophètes, Neviim, second cercle (cf. Mt 5, 17, la Loi et les Prophètes - Loi pour Nomos, qui traduit Torah dans le grec), et enfin les Écrits, Ketouvim, dont le premier livre, qui donne parfois son titre au tout, est le livre des Psaumes - cf. Luc 24, 44 : la Loi, les Prophètes et les Psaumes.
La Bible des LXX est, à l’époque du Nouveau Testament, la Bible de la diaspora, dans la langue de la diaspora, le grec. Rédigée au IIe siècle av. JC à Alexandrie au temps où y règne le roi Ptolémée, elle est rangée dans un autre ordre que la Bible hébraïque : non pas en cercles concentriques, mais selon une orientation temporelle qui vise, tout comme la langue universelle d’alors, le grec, l'universalisation de l'Alliance, ce que l’on ne trouve pas dans la Bible hébraïque, qui reçoit pour le peuple de l'Alliance, le peuple juif, une vocation, universelle aussi, de peuple témoin pour les autres peuples. La Bible des LXX contient des livres qui ne se trouvent pas dans la Bible hébraïque. Elle se termine par une réécriture du Livre de Daniel, qui, ici, dans sa version grecque, se termine par la conversion du roi Cyrus au Dieu d'Israël. La perspective est ainsi donnée : vision universaliste de l’Alliance.
C’est ce que reprend le Nouveau Testament, considérant que l’avènement de l'universalisation de l’Alliance d'Israël est venu, avec la résurrection de Jésus. L’ordre est cependant différent de celui de la Bible des LXX : ce qui devient l’Ancien Testament en regard du Nouveau Testament reprend l'orientation temporelle de la LXX, mais se termine non pas par le Daniel gerec, mais par le livre du Prophète Malachie annonçant la venu d'Élie.
Cet Élie mentionné au début du Nouveau comme identifié à Jean le Baptiste annonçant le Messie par qui l'universalisation se fera, selon la foi chrétienne. C’est en regard de cela que se pose la question du rite que devront observer ceux des nations ayant reçu la foi : on a vu qu’Actes 15 opte les concernant pour la Loi de Noé. On est alors après le temps de Jésus, dont la Bible, en Judée et Galilée, est la Bible hébraïque.
On pourrait mentionner les diverses compréhensions chrétiennes de l’Ancien Testament : les orthodoxes s’en tiennent pour la plupart à la Bible des LXX (les Éthiopiens y ajoutent des livres comme le livre d’Hénoch, livres retrouvés ensuite, parmi les livres bibliques, à Qumrân). Les catholiques ne retiennent pas tous les livres de la LXX, mais uniquement ceux qui ont été canonisés au Concile de Trente (au XVIe siècle). Les protestants ne retiennent que les livres de la Bible hébraïque, en fonction de Romains 10. Tous ont rangé les livres issus du Tanakh ou de la LXX dans l’ordre “Ancien Testament”, jusqu’à la TOB (pour la France) qui a repris l’ordre de la Bible hébraïque, ce qui est loin d’être indifférent pour le dialogue judéo-chétrien. D'autant que la Bible hébraïque est la Bible de Jésus, en commun avec ses interlocuteurs pharisiens, ici le chef de la Synagogue.
2) Maladie et esprits
Fille d’Abraham, la pleine participation de la femme de Luc 13 à l’Alliance est empêchée du fait d’un esprit (v. 11) qui la rend infirme : elle est courbée en permanence. Jésus, dans la suite du texte, précise que “Satan la rendait captive” (v. 16). L’esprit qui rend la femme infirme est donc présenté comme distinct du satan, qui lui, empêche sa libération.
Cela nous parle d’une conception de l’être humain, de sa santé et de ses maladies, qui n’est sans doute plus la nôtre. L’être humain biblique est basar, nefesh, rouah (la neshama des mystiques en étant le pôle radicalement transcendant). Cette conception de l’humain, qui n’est plus la nôtre, recoupe des conceptions philosophiques que l'on retrouve approximativement chez plusieurs philosophes grecs, à une époque où philosophie et médecine ne sont pas séparées comme elles le sont de nos jours. C’est ainsi qu'Hippocrate, devenu père de la médecine, est considéré d’abord par ses contemporains comme philosophe, au même titre que Platon, Aristote ou Démocrite, écoles qui débattent sur la conception de l’humain.
Pas d'ordre des médecins comme de nos jours à l’époque. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’autorité pour déclarer une guérison, ou un état de maladie qui vaille la quarantaine, par exemple.
Dans le monde biblique cette autorité est celle des Cohanim, les desservants du Temple, comme cela se voit très bien dans la Torah concernant le lèpre, autorité des Cohanim auxquels Jésus renvoie le lépreux guéri, par respect de l'institution prévue dans la Torah. Bref, pas question pour lui d’exercice illégal de la médecine.
Mais une institution strictement et exclusivement médicale, comme celle que l’on connaît, est très ultérieure à ce temps. La philosophie de l’Antiquité est une philosophie en recherche dans différents domaines, aussi bien quant à la conception de l’être humain que sur la conception des dieux, branche de la philosophie qu'Aristote appelle théologie, ou “philosophie première”, de l'ordre de ce qui est après la physique, en grec “métaphysique” ; la physique étant, elle, ce qu’on appellerait la philosophie de la nature ou les sciences naturelles. L’être humain se trouve participer des deux domaines, la nature, et ce qui est au-delà de la nature, où l’esprit, pneuma en grec, rouah en hébreu, peut désigner à la fois l’esprit humain ou un esprit séparé, en grec un daïmon, pouvant inspirer positivement un homme. Par exemple le daïmon de Socrate.
La femme courbée est rendue captive par le satan, c’est-à-dire l’adversité, via ce qui se reçoit comme explication : l’action néfaste d’un esprit de daïmon, qui dans la tradition biblique renvoie à la question des idoles, puisque le mot daïmon désigne aussi dans la tradtion grecque des divinités, perçues parfois de façon positive, mais pas toujours ! Daïmon comme esprit de divinités, ou idoles, aujourd'hui cela pourrait être lu en termes d'inconscient collectif.
Un autre épisode des Évangiles, qui peut éclairer celui de la femme courbée, est celui où Jésus est accusé de faire des miracles par Béel Zébul (on le trouve peu avant : Luc 11, 14-23 — cf. Mt 12, 22-37 ; Mc 3, 20-30), Béel Zébul, devenu par la suite Belzébuth, dont on croit souvent qu'il s'agit d'un nom du satan, en fonction d'une lecture rapide de la suite du texte. Un regard sur la Bible hébraïque nous renseigne sur ce Béel Zébul : il s'agit du dieu d'Ekron, Baal Zebub (2 R 1, 2), idole dont Élie s'évertue à démontrer à ses contemporains la vanité.
Le Baal Zébub biblique ouvre une piste sur un “mystère” apparent : l'absence de “démons” dans la Bible hébraïque, face à leur présence dans la Bible des LXX comme dans le Nouveau Testament.
C’est qu’ils correspondent pour l’essentiel aux Baals de la Bible hébraïque. Ainsi, il n'est question de Baals dans le Nouveau Testament que dans quelques citations de la Bible hébraïque, comme dans le cas précédent, ou chez Paul (Romains 11, 4). Et il n'est question de démons dans l'Ancien Testament que suite à la traduction grecque des LXX, et lorsque les divinités en question n'entrent pas dans la classification générique des Baals — ainsi l'hébreu séirim est traduit indifféremment par idoles (Lv 17, 7 — littéralement “vanités”) ou par démons (Ps 96/95, 5, que Segond rend par : “les dieux des peuples ne sont que des idoles”).
Une lecture plus attentive de l'épisode de Baal Zebul, loin de nous faire confondre Baal et le satan, nous situe dans la perspective selon laquelle une des tentations portées par le satan contre le peuple biblique est le culte de idoles : c'est en ce sens que ce serait division du diable contre lui-même que de faire chasser une idole par une autre, en l’occurrence celle réputée être la plus grande de la région, Baal Zébul. C'est le satan, l’adversité, qui est le manipulateur des Baals, comme pour la femme courbée il est celui qui agit derrière l’esprit qui la rend captive.
Selon cette perspective, Jésus chasse les démons comme les anciens prophètes chassaient les Baals. Ainsi il ne chasse pas les démons parce qu'ils auraient un pouvoir objectif ou une existence positive, mais au contraire précisément parce qu'ils n'en ont qu’illusoirement (“les dieux des peuples ne sont que des démons/idoles” Ps 96, 5).
On peut aller jusqu'à dire que pour les Évangiles, Jésus prend le relais dans l'œuvre des rois d'Israël auxquels les prophètes ont toujours reproché de ne pas l'avoir correctement accomplie. Cette œuvre consistait à débarrasser le pays des faux dieux, rappelons-le. L'exorcisme néo-testamentaire est œuvre d'éradication des idoles et de libération.
Ici, dans l’épisode de la femme infirme, l’esprit par lequel le satan la rend captive est cet esprit par lequel elle est tenue courbée perpétuellement. Blessée dans sa dignité d’humaine et de fille d’Abraham. La venue du règne de Dieu, dont le Shabbat est le signe et la promesse, est la venue d’un règne de dignité restituée, règne de liberté par rapport à tout ce qui rend captif.
3) Shabbat, signe d’Alliance
Le signe central de l’Alliance, en termes temporels, est donc, selon la Torah, les pharisiens et Jésus, le Shabbat. D’où l’importance de ce texte pour percevoir ce qu’il en est de la pratique de Jésus et du débat avec le chef de la Synagogue rapporté par Luc : quelle est l’observance de Jésus du Shabbat ?
Le transgresse-t-il comme on l’entend parfois dire, le relativise-t-il ? Ce serait contradictoire avec son propre enseignement, requérant l’observance jusqu'au plus petit précepte de la Torah. Or le Shabbat n’est pas un “petit précepte”, étant inscrit au cœur du Décalogue, marquant à la fois une exigence éthique, comme règle sociale, soulignée par le Deutéronome ; et en outre donné comme signe de l'entrée de la Création dans le Shabbat éternel, aspect souligné par l’Exode : tu observeras le Shabbat comme signe du Shabbat de Dieu au récit de la Création.
Signe dans le temps de l’Alliance promise à entrer dans le temps. C’est cette dimension de promesse, de promesse d’avènement du Shabbat comme entrée dans le Royaume espéré qui est signifié dans l’épisode de la guérison de la femme courbée sous le poids d’un esprit de captivité.
En opérant ce signe un jour de Shabbat, alors qu’il aurait pu le faire le lendemain, comme le rappelle à juste titre le chef de la Synagogue, Jésus ne transgresse cependant pas le Shabbat, si on situe son action dans la perspective de la promesse de la venue imminente du Royaume : il dit, par son geste et par la libération qu’il octroie à la femme, que le jour vient de la mise en place de ce que promet le Shabbat, il dit en signe qu’il est lui-même porteur de la manifestation du Royaume, dans l’Alliance éternelle (à ce point on entre dans le débat entre les disciples de Jésus et les autres juifs d’alors : le Royaume est-il venu en Jésus ou pas ?), il témoigne avec les anciens prophètes de l’Alliance nouvelle qui, redisons-le, n’est pas la religion chrétienne, mais l’Alliance du règne messianique, toujours futur, jusqu’à ce jour, pour les uns comme pour les autres.
10 Jésus était en train d’enseigner dans une synagogue un jour de shabbat.
11 Il y avait là une femme possédée d’un esprit qui la rendait infirme depuis dix-huit ans ; elle était toute courbée et ne pouvait pas se redresser complètement.
12 En la voyant, Jésus lui adressa la parole et lui dit : « Femme, te voilà libérée de ton infirmité. »
13 Il lui imposa les mains : aussitôt elle redevint droite et se mit à rendre gloire à Dieu.
14 Le chef de la Synagogue, indigné de ce que Jésus ait fait une guérison le jour du shabbat, prit la parole et dit à la foule : « Il y a six jours pour travailler. C’est donc ces jours-là qu’il faut venir pour vous faire guérir, et pas le jour du shabbat. »
15 Le Seigneur lui répondit : « Esprits pervertis, est-ce que le jour du shabbat chacun de vous ne détache pas de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener boire ?
16 Et cette femme, fille d’Abraham, que Satan a liée voici dix-huit ans, n’est-ce pas le jour du shabbat qu’il fallait la détacher de ce lien ? »
17 À ces paroles, tous ses adversaires étaient couverts de honte, et toute la foule se réjouissait de toutes les merveilles qu’il faisait.
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Parmi les quelques notions qui apparaissent dans ce texte, on s’arrêtera au Shabbat comme signe d’Alliance et promesse du Royaume ; et à la libération par rapport à l’esprit qui rend infirme la femme de notre texte comme annonce du Royaume espéré : fin de la captivité et libération par rapport aux idoles.
1) Alliance et Livres de l'Alliance
Le livre appelé communément Nouveau Testament et la Bible hébraïque sont liés par la référence commune à la même Alliance unique, éternelle, éternellement nouvelle, dont le Shabbat est le signe dans le temps.
L’Alliance éternellement nouvelle est la part d’éternité commune aux alliances établies dans le temps, c’est-à-dire aux formes que l’Alliance éternelle et unique prend dans le temps - formes, en ce sens, “anciennes” par rapport à l’Alliance éternelle, parce tout ce qui relève du temps s’use avec le temps et laisse toujours place à sa dimension éternelle, qui apparaît ainsi comme nouvelle, et comme la source commune des formes successives qu’elle prend dans le temps. (Cf. Calvin, IC II, X, 2 : “l’Alliance faite avec les Pères anciens est si semblable à la nôtre, qu’on la peut dire une même avec elle. Seulement elle diffère en l’ordre d’être dispensée”.)
Chaque forme de l’Alliance, qui évolue et s’use avec le temps, devient ainsi ancienne par rapport à sa réalité éternelle, qui elle, subsiste au-delà du temps. Ainsi, la forme de l'Alliance donnée à Noé dans le temps selon la Genèse (bien que ses dispositions soient minimales par rapport à celles de l'Alliance scellée avec Abraham et suivantes) porte aussi sa dimension éternelle et nouvelle, éternellement nouvelle par rapport à sa part qui s’use ; celle scellée avec Abraham de même a sa part qui devient “ancienne” dans le temps, et sa part éternelle. Il en est de même des formes de l'Alliance données au Sinaï, de l'Alliance en sa forme de promesse faite au roi David ou de l'Alliance présentée dans le temps en Jésus-Christ. Aucune de ces formes temporelles de l’Alliance n’est la Nouvelle Alliance.
La partie “ancienne”, ce que le temps atteint, est, dans tous les cas, ce qui relève du temps : les rites propres à chacune des formes de l'Alliance. La part nouvelle, éternelle, est commune à chacune. La part éternelle est déjà dite explicitement dans les livres des prophètes - voir Jérémie 31, 31-33, ou Ézéchiel 36, 26-27. Il y est question de la dimension nouvelle et éternelle de l’Alliance, appelée à s’inscrire dans les cœurs, dont les dispositions concrètes données au Sinaï sont la part temporelle.
Lorsque, au grand dam des prophètes, l'Alliance est rompue en sa dimension temporelle par les dirigeants royaux, successeurs de David, ce qui entraîne l’exil, Dieu promet qu’il la renouvellera : il en dévoile alors la part nouvelle et éternelle, alors que la part temporelle, “ancienne”, vient de buter contre la détresse du temps - concrètement la puissance de Babylone.
Sous cet angle, il apparaît que la nouvelle Alliance au sens biblique n’est pas le christianisme, qui est lui aussi du temps, en tant que ses rites, ses symboles, ses sacrements, etc., sont donnés dans le temps. L'Alliance éternelle est la part qui ne relève pas du temps, la part inscrite dans les cœurs (Ézéchiel 36, 26-27).
Jésus ne pratique de rites que ceux donnés au Sinaï, qui valent jusqu’à la fin du temps (Matthieu 5, 18). Il n'est pas venu abolir la Loi, mais en observer pleinement les dispositions (Matthieu 5, 17). Après son départ, la mission vers les nations posera la question de leurs observances propres, sachant que selon le judaïsme, les nations ne sont pas tenues d’observer les rites prescrits au Sinaï, mais seulement ceux qui relèvent de l'Alliance telle que donnée à Noé : c’est ce que rappellera Actes 15, 19-29.
Plus tard apparaîtra un nouveau rite, le rite chrétien, inconnu du temps de Jésus, rite qui relève lui aussi de l’ancien monde, monde du temps, aussi “ancien” (cf. Hébreux 8, 13) pour ce rite-là que pour les rites antécédents. En commun l’Alliance éternelle, reposant sur la seule fidélité de Dieu, et qui donc ne peut pas être rompue, et qui, elle, ne relève pas du temps.
La tradition juive, fidèle au rite du Sinaï, attend la venue du Royaume promis par les prophètes.
La foi chrétienne relève de la conviction qui est celle des disciples de Jésus qu’il est le Messie, c'est-à-dire le successeur de David par qui se manifeste le Royaume promis. Cette conviction des disciples de Jésus est pour eux attestée par leur foi à la résurrection de Jésus, reçue comme réalisation de la promesse qui est au cœur de l’Alliance, à travers ses diverses dispositions temporelles : la venue du Royaume où même la mort est vaincue.
Le Nouveau Testament insiste sur le déjà, dans la résurrection de Jésus, de la manifestation d’un Royaume qui n’est pas encore pleinement advenu. Les Évangiles comprennent notamment les guérisons opérées par Jésus les jours de Shabbat en regard du Shabbat comme signe du Royaume dont Jésus est perçu comme celui en qui il est manifesté.
Le judaïsme note qu’il ne s’est pas encore concrétisé : avec l’espérance de voir le Royaume se réaliser pleinement, il constate que ce n'est pas encore le cas (la souffrance et la mort continuent leurs ravages) : nous ne sommes pas encore à la fin du temps.
L'alliance du Sinaï a donc toujours pleinement sa place, comme le disait Jésus (Matthieu 5, 18), tandis que l’alliance temporelle chrétienne repose sur la foi que Jésus est au cœur de la manifestation de la promesse.
Deux légitimités anciennes, deux rites, parfois nommés deux alliances, dont aucune des deux n’est, en regard de l’Alliance nouvelle et éternelle, plus ancienne ou plus nouvelle que l’autre (si ce n’est à un plan purement temporel - la première remontant au livre de l’Exode, la seconde au temps des Apôtres) : toutes deux inscrites dans le temps, elles sont toutes deux porteuses, en signe, de l’unique Alliance éternelle, éternellement nouvelle, par rapport à laquelle nous sommes tous dans l’espérance.
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Deux légitimités et deux livres : la Bible hébraïque, que lisait Jésus, et la Bible chrétienne, incluant le Nouveau Testament, qui présente Jésus et que Jésus ne connaissait pas. Il suit celui qui s’appellera pour les chrétiens, en regard du Nouveau, Ancien Testament, que Jésus ne connaissait pas comme tel.
Entre ces deux livres, Bible juive et Ancien Testament chrétien, se place un troisième livre, la Bible grecque des LXX. On a donc trois livres, la Bible hébraïque, la Bible des LXX, l’Ancien Testament chrétien, qui présentent des aspects de bibliothèque, avec trois façons de ranger les livres. Le mot grec Bible (biblia) est un mot pluriel : les livres.
La Bible hébraïque (en hébreu, avec quelques passages en araméen), c’est-à-dire le Tanakh (Torah, Neviim, Khetouvim), est la Bible de Jésus.
La Bible hébraïque se spécifie par rapport aux deux autres par son rangement en cercles concentriques : la Torah, premier cercle, puis les Prophètes, Neviim, second cercle (cf. Mt 5, 17, la Loi et les Prophètes - Loi pour Nomos, qui traduit Torah dans le grec), et enfin les Écrits, Ketouvim, dont le premier livre, qui donne parfois son titre au tout, est le livre des Psaumes - cf. Luc 24, 44 : la Loi, les Prophètes et les Psaumes.
La Bible des LXX est, à l’époque du Nouveau Testament, la Bible de la diaspora, dans la langue de la diaspora, le grec. Rédigée au IIe siècle av. JC à Alexandrie au temps où y règne le roi Ptolémée, elle est rangée dans un autre ordre que la Bible hébraïque : non pas en cercles concentriques, mais selon une orientation temporelle qui vise, tout comme la langue universelle d’alors, le grec, l'universalisation de l'Alliance, ce que l’on ne trouve pas dans la Bible hébraïque, qui reçoit pour le peuple de l'Alliance, le peuple juif, une vocation, universelle aussi, de peuple témoin pour les autres peuples. La Bible des LXX contient des livres qui ne se trouvent pas dans la Bible hébraïque. Elle se termine par une réécriture du Livre de Daniel, qui, ici, dans sa version grecque, se termine par la conversion du roi Cyrus au Dieu d'Israël. La perspective est ainsi donnée : vision universaliste de l’Alliance.
C’est ce que reprend le Nouveau Testament, considérant que l’avènement de l'universalisation de l’Alliance d'Israël est venu, avec la résurrection de Jésus. L’ordre est cependant différent de celui de la Bible des LXX : ce qui devient l’Ancien Testament en regard du Nouveau Testament reprend l'orientation temporelle de la LXX, mais se termine non pas par le Daniel gerec, mais par le livre du Prophète Malachie annonçant la venu d'Élie.
Cet Élie mentionné au début du Nouveau comme identifié à Jean le Baptiste annonçant le Messie par qui l'universalisation se fera, selon la foi chrétienne. C’est en regard de cela que se pose la question du rite que devront observer ceux des nations ayant reçu la foi : on a vu qu’Actes 15 opte les concernant pour la Loi de Noé. On est alors après le temps de Jésus, dont la Bible, en Judée et Galilée, est la Bible hébraïque.
On pourrait mentionner les diverses compréhensions chrétiennes de l’Ancien Testament : les orthodoxes s’en tiennent pour la plupart à la Bible des LXX (les Éthiopiens y ajoutent des livres comme le livre d’Hénoch, livres retrouvés ensuite, parmi les livres bibliques, à Qumrân). Les catholiques ne retiennent pas tous les livres de la LXX, mais uniquement ceux qui ont été canonisés au Concile de Trente (au XVIe siècle). Les protestants ne retiennent que les livres de la Bible hébraïque, en fonction de Romains 10. Tous ont rangé les livres issus du Tanakh ou de la LXX dans l’ordre “Ancien Testament”, jusqu’à la TOB (pour la France) qui a repris l’ordre de la Bible hébraïque, ce qui est loin d’être indifférent pour le dialogue judéo-chétrien. D'autant que la Bible hébraïque est la Bible de Jésus, en commun avec ses interlocuteurs pharisiens, ici le chef de la Synagogue.
2) Maladie et esprits
Fille d’Abraham, la pleine participation de la femme de Luc 13 à l’Alliance est empêchée du fait d’un esprit (v. 11) qui la rend infirme : elle est courbée en permanence. Jésus, dans la suite du texte, précise que “Satan la rendait captive” (v. 16). L’esprit qui rend la femme infirme est donc présenté comme distinct du satan, qui lui, empêche sa libération.
Cela nous parle d’une conception de l’être humain, de sa santé et de ses maladies, qui n’est sans doute plus la nôtre. L’être humain biblique est basar, nefesh, rouah (la neshama des mystiques en étant le pôle radicalement transcendant). Cette conception de l’humain, qui n’est plus la nôtre, recoupe des conceptions philosophiques que l'on retrouve approximativement chez plusieurs philosophes grecs, à une époque où philosophie et médecine ne sont pas séparées comme elles le sont de nos jours. C’est ainsi qu'Hippocrate, devenu père de la médecine, est considéré d’abord par ses contemporains comme philosophe, au même titre que Platon, Aristote ou Démocrite, écoles qui débattent sur la conception de l’humain.
Pas d'ordre des médecins comme de nos jours à l’époque. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’autorité pour déclarer une guérison, ou un état de maladie qui vaille la quarantaine, par exemple.
Dans le monde biblique cette autorité est celle des Cohanim, les desservants du Temple, comme cela se voit très bien dans la Torah concernant le lèpre, autorité des Cohanim auxquels Jésus renvoie le lépreux guéri, par respect de l'institution prévue dans la Torah. Bref, pas question pour lui d’exercice illégal de la médecine.
Mais une institution strictement et exclusivement médicale, comme celle que l’on connaît, est très ultérieure à ce temps. La philosophie de l’Antiquité est une philosophie en recherche dans différents domaines, aussi bien quant à la conception de l’être humain que sur la conception des dieux, branche de la philosophie qu'Aristote appelle théologie, ou “philosophie première”, de l'ordre de ce qui est après la physique, en grec “métaphysique” ; la physique étant, elle, ce qu’on appellerait la philosophie de la nature ou les sciences naturelles. L’être humain se trouve participer des deux domaines, la nature, et ce qui est au-delà de la nature, où l’esprit, pneuma en grec, rouah en hébreu, peut désigner à la fois l’esprit humain ou un esprit séparé, en grec un daïmon, pouvant inspirer positivement un homme. Par exemple le daïmon de Socrate.
La femme courbée est rendue captive par le satan, c’est-à-dire l’adversité, via ce qui se reçoit comme explication : l’action néfaste d’un esprit de daïmon, qui dans la tradition biblique renvoie à la question des idoles, puisque le mot daïmon désigne aussi dans la tradtion grecque des divinités, perçues parfois de façon positive, mais pas toujours ! Daïmon comme esprit de divinités, ou idoles, aujourd'hui cela pourrait être lu en termes d'inconscient collectif.
Un autre épisode des Évangiles, qui peut éclairer celui de la femme courbée, est celui où Jésus est accusé de faire des miracles par Béel Zébul (on le trouve peu avant : Luc 11, 14-23 — cf. Mt 12, 22-37 ; Mc 3, 20-30), Béel Zébul, devenu par la suite Belzébuth, dont on croit souvent qu'il s'agit d'un nom du satan, en fonction d'une lecture rapide de la suite du texte. Un regard sur la Bible hébraïque nous renseigne sur ce Béel Zébul : il s'agit du dieu d'Ekron, Baal Zebub (2 R 1, 2), idole dont Élie s'évertue à démontrer à ses contemporains la vanité.
Le Baal Zébub biblique ouvre une piste sur un “mystère” apparent : l'absence de “démons” dans la Bible hébraïque, face à leur présence dans la Bible des LXX comme dans le Nouveau Testament.
C’est qu’ils correspondent pour l’essentiel aux Baals de la Bible hébraïque. Ainsi, il n'est question de Baals dans le Nouveau Testament que dans quelques citations de la Bible hébraïque, comme dans le cas précédent, ou chez Paul (Romains 11, 4). Et il n'est question de démons dans l'Ancien Testament que suite à la traduction grecque des LXX, et lorsque les divinités en question n'entrent pas dans la classification générique des Baals — ainsi l'hébreu séirim est traduit indifféremment par idoles (Lv 17, 7 — littéralement “vanités”) ou par démons (Ps 96/95, 5, que Segond rend par : “les dieux des peuples ne sont que des idoles”).
Une lecture plus attentive de l'épisode de Baal Zebul, loin de nous faire confondre Baal et le satan, nous situe dans la perspective selon laquelle une des tentations portées par le satan contre le peuple biblique est le culte de idoles : c'est en ce sens que ce serait division du diable contre lui-même que de faire chasser une idole par une autre, en l’occurrence celle réputée être la plus grande de la région, Baal Zébul. C'est le satan, l’adversité, qui est le manipulateur des Baals, comme pour la femme courbée il est celui qui agit derrière l’esprit qui la rend captive.
Selon cette perspective, Jésus chasse les démons comme les anciens prophètes chassaient les Baals. Ainsi il ne chasse pas les démons parce qu'ils auraient un pouvoir objectif ou une existence positive, mais au contraire précisément parce qu'ils n'en ont qu’illusoirement (“les dieux des peuples ne sont que des démons/idoles” Ps 96, 5).
On peut aller jusqu'à dire que pour les Évangiles, Jésus prend le relais dans l'œuvre des rois d'Israël auxquels les prophètes ont toujours reproché de ne pas l'avoir correctement accomplie. Cette œuvre consistait à débarrasser le pays des faux dieux, rappelons-le. L'exorcisme néo-testamentaire est œuvre d'éradication des idoles et de libération.
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Ici, dans l’épisode de la femme infirme, l’esprit par lequel le satan la rend captive est cet esprit par lequel elle est tenue courbée perpétuellement. Blessée dans sa dignité d’humaine et de fille d’Abraham. La venue du règne de Dieu, dont le Shabbat est le signe et la promesse, est la venue d’un règne de dignité restituée, règne de liberté par rapport à tout ce qui rend captif.
3) Shabbat, signe d’Alliance
Le signe central de l’Alliance, en termes temporels, est donc, selon la Torah, les pharisiens et Jésus, le Shabbat. D’où l’importance de ce texte pour percevoir ce qu’il en est de la pratique de Jésus et du débat avec le chef de la Synagogue rapporté par Luc : quelle est l’observance de Jésus du Shabbat ?
Le transgresse-t-il comme on l’entend parfois dire, le relativise-t-il ? Ce serait contradictoire avec son propre enseignement, requérant l’observance jusqu'au plus petit précepte de la Torah. Or le Shabbat n’est pas un “petit précepte”, étant inscrit au cœur du Décalogue, marquant à la fois une exigence éthique, comme règle sociale, soulignée par le Deutéronome ; et en outre donné comme signe de l'entrée de la Création dans le Shabbat éternel, aspect souligné par l’Exode : tu observeras le Shabbat comme signe du Shabbat de Dieu au récit de la Création.
Signe dans le temps de l’Alliance promise à entrer dans le temps. C’est cette dimension de promesse, de promesse d’avènement du Shabbat comme entrée dans le Royaume espéré qui est signifié dans l’épisode de la guérison de la femme courbée sous le poids d’un esprit de captivité.
En opérant ce signe un jour de Shabbat, alors qu’il aurait pu le faire le lendemain, comme le rappelle à juste titre le chef de la Synagogue, Jésus ne transgresse cependant pas le Shabbat, si on situe son action dans la perspective de la promesse de la venue imminente du Royaume : il dit, par son geste et par la libération qu’il octroie à la femme, que le jour vient de la mise en place de ce que promet le Shabbat, il dit en signe qu’il est lui-même porteur de la manifestation du Royaume, dans l’Alliance éternelle (à ce point on entre dans le débat entre les disciples de Jésus et les autres juifs d’alors : le Royaume est-il venu en Jésus ou pas ?), il témoigne avec les anciens prophètes de l’Alliance nouvelle qui, redisons-le, n’est pas la religion chrétienne, mais l’Alliance du règne messianique, toujours futur, jusqu’à ce jour, pour les uns comme pour les autres.
R. Poupin,
Amitié judéo-chrétienne Bordeaux, 31.05.21
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