Éléments d’introduction à une réflexion
1. Arrière-plan moral et légal
L’année d’après la chanson d'Antoine, la loi Neuwirth — adoptée en France par l'Assemblée nationale le 19 décembre 1967 — autorise l’usage des contraceptifs, et notamment la contraception orale, ladite « pilule ». Cette loi, nommée d'après Lucien Neuwirth, le député gaulliste qui la proposa, vient abroger celle de 31 juillet 1920 qui interdisait non seulement toute contraception, mais jusqu'à l'information sur les moyens contraceptifs. Promulguée le 28 décembre 1967, l’application de la loi Neuwirth sera cependant lente, les décrets ne paraissant qu’entre 1969 et 1972.
(D’autres pays sont moins lents, en premier lieu les USA, où la FDA : la Food and Drug Administration, délivre une première autorisation de mise sur le marché le 10 juin 1957. Cette autorisation ne vaut alors que dans l'indication de troubles menstruels et de fausse couche ; la « pilule » est toutefois dès ce moment utilisée officieusement par de nombreuses femmes à des fins contraceptives. L'autorisation de mise sur le marché, AMM, pour l'utilisation à des fins contraceptives annoncée le 9 mai 1960 sera délivrée le 23 juin 1960.
L'Australie est le premier pays à commercialiser la « pilule » après les États-Unis, le 1er janvier 1961.
L'Allemagne fédérale est le premier pays d’Europe à la commercialiser, le 1er juin 1961.)
En France, la loi Neuwirth sera suivie quelques années après par la promulgation de la loi Veil, le 17 janvier 1975, loi qui prévoit une dépénalisation de l'avortement sous conditions.
En tout cela, une nouveauté, signifiée par le passage de l’interdiction de l’information sur la contraception à la pleine autorisation de « la pilule » : la sexualité est désormais théoriquement séparée de la procréation — à défaut de l’être encore pratiquement (séparation, ce qui va donc au-delà de la simple, et plus classique, distinction, déjà incontestée notamment, au minimum depuis la Réforme, et surtout, suite à la psychanalyse) — cette séparation désormais enviseageable, elle, est nouvelle, avec ses conséquences sur les mœurs (et donc l’éthique).
Première marque de ces conséquences, une forte et rapide désaffection du mariage — liée à ce que la potentialité procréatrice de la sexualité est désormais atténuée —, au profit du concubinage, bientôt légalement reconnu par la mise en place du PaCS, via la loi qui sera promulguée le 15 novembre 1999.
Auparavant, l'adultère a été dépénalisé, le 11 juillet 1975, en regard de l’évolution des mœurs, liée à la séparation théorique de la sexualité et de la procréation — je cite : à la mi-décembre 2015, dans la lignée de la loi de 1975, la Cour de cassation a estimé que « l'évolution des mœurs comme celle des conceptions morales ne permettent plus de considérer que l’imputation d'une infidélité conjugale serait à elle seule de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération ».
Évolution des mœurs qui induit donc un nouveau regard sur l’institution matrimoniale et la sexualité, la sexualité étant désormais théoriquement séparée de la procréation ; nouveau regard sur la sexualité en général et donc sur l’homosexualité, selon cette même séparation théorique sexualité-procréation.
Ainsi la loi instaurant le PaCS a été votée, en 1999, dans le but de « prendre en compte une partie des revendications des couples de même sexe qui aspiraient à une reconnaissance globale de leur statut, alors que la jurisprudence de la Cour de cassation refusait de regarder leur union comme un concubinage », rappelle en novembre 2012 l’ « Étude d'impact du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ».
Le mariage des couples de personnes de même sexe est rendu possible en France par la loi du 17 mai 2013.
2. Techniques médicales
La procréation médicalement assistée (PMA), également appelée assistance médicale à la procréation (AMP), est un ensemble de pratiques cliniques et biologiques où la médecine intervient dans la procréation :
— l'assistance médicale à la procréation (AMP) est encadrée en France par la loi de bioéthique du 6 août 2004, dispositions qui ont été révisées par la loi du 7 juillet 2011, pour délimiter l'usage des techniques de PMA aux cas des couples infertiles ou ne pouvant sans danger avoir un enfant ;
— la fécondation in vitro (FIV, ou FIVETE pour « fécondation in vitro et transfert d'embryon ») n'est que l'une des méthodes de la PMA ;
— la gestation pour autrui (GPA) désigne l'ensemble des méthodes de PMA dans lesquelles l'embryon est implanté dans l'utérus d'une femme tierce (dite souvent « mère porteuse »).
3. Technologies, de la pilule à la PMA, mariage et bénédictions nuptiales
Rites de mariage comme bénédictions nuptiales sont issus à l’origine de la non-maîtrise de la fécondité et donc de la non-séparabilité (jusqu’en 1967 pour la France) de la sexualité et de la procréation, ce qui, redisons-le, ne veut pas nécessairement dire non-distinction, mais jusqu’au tournant « pilule » et aux avancées en techniques médicales, la distinction ne peut pas, matériellement, être séparation théorique, ni a fortiori pratique.
Une illustration biblique — 1 Samuel 1, 1-20 :
En parallèle, en Genèse 29 — comment Jacob épouse Léa et Rachel :
En regard, Genèse 1, 26-28 :
Que nous disent ces trois textes ? Ils nous disent ce qu’est le mariage et sa bénédiction dans la Bible, et au-delà dans l’Antiquité et quasi jusqu’en 1967 : le mariage et la bénédiction qui l’accompagne disent la non-maîtrise de la fécondité, tout en disant la distinction sans séparation de la sexualité et de la procréation : la bénédiction divine est la parole qui donne à la relation sexuelle (donc, en ce sens, forcément hétérosexuelle) sa vertu procréatrice : le mariage comme lieu d’accueil potentiel d’une sexualité potentiellement procréatrice, si elle est bénie par Dieu, est l’institution qui traduit l’espérance de cette bénédiction comme procréation. Et fonde en parallèle l’interdiction de l’adultère, qui romprait la structure d’accueil du fruit de la bénédiction divine, l’enfant !
Voilà un monde dont la disparition s’est mise place à partir de en 1967 (concernant la France) : la maîtrise humaine de la fécondité et de la non-fécondité (« la pilule »), le recul de la signification du mariage comme structure d’articulation sexualité-procréation, puis le développement des techniques procréatives.
La technique de la fécondation in vitro fut développée au Royaume-Uni par les docteurs Patrick Steptoe et Robert Geoffrey Edwards. Le premier « bébé-éprouvette », Louise Brown, est née le 25 juillet 1978. En Inde, la deuxième FIV au monde a donné naissance à Durga et a été effectuée à Calcutta par le docteur Subhash Mukhopadhyay le 3 octobre 1978. Aux États-Unis, après les premiers essais inaboutis de Landrum Brewer Shettles, la première FIV du pays (ayant donné naissance à Elizabeth Carr) a eu lieu en 1981. Depuis cette date, on estime à 1 % des naissances le nombre de nouveau-nés conçus par cette technique. La première FIV en France donna naissance à Amandine le 24 février 1982 à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart. Elle a été réalisée grâce à la collaboration du biologiste Jacques Testart, du gynécologue René Frydman et du chef de service Émile Papiernik.
4. Du désir d’enfant comme demande de bénédiction en vue de la fécondité au désir comme droit, et retour…
On est passé en une quarantaine d’années de la prière d’Anne — 1 Samuel 1, 11 // Gn 1, 28, — au monde décrit par Kundera, ou tout semble rendu possible, semble à portée de nos désirs — je cite à nouveau Kundera — notre monde « transformant tous les désirs en droits. Le monde est devenu un droit de l’homme et tout s’est mué en droit : le désir d’amour en droit à l’amour, le désir de repos en droit au repos, le désir d’amitié en droit à l’amitié, le désir de rouler trop vite en droit à rouler trop vite, le désir de bonheur en droit au bonheur, le désir de publier un livre en droit de publier un livre, le désir de crier la nuit dans les rues en droit de crier la nuit dans les rues. »
Et on peut ajouter, quand notre maîtrise technologique de la fécondité semble le rendre possible, le désir d’enfant en « droit à l’enfant »… Mais l’enfant est-il un droit dont on disposerait, relèverait-il de ce à quoi on aurait « droit » ? Quand perce encore du fond le plus enfoui de notre mémoire la vieille parole qui y reçoit le don de la bénédiction divine, dont on n’a pas la maîtrise…
Voir :
Le document "Interpellations protestantes sur l’Assistance Médicale à la Procréation et la Gestation Pour Autrui" de la Commission Ethique et société de la Fédération Protestante de France
Interview de RP dans le PO
« Je ne connais pas un homme politique qui n’invoque dix fois par jour les “droits de l’homme” ou les droits de l’homme qu’on a bafoués. Mais comme en Occident, on ne vit pas sous la menace des camps de concentration, comme on peut dire ou écrire n’importe quoi, à mesure que la lutte pour les droits de l’homme gagnait en popularité elle perdait tout en contenu concret, pour devenir finalement l’attitude commune de tous à l’égard de tout, une sorte d’énergie transformant tous les désirs en droits. Le monde est devenu un droit de l’homme et tout s’est mué en droit : le désir d’amour en droit à l’amour, le désir de repos en droit au repos, le désir d’amitié en droit à l’amitié, le désir de rouler trop vite en droit à rouler trop vite, le désir de bonheur en droit au bonheur, le désir de publier un livre en droit de publier un livre, le désir de crier la nuit dans les rues en droit de crier la nuit dans les rues. Les chômeurs ont le droit d’occuper l’épicerie de luxe, les dames en fourrure on le droit d’acheter du caviar, Brigitte a le droit de garer sa voiture sur le trottoir et tous, chômeurs, dames en fourrure, Brigitte, appartiennent à la même armée de combattants des droits de l’homme. » (Milan Kundera, L’Immortalité, Gallimard/Folio, 1993, p. 206-207.)
*
1. Arrière-plan moral et légal
« Oh, Yeah !
J'ai reçu une lettre de la Présidence
Me demandant : "Antoine, vous avez du bon sens
Comment faire pour enrichir le pays ?"
"Mettez la pilule en vente dans les Monoprix" »
(Antoine, Les Élucubrations d'Antoine, 1966)
L’année d’après la chanson d'Antoine, la loi Neuwirth — adoptée en France par l'Assemblée nationale le 19 décembre 1967 — autorise l’usage des contraceptifs, et notamment la contraception orale, ladite « pilule ». Cette loi, nommée d'après Lucien Neuwirth, le député gaulliste qui la proposa, vient abroger celle de 31 juillet 1920 qui interdisait non seulement toute contraception, mais jusqu'à l'information sur les moyens contraceptifs. Promulguée le 28 décembre 1967, l’application de la loi Neuwirth sera cependant lente, les décrets ne paraissant qu’entre 1969 et 1972.
(D’autres pays sont moins lents, en premier lieu les USA, où la FDA : la Food and Drug Administration, délivre une première autorisation de mise sur le marché le 10 juin 1957. Cette autorisation ne vaut alors que dans l'indication de troubles menstruels et de fausse couche ; la « pilule » est toutefois dès ce moment utilisée officieusement par de nombreuses femmes à des fins contraceptives. L'autorisation de mise sur le marché, AMM, pour l'utilisation à des fins contraceptives annoncée le 9 mai 1960 sera délivrée le 23 juin 1960.
L'Australie est le premier pays à commercialiser la « pilule » après les États-Unis, le 1er janvier 1961.
L'Allemagne fédérale est le premier pays d’Europe à la commercialiser, le 1er juin 1961.)
En France, la loi Neuwirth sera suivie quelques années après par la promulgation de la loi Veil, le 17 janvier 1975, loi qui prévoit une dépénalisation de l'avortement sous conditions.
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En tout cela, une nouveauté, signifiée par le passage de l’interdiction de l’information sur la contraception à la pleine autorisation de « la pilule » : la sexualité est désormais théoriquement séparée de la procréation — à défaut de l’être encore pratiquement (séparation, ce qui va donc au-delà de la simple, et plus classique, distinction, déjà incontestée notamment, au minimum depuis la Réforme, et surtout, suite à la psychanalyse) — cette séparation désormais enviseageable, elle, est nouvelle, avec ses conséquences sur les mœurs (et donc l’éthique).
Première marque de ces conséquences, une forte et rapide désaffection du mariage — liée à ce que la potentialité procréatrice de la sexualité est désormais atténuée —, au profit du concubinage, bientôt légalement reconnu par la mise en place du PaCS, via la loi qui sera promulguée le 15 novembre 1999.
Auparavant, l'adultère a été dépénalisé, le 11 juillet 1975, en regard de l’évolution des mœurs, liée à la séparation théorique de la sexualité et de la procréation — je cite : à la mi-décembre 2015, dans la lignée de la loi de 1975, la Cour de cassation a estimé que « l'évolution des mœurs comme celle des conceptions morales ne permettent plus de considérer que l’imputation d'une infidélité conjugale serait à elle seule de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération ».
Évolution des mœurs qui induit donc un nouveau regard sur l’institution matrimoniale et la sexualité, la sexualité étant désormais théoriquement séparée de la procréation ; nouveau regard sur la sexualité en général et donc sur l’homosexualité, selon cette même séparation théorique sexualité-procréation.
Ainsi la loi instaurant le PaCS a été votée, en 1999, dans le but de « prendre en compte une partie des revendications des couples de même sexe qui aspiraient à une reconnaissance globale de leur statut, alors que la jurisprudence de la Cour de cassation refusait de regarder leur union comme un concubinage », rappelle en novembre 2012 l’ « Étude d'impact du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ».
Le mariage des couples de personnes de même sexe est rendu possible en France par la loi du 17 mai 2013.
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2. Techniques médicales
La procréation médicalement assistée (PMA), également appelée assistance médicale à la procréation (AMP), est un ensemble de pratiques cliniques et biologiques où la médecine intervient dans la procréation :
— l'assistance médicale à la procréation (AMP) est encadrée en France par la loi de bioéthique du 6 août 2004, dispositions qui ont été révisées par la loi du 7 juillet 2011, pour délimiter l'usage des techniques de PMA aux cas des couples infertiles ou ne pouvant sans danger avoir un enfant ;
— la fécondation in vitro (FIV, ou FIVETE pour « fécondation in vitro et transfert d'embryon ») n'est que l'une des méthodes de la PMA ;
— la gestation pour autrui (GPA) désigne l'ensemble des méthodes de PMA dans lesquelles l'embryon est implanté dans l'utérus d'une femme tierce (dite souvent « mère porteuse »).
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3. Technologies, de la pilule à la PMA, mariage et bénédictions nuptiales
Rites de mariage comme bénédictions nuptiales sont issus à l’origine de la non-maîtrise de la fécondité et donc de la non-séparabilité (jusqu’en 1967 pour la France) de la sexualité et de la procréation, ce qui, redisons-le, ne veut pas nécessairement dire non-distinction, mais jusqu’au tournant « pilule » et aux avancées en techniques médicales, la distinction ne peut pas, matériellement, être séparation théorique, ni a fortiori pratique.
Une illustration biblique — 1 Samuel 1, 1-20 :
1 Il y avait un homme […] nommé Elkana […].
2 Il avait deux femmes, dont l’une s’appelait Anne, et l’autre Peninna ; Peninna avait des enfants, mais Anne n’en avait point. […]
6 Sa rivale lui prodiguait les mortifications, pour la porter à s’irriter de ce que l’Éternel l’avait rendue stérile. […]
8 Elkana, son mari, lui disait : Anne, pourquoi pleures-tu, et ne manges-tu pas ? pourquoi ton cœur est-il attristé ? Est-ce que je ne vaux pas pour toi mieux que dix fils ? […]
10 Et, l’amertume dans l’âme, elle pria l’Éternel et versa des pleurs.
11 Elle fit un vœu, en disant : Éternel des armées ! si tu daignes regarder l’affliction de ta servante, si tu te souviens de moi et n’oublies point ta servante, et si tu donnes à ta servante un enfant mâle, je le consacrerai à l’Éternel pour tous les jours de sa vie, et le rasoir ne passera point sur sa tête. […]
20 Dans le cours de l’année, Anne devint enceinte, et elle enfanta un fils, qu’elle nomma Samuel, car, dit-elle, je l’ai demandé à l’Éternel.
En parallèle, en Genèse 29 — comment Jacob épouse Léa et Rachel :
16 Laban avait deux filles : l’aînée s’appelait Léa, et la cadette Rachel.
17 Léa avait les yeux délicats ; mais Rachel était belle de taille et belle de figure.
18 Jacob aimait Rachel, et il dit [à Laban] : Je te servirai sept ans pour Rachel, ta fille cadette. […]
23 Le soir [du mariage, Laban] prit Léa, sa fille, et l’amena vers Jacob, qui s’approcha d’elle. […]
25 Le lendemain matin, voilà que c’était Léa. Alors Jacob dit à Laban : Qu’est-ce que tu m’as fait ? N’est-ce pas pour Rachel que j’ai servi chez toi ? Pourquoi m’as-tu trompé ?
26 Laban dit : Ce n’est point la coutume dans ce lieu de donner la cadette avant l’aînée.
27 Achève la semaine [d’années, sept ans] avec celle-ci, et nous te donnerons aussi l’autre pour le service que tu feras encore chez moi pendant sept nouvelles années.
28 Jacob fit ainsi, et il acheva la semaine avec Léa ; puis Laban lui donna pour femme Rachel, sa fille. […]
30 Jacob alla aussi vers Rachel, qu’il aimait plus que Léa ; et il servit encore chez Laban pendant sept nouvelles années.
31 L’Éternel vit que Léa n’était pas aimée ; et il la rendit féconde, tandis que Rachel était stérile.
En regard, Genèse 1, 26-28 :
27 Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme.
28 Dieu les bénit en disant : Soyez féconds et multipliez.
Que nous disent ces trois textes ? Ils nous disent ce qu’est le mariage et sa bénédiction dans la Bible, et au-delà dans l’Antiquité et quasi jusqu’en 1967 : le mariage et la bénédiction qui l’accompagne disent la non-maîtrise de la fécondité, tout en disant la distinction sans séparation de la sexualité et de la procréation : la bénédiction divine est la parole qui donne à la relation sexuelle (donc, en ce sens, forcément hétérosexuelle) sa vertu procréatrice : le mariage comme lieu d’accueil potentiel d’une sexualité potentiellement procréatrice, si elle est bénie par Dieu, est l’institution qui traduit l’espérance de cette bénédiction comme procréation. Et fonde en parallèle l’interdiction de l’adultère, qui romprait la structure d’accueil du fruit de la bénédiction divine, l’enfant !
Voilà un monde dont la disparition s’est mise place à partir de en 1967 (concernant la France) : la maîtrise humaine de la fécondité et de la non-fécondité (« la pilule »), le recul de la signification du mariage comme structure d’articulation sexualité-procréation, puis le développement des techniques procréatives.
La technique de la fécondation in vitro fut développée au Royaume-Uni par les docteurs Patrick Steptoe et Robert Geoffrey Edwards. Le premier « bébé-éprouvette », Louise Brown, est née le 25 juillet 1978. En Inde, la deuxième FIV au monde a donné naissance à Durga et a été effectuée à Calcutta par le docteur Subhash Mukhopadhyay le 3 octobre 1978. Aux États-Unis, après les premiers essais inaboutis de Landrum Brewer Shettles, la première FIV du pays (ayant donné naissance à Elizabeth Carr) a eu lieu en 1981. Depuis cette date, on estime à 1 % des naissances le nombre de nouveau-nés conçus par cette technique. La première FIV en France donna naissance à Amandine le 24 février 1982 à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart. Elle a été réalisée grâce à la collaboration du biologiste Jacques Testart, du gynécologue René Frydman et du chef de service Émile Papiernik.
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4. Du désir d’enfant comme demande de bénédiction en vue de la fécondité au désir comme droit, et retour…
On est passé en une quarantaine d’années de la prière d’Anne — 1 Samuel 1, 11 // Gn 1, 28, — au monde décrit par Kundera, ou tout semble rendu possible, semble à portée de nos désirs — je cite à nouveau Kundera — notre monde « transformant tous les désirs en droits. Le monde est devenu un droit de l’homme et tout s’est mué en droit : le désir d’amour en droit à l’amour, le désir de repos en droit au repos, le désir d’amitié en droit à l’amitié, le désir de rouler trop vite en droit à rouler trop vite, le désir de bonheur en droit au bonheur, le désir de publier un livre en droit de publier un livre, le désir de crier la nuit dans les rues en droit de crier la nuit dans les rues. »
Et on peut ajouter, quand notre maîtrise technologique de la fécondité semble le rendre possible, le désir d’enfant en « droit à l’enfant »… Mais l’enfant est-il un droit dont on disposerait, relèverait-il de ce à quoi on aurait « droit » ? Quand perce encore du fond le plus enfoui de notre mémoire la vieille parole qui y reçoit le don de la bénédiction divine, dont on n’a pas la maîtrise…
RP, Châtellerault, 9 février 2019
Voir :
Le document "Interpellations protestantes sur l’Assistance Médicale à la Procréation et la Gestation Pour Autrui" de la Commission Ethique et société de la Fédération Protestante de France
Interview de RP dans le PO