«Couple désire bénédiction». Tel est le titre du dossier du dernier numéro d’Échanges (magazine de l’Église réformée de France en PACCA, n° 350, mai 2010).
Voilà un dossier qui, s’interrogeant sur la possibilité de bénir religieusement des couples non-mariés, «pacsés» (ou pas, éventuellement), tend, tout bien pesé, à n’opposer que peu de réserves à une telle option : peut-on refuser de «dire du bien», selon l’étymologie de «bénir» ?
Une option et une ouverture qui me laissent bien perplexe : qu’implique la mise en balance de cette «ouverture» et du «légalisme» (avec ce que ce qualificatif peut avoir de péjoratif) qui consiste à s’en tenir à la loi républicaine — laquelle prévoit de sanctionner tout ministre du culte qui procèderait à des «cérémonies religieuses de mariage sans que lui ait été justifié l'acte de mariage préalablement reçu par les officiers de l'état civil» (Code pénal, article 433-21) ? La sanction pour le ministre du culte procédant «de manière habituelle» à des cérémonies nuptiales hors mariage civil étant «de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende» (Code pénal, ibid.), a-t-on alors dans le dossier d’Échanges une invite, contre le «légalisme», à jouer les «martyrs» ? Et pour quelle cause ?
De telles cérémonies, qu’on les appelle «mariages religieux» ici, «bénédictions nuptiales» là, «rites traditionnels» ailleurs, de telles cérémonies qui se passeraient, jusqu'à nouvel ordre législatif, du préalable «passage à la mairie» se poseraient au bout du compte d’une façon ou d’une autre comme autant d’alternatives au mariage civil. Ce qui, dans le contexte actuel, revient tout simplement à ouvrir un boulevard aux intégrismes — et cela, oh comble, au nom d’une volonté libérale !… —, que ces «ouvertures libérales» consistent à se passer carrément de tout acte civil, ou même qu’elles ne consistent qu’à «bénir les pacs» !
Se passer du mariage civil avant de donner une bénédiction nuptiale revient, en avalisant ipso facto une union qui n’a pas été prélablement reconnue comme mariage par la société commune, à faire fi de l’acquis du processus historique libérateur débouchant sur la mise en place d’un état civil qui en soit vraiment un ; en remplacement de la pratique antérieure, quand le culte officiel chargé de l’état «civil» était reconnu de facto comme «plus égal» que les autres. L’état civil, et donc le mariage civil, du fait même de sa rigueur «légaliste», a voulu mettre tous (quel que soit leur culte ou leur absence de culte) sur le même plan.
Et voilà qu’il y aurait un «signe d’ouverture» à contourner cet acquis à l’occasion de la loi prévoyant un assouplissement des exigences et donc des garanties de l’union matrimoniale, à savoir le pacs.
«Signe d’ouverture», certes… en faveur des intégristes !...
En premier lieu en faveur des intégristes catholiques entendant déjà brandir le sérieux de leur rite comme alternative, ou complément indispensable au rite civil, complément par lequel seul le mariage deviendrait complet. Merveilleux cadeau aux intégristes catholiques qui n’ont jamais pleinement accepté le mariage civil — à l’opposé du protestantisme qui l’a toujours reconnu comme étant le mariage plénier.
Un tel «signe» relativisant le seul mariage reconnu jusque là par le protestantisme, le mariage civil, a aussi tout pour favoriser les intégristes islamistes, lesquels tiennent à la possibilité de la répudiation, pour laquelle le pacs offre tout de même d’autres ouvertures que le mariage proprement dit, qui induit, en cas de divorce, une plus nette garantie des droits que celle qu’offre la rupture d’un pacs.
Plus que cela, l’ouverture, au nom du refus du «légalisme», vers une bénédiction de tout couple la désirant (puisqu’on ne saurait refuser de «dire du bien») peut aisément s’étendre à des unions pas forcément monogames ! Ici le mariage civil (ou le pacs) devient l’élément légal (facultatif) pouvant concerner une seule conjointe, les observances religieuses et autres bénédictions selon des pratiques intégristes islamistes autorisant pleinement la polygamie (et la répudiation) étant, aux yeux de leurs tenants, le rite essentiel, prendrait-il le titre de «bénédiction». Un rite qui prétend ne contredire nullement la loi républicaine — se contentant de la contourner !
Ainsi, a-t-on récemment entendu clamer : «à ce que je sache, les maîtresses ne sont pas interdites en France, ni par l'islam. Peut-être par le christianisme, mais pas en France». On reconnaît les termes, d’actualité récente, posés cyniquement par le mari d’une seule femme et de plusieurs «maîtresses», ou épouses «traditionnelles» mais non «civiles», toutes en niqab.
Où les «généreux» «messages d’accueil» et «signes ouverture» vers le dépassement du «légalisme» qui respecte scrupuleusement le mariage civil, deviennent autant de signaux vers une régression des droits acquis difficilement au temps des obligations rituelles de l’Ancien Régime.
RP
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