Si la Réforme se développe en vis-à-vis de l’Église médiévale (1er pôle), dont elle conserve, en plusieurs de ses courants, l’essentiel de la liturgie (selon une année liturgique rythmée sur les événements de la vie de Jésus dans le Nouveau Testament), elle s'ouvre pourtant particulièrement, par le principe sola Scriptura, en faisant des livres de la Bible hébraïque les livres de son Ancien Testament (2e pôle), en vis-à-vis d'Israël, Israël ancien et Israël vivant, héritier et témoin des Écritures hébraïques, que Jésus appelait du nom que leur donne le judaïsme, selon le rangement juif de la Bible en cercles concentriques : la Loi, les Prophètes et les Psaumes (ou les Écrits, dont le Livre des Psaumes est le premier livre) ; Bible hébraïque qui relue en regard du Nouveau Testament, devient l'Ancien Testament des chrétiens en regard de la présence du Ressuscité qui ouvre la naissance de la Bible chrétienne.
La Réforme se déploie donc selon un double vis-à-vis : l'institution médiévale chrétienne et l'Israël biblique : l’institution chrétienne médiévale est le fruit d'une adaptation et d'une inculturation, que la Réforme ne remet pas en cause mais qu'elle réforme, en regard des Écritures bibliques. Ce qui fait que l'on pourrait dire que loin d'être une inculturation, la Réforme opère d'une certaine façon une « désinculturation », l'inculturation, l'adaptation au contexte civilisationnel ambiant avec son ancienne mythologie européenne glissant parfois à la tentation de faire perdre de vue la radicalité du message biblique concernant le refus des idoles. La Réforme repère la tentation idolâtre dans la multiplication des médiations, et le risque de sa persistance via le culte des saints par exemple.
La médiation est ainsi ramenée par la Réforme à son essentiel : le Christ seul médiateur, dont la présence est signifiée par la médiation de la Parole prêchée et des sacrements institués par le Christ ; car l'événement se traduit en institutions, lesquelles demeurent grevées de ce que nous sommes, aussi bien dans leurs colorations culturelles que dans ce qu'elles ont d'empreint de péché. L’institution ecclésiale est en effet toujours mêlée de péché, au point qu'on peut dire que trop d'institution tue l'institution, si elle étouffe ce dont elle est censée témoigner !
Les structures dans lesquelles l’Église se met en place sont donc secondes, relevant quant à leur forme et leur organisation, des choses indifférentes – adiaphora ; relevant du bene esse de l’Église, de son bien être et non de son essence. Cela n’empêche pas que le protestantisme existe aussi aussi via ses diverses structures religieuses, historiques, civilisationnelles, culturelles. Autant de réalités qui n'en demeurent cependant pas moins secondes – adiaphora a-t-on dit, « choses indifférentes ».
L'institution ecclésiale, pas nécessairement secondaire mais seconde, l'ancrage comme spiritualité est ce qui fait le christianisme protestant. Un christianisme en vis-à-vis, ses différents déploiements religieux et rituels étant des déploiements d'emprunt, essentiellement, on l'a vu, à la tradition chrétienne antécédente et à la tradition hébraïque.
Ces deux vis-à-vis donnent les colorations de deux lignées des religions protestantes – deux esthétiques : la lignée globalement épiscopale, et la lignée qui sera appelée « puritaine », et qui, insistant sur la dimension représentative de la structure ecclésiale, en pouvoirs et contre-pouvoirs, est à l'origine des démocraties modernes. Mais ces deux types de coloration restent seconds, sont à leur tour autant de vis-à-vis de ce qui est au cœur et qui permet au protestantisme de se diversifier (selon que « tout scribe instruit de ce qui regarde le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes » – Matthieu 13:52). Dans les deux cas cependant, une esthétique de… l'élagage, puisque cela, l'institution, reste second, et risque toujours d'être à même de voiler (indûment) ce qui est premier. D'où la sobriété de l’esthétique protestante perçue généralement comme caractéristique.
La Réforme se déploie donc selon un double vis-à-vis : l'institution médiévale chrétienne et l'Israël biblique : l’institution chrétienne médiévale est le fruit d'une adaptation et d'une inculturation, que la Réforme ne remet pas en cause mais qu'elle réforme, en regard des Écritures bibliques. Ce qui fait que l'on pourrait dire que loin d'être une inculturation, la Réforme opère d'une certaine façon une « désinculturation », l'inculturation, l'adaptation au contexte civilisationnel ambiant avec son ancienne mythologie européenne glissant parfois à la tentation de faire perdre de vue la radicalité du message biblique concernant le refus des idoles. La Réforme repère la tentation idolâtre dans la multiplication des médiations, et le risque de sa persistance via le culte des saints par exemple.
La médiation est ainsi ramenée par la Réforme à son essentiel : le Christ seul médiateur, dont la présence est signifiée par la médiation de la Parole prêchée et des sacrements institués par le Christ ; car l'événement se traduit en institutions, lesquelles demeurent grevées de ce que nous sommes, aussi bien dans leurs colorations culturelles que dans ce qu'elles ont d'empreint de péché. L’institution ecclésiale est en effet toujours mêlée de péché, au point qu'on peut dire que trop d'institution tue l'institution, si elle étouffe ce dont elle est censée témoigner !
Les structures dans lesquelles l’Église se met en place sont donc secondes, relevant quant à leur forme et leur organisation, des choses indifférentes – adiaphora ; relevant du bene esse de l’Église, de son bien être et non de son essence. Cela n’empêche pas que le protestantisme existe aussi aussi via ses diverses structures religieuses, historiques, civilisationnelles, culturelles. Autant de réalités qui n'en demeurent cependant pas moins secondes – adiaphora a-t-on dit, « choses indifférentes ».
L'institution ecclésiale, pas nécessairement secondaire mais seconde, l'ancrage comme spiritualité est ce qui fait le christianisme protestant. Un christianisme en vis-à-vis, ses différents déploiements religieux et rituels étant des déploiements d'emprunt, essentiellement, on l'a vu, à la tradition chrétienne antécédente et à la tradition hébraïque.
Ces deux vis-à-vis donnent les colorations de deux lignées des religions protestantes – deux esthétiques : la lignée globalement épiscopale, et la lignée qui sera appelée « puritaine », et qui, insistant sur la dimension représentative de la structure ecclésiale, en pouvoirs et contre-pouvoirs, est à l'origine des démocraties modernes. Mais ces deux types de coloration restent seconds, sont à leur tour autant de vis-à-vis de ce qui est au cœur et qui permet au protestantisme de se diversifier (selon que « tout scribe instruit de ce qui regarde le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes » – Matthieu 13:52). Dans les deux cas cependant, une esthétique de… l'élagage, puisque cela, l'institution, reste second, et risque toujours d'être à même de voiler (indûment) ce qui est premier. D'où la sobriété de l’esthétique protestante perçue généralement comme caractéristique.
RP, 30.11.2022, extrait de
"Semper reformanda – esprit de Réforme et tradition protestante" (19.03.2017)
"Semper reformanda – esprit de Réforme et tradition protestante" (19.03.2017)