« Elles sortirent et s'enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées ; et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. » (Marc 16, 8)
Qu'est-ce que cette frayeur des femmes du dimanche de la résurrection du Christ ? Est-ce que nous ne nous attendrions pas à une autre réaction ? Mais les voilà dans la peur, dans un bouleversement tel qu'il les mure dans le silence…
C’est que la résurrection bouleverse tout. Au-delà des choses habituelles, compréhensibles, généralisables : un être humain, ça naît, ça croît, et ça finit par mourir. C'est la loi simple de la nature, c'est comme ça, ce sera toujours comme ça, et quand il semble que cela se passe autrement, il doit y avoir une explication quelque part qui fasse rentrer les choses dans l'ordre. Dans l'ordre rationnel, dans l'ordre de ce qui peut se reproduire à volonté, éventuellement en laboratoire.
Bref, une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. Chose justement : dans le monde généralisable, il n'y a finalement que des choses, gérables, catégorisables, jusqu'au prochain lui-même qui devient catégorisable. Catégorisable en prochain et en lointain, en couleurs de peau et origines géographiques ou familiales, en hommes et femmes, de mon monde et pas de mon monde. Un monde bien carré, bien rangé, où ce qui dérange est insupportable, finit par effrayer…
On naît, on grandit, on vieillit, on meurt, et le corps se décompose, se disent les femmes du dimanche de Pâques. C'est comme ça. C'est ignoble, certes, et c'est pourquoi on va embaumer le mort. Empêcher autant que possible, par des moyens explicables par la chimie, les effets les plus durs de la décomposition. C'est dans cet état d'esprit, on ne peut plus tendre à l'égard du défunt d'ailleurs — l'embaumer, soigner son corps décédé —, que les femmes sont parties ce dimanche matin. Tout est dans l'ordre, cet ordre malheureux : il n'est pas jusqu'à cet ignoble mal au ventre, cette douleur du deuil qui tenaille qui ne soit dans l'ordre des choses. On s'en débarrasserait bien de ce mal au ventre, de cette nausée qui tire les larmes et empêche de manger, de ce voile noir qui leur est tombé sur les yeux, et sous lequel on accomplit les devoirs dus au mort de façon machinale. Tout ici est dans l’ordre, le généralisable. On sait.
Et voila que s'est produit le plus inattendu, l'indicible. Oh ! on pourrait être tenté de se dire que ça va, qu'"on" (cf. Jn 20, 2 & 13-15) a déplacé le cadavre : les Romains ? les autorités judéennes ? voire des disciples un peu en marge ? comme Nicodème ou Joseph d'Arimathée déplaçant le corps sans le dire aux autres (ce que veulent empêcher les autorités, selon Matthieu 27, 62-66 ; ce qu'elles colportent ensuite : Mt 28, 11-15 !). Puis, sur cela, sur cette translation de cadavre, naîtrait pour les disciples le sentiment d'une présence divine dans l'absence… Autant d'hypothèses rassurantes où tout est bien dans l'ordre rationnel. Où la résurrection n'est que l'idée de vie ; et où un fait aléatoire, déplacer le défunt à l'insu des disciples, deviendrait déclencheur d'un merveilleux symbole de plus, mais où s'évanouit la brèche réelle entre les mondes, entre l'éternité et le temps, évanouissement bien rassurant au fond.
Mais voilà, là ce n'est décidément pas ça : et les femmes ont peur ! Là c'est décidément autre chose. Intuition terrible, on pressent l'indicible, effrayant.
Ici jaillit un autre monde, inclassable, le monde de l'existence de chacune et chacun comme être irréductible. Irréductible aux classements et catégories. Aujourd'hui, il va falloir tout reconsidérer, de fond en comble. Et ça effraie, ça laisse silencieux.
La résurrection du Christ marque la naissance de l'Unique irréductible. Et par la promesse qui y est incluse, de chacune et chacun comme unique devant Dieu. L’aboutissement le plus irréfutable des choses généralisables, la mort, par quoi tout finit dans la poussière — cet aboutissement irréfutable est aujourd'hui brisé. Dès lors plus personne n'est classable en généralités puisque tous peuvent recevoir la promesse sortie du tombeau vide. Chacun devient dès à présent une exception, enfant de l'exception inouïe, celle du dimanche de Pâques.
Qu'est-ce que cette frayeur des femmes du dimanche de la résurrection du Christ ? Est-ce que nous ne nous attendrions pas à une autre réaction ? Mais les voilà dans la peur, dans un bouleversement tel qu'il les mure dans le silence…
C’est que la résurrection bouleverse tout. Au-delà des choses habituelles, compréhensibles, généralisables : un être humain, ça naît, ça croît, et ça finit par mourir. C'est la loi simple de la nature, c'est comme ça, ce sera toujours comme ça, et quand il semble que cela se passe autrement, il doit y avoir une explication quelque part qui fasse rentrer les choses dans l'ordre. Dans l'ordre rationnel, dans l'ordre de ce qui peut se reproduire à volonté, éventuellement en laboratoire.
Bref, une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. Chose justement : dans le monde généralisable, il n'y a finalement que des choses, gérables, catégorisables, jusqu'au prochain lui-même qui devient catégorisable. Catégorisable en prochain et en lointain, en couleurs de peau et origines géographiques ou familiales, en hommes et femmes, de mon monde et pas de mon monde. Un monde bien carré, bien rangé, où ce qui dérange est insupportable, finit par effrayer…
On naît, on grandit, on vieillit, on meurt, et le corps se décompose, se disent les femmes du dimanche de Pâques. C'est comme ça. C'est ignoble, certes, et c'est pourquoi on va embaumer le mort. Empêcher autant que possible, par des moyens explicables par la chimie, les effets les plus durs de la décomposition. C'est dans cet état d'esprit, on ne peut plus tendre à l'égard du défunt d'ailleurs — l'embaumer, soigner son corps décédé —, que les femmes sont parties ce dimanche matin. Tout est dans l'ordre, cet ordre malheureux : il n'est pas jusqu'à cet ignoble mal au ventre, cette douleur du deuil qui tenaille qui ne soit dans l'ordre des choses. On s'en débarrasserait bien de ce mal au ventre, de cette nausée qui tire les larmes et empêche de manger, de ce voile noir qui leur est tombé sur les yeux, et sous lequel on accomplit les devoirs dus au mort de façon machinale. Tout ici est dans l’ordre, le généralisable. On sait.
Et voila que s'est produit le plus inattendu, l'indicible. Oh ! on pourrait être tenté de se dire que ça va, qu'"on" (cf. Jn 20, 2 & 13-15) a déplacé le cadavre : les Romains ? les autorités judéennes ? voire des disciples un peu en marge ? comme Nicodème ou Joseph d'Arimathée déplaçant le corps sans le dire aux autres (ce que veulent empêcher les autorités, selon Matthieu 27, 62-66 ; ce qu'elles colportent ensuite : Mt 28, 11-15 !). Puis, sur cela, sur cette translation de cadavre, naîtrait pour les disciples le sentiment d'une présence divine dans l'absence… Autant d'hypothèses rassurantes où tout est bien dans l'ordre rationnel. Où la résurrection n'est que l'idée de vie ; et où un fait aléatoire, déplacer le défunt à l'insu des disciples, deviendrait déclencheur d'un merveilleux symbole de plus, mais où s'évanouit la brèche réelle entre les mondes, entre l'éternité et le temps, évanouissement bien rassurant au fond.
Mais voilà, là ce n'est décidément pas ça : et les femmes ont peur ! Là c'est décidément autre chose. Intuition terrible, on pressent l'indicible, effrayant.
Ici jaillit un autre monde, inclassable, le monde de l'existence de chacune et chacun comme être irréductible. Irréductible aux classements et catégories. Aujourd'hui, il va falloir tout reconsidérer, de fond en comble. Et ça effraie, ça laisse silencieux.
La résurrection du Christ marque la naissance de l'Unique irréductible. Et par la promesse qui y est incluse, de chacune et chacun comme unique devant Dieu. L’aboutissement le plus irréfutable des choses généralisables, la mort, par quoi tout finit dans la poussière — cet aboutissement irréfutable est aujourd'hui brisé. Dès lors plus personne n'est classable en généralités puisque tous peuvent recevoir la promesse sortie du tombeau vide. Chacun devient dès à présent une exception, enfant de l'exception inouïe, celle du dimanche de Pâques.
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