Romains 3, 21-24
1 Corinthiens 15, 10
« Non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi » (1 Co 15, 10). Des mots à comprendre en regard de ce qui précède, 1 Co 15, 8-9, où Paul rappelle qu'il avait antan dirigé des poursuites contre les disciples de Jésus, se disant désormais lui-même, de ce fait, le dernier des Apôtres. Petite remarque : à bien y regarder Paul avait en un sens alors... raison de poursuivre la communauté nouvelle ; en ce qu'elle représentait à ses yeux, et aussi pour d'autres, une menace potentielle pour tout Israël parce que subversive aux yeux de Rome ! Des disciples et continuateurs de celui qui avait été exécuté pour subversion contre le pouvoir romain, ne l'oublions pas – cf. le motif de sa condamnation affiché sur la croix.
Entre ce temps-là et son épître aux Corinthiens, Paul aura lâché prise : ce n'est pas lui qui défend le peuple de Dieu face à Rome, sauf à devenir persécuteur de ce qui lui semble en menacer le salut, ou l'identité. Lâcher prise : où Paul a pris la leçon de son maître Rabbi Gamaliel (Actes 22, 3) – comme plus tard Luther celle de Staupitz, son abbé – ici Gamaliel plaidant devant le sanhédrin pour le lâcher-prise et la tolérance envers les disciples de Jésus (Actes 5, 34) – que Paul vient de rencontrer comme Christ ressuscité (Actes 9, 5 ; 22, 8 ; 26, 15). Ce n'est pas pour rien que le livre des Actes précise tout cela...
C’est la seule façon possible de comprendre le propos de Paul : « j'ai travaillé plus que tous » les autres Apôtres, sans que ce soit en contradiction avec « la grâce de Dieu qui est avec moi ». Fruit d'un lâcher prise que ce « travail » et non pas une façon de « terminer par la chair après avoir commencé par l'Esprit » (cf. Galates 3, 3) en se glorifiant quand même !
Paul n'a rien fait qui serait son « travail » à lui, il est « l'avorton » (1 Co 15, 8) de la mission du Ressuscité, dernier des Apôtres ! Mais c'est précisément cela, fruit de son ratage comme marque initiale, qui a œuvré, travaillé à travers lui, qui a glorifié Dieu par lui, honteux, et par cela en lui : Dieu seul glorifié, donc, de ce qui se produit réellement : la réception par les nations païennes de l’Évangile, Évangile de la grâce seule – du fait de ce ratage initial de Paul. En cela aussi la puissance de la grâce s'accomplit dans la faiblesse (2 Co 12, 9).
La grâce seule. Une grâce produisant un fruit, ledit « travail », œuvre de Dieu seul, au bénéfice des nations. Où on en vient à notre texte en Romains 3. L’Épître aux Romains en général, en entier, est une défense par Paul des juifs face aux païens chrétiens de Rome. Défense de leur prestige légitime d'héritiers et de porteurs du témoignage de la Loi et des Prophètes, cela, pour Paul, sans interférence avec le message du lâcher-prise de la grâce.
Petit rappel du contexte pour bien saisir le propos : les juifs, disciples du Christ ou pas (à l'époque la rupture Synagogue-Église n'a pas eu lieu), avaient été expulsés de Rome par Claude (Actes 18, 2) au début des années 40 du fait, selon l'historien latin Suétone, des troubles suscités parmi eux par un nommé Chrestos – selon le terme de Suétone : « Les Juifs provoquant continuellement des troubles à l’instigation de Chrestos, [Claude] les chassa de Rome » (Suétone, Claude, XXV). Lorsque les exilés vont revenir, que dit Paul aux Romains ? – c'est au cœur de l’épître : l'accueil d'abord, par les païens chrétiens qui eux n'ont pas été expulsés ; l'accueil d'abord concernant les juifs romains, disciples de Jésus ou pas, d’autant plus que c'est l’accueil des premiers bénéficiaires du message, la Torah, du Dieu de leur salut.
Privilège, honneur. Parallèle avec la France dite des Droits de l'Homme ! Honneur… et risque d’effets pervers qu'un tel privilège, un tel titre, d'un tel prestige : « nation des Droits de l'Homme » ! « Nation de la Torah de Dieu » ! Oui, mais voilà, nul n'est à la hauteur, nul n'est maître de ce qui l'honore. Lâcher prise en se reconnaissant privés de cet honneur, de cette gloire là – « tous ont péché, à savoir : ne sont pas à la hauteur, et sont donc privés de la gloire de Dieu » –, pas à la hauteur en regard de la vérité de la Torah ! Cela vaut pour tous, ceux qui l'ont reçue comme les autres.
« Tous ont péché », en effet, ou : « Que tout homme soit reconnu menteur » ! autre formulation de Paul (Ro 3, 4). Peuple des Droits de l'Homme ? Menteur ! Oui les Droits de l'Homme ont été proclamés en ton sein, patrie des Droits de l'Homme, mais est-ce que tu les respectes ? N'es-tu pas privée de la gloire de ce titre ? Quand tu ne les respectes pas plus que les autres ! Alors oui, ton privilège est immense, à la mesure d'une responsabilité que tu n'as pas su porter.
« Toi donc, qui enseignes les autres, écrit Paul, tu ne t’enseignes pas toi-même ! Toi qui prêches de ne pas dérober, tu dérobes ! Toi qui dis de ne pas commettre d’adultère, tu commets l’adultère ! Toi qui as en abomination les idoles, tu commets des sacrilèges ! Toi qui te fais une gloire de la loi, tu déshonores Dieu par la transgression de la loi ! » (Ro 2, 21-23)
« Que tout homme soit reconnu menteur » ! « Tous ont péché » ! Alors la grâce est possible, pour tous, alors Dieu agit comme Dieu rédempteur, c'est-à-dire racheteur, libérateur. La grâce, c'est-à-dire la faveur de Dieu : chacun vrai devant lui, c'est-à-dire se reconnaissant pas à la hauteur, mais se sachant aimé comme il est : déclaré juste. Alors la faveur de Dieu va travailler par lui, par le moyen de la foi en la libération offerte, effet d'un lâcher-prise. Le lâcher-prise de Paul auquel il appelle les croyants de Rome, juifs et païens, les croyants de France ici aujourd'hui, et incroyants, de toute obédience et tradition.
Lâcher prise et compter sur la grâce, la faveur de Dieu seule. Plus rien à prouver, peu importe tous mes ratages passés et actuels, je ne suis pas à la hauteur de toute façon ; tout est don, de la Torah à l’Évangile, tout est grâce ; c'est lui qui justifie, il suffit de faire confiance : justifiés par la foi, la confiance, le lâcher-prise.
21 Mais maintenant, la justice de Dieu dont témoignent la loi et les prophètes a été manifestée indépendamment de la loi :
22 c’est la justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ pour tous ceux qui croient.
23 Il n’y a pas de différence : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu,
24 et ils sont gratuitement déclarés justes par sa grâce, par le moyen de la libération qui se trouve en Jésus-Christ.
1 Corinthiens 15, 10
Par la grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n’a pas été vaine ; loin de là, j’ai travaillé plus qu’eux tous, non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi.
*
« Non pas moi, mais la grâce de Dieu qui est avec moi » (1 Co 15, 10). Des mots à comprendre en regard de ce qui précède, 1 Co 15, 8-9, où Paul rappelle qu'il avait antan dirigé des poursuites contre les disciples de Jésus, se disant désormais lui-même, de ce fait, le dernier des Apôtres. Petite remarque : à bien y regarder Paul avait en un sens alors... raison de poursuivre la communauté nouvelle ; en ce qu'elle représentait à ses yeux, et aussi pour d'autres, une menace potentielle pour tout Israël parce que subversive aux yeux de Rome ! Des disciples et continuateurs de celui qui avait été exécuté pour subversion contre le pouvoir romain, ne l'oublions pas – cf. le motif de sa condamnation affiché sur la croix.
Entre ce temps-là et son épître aux Corinthiens, Paul aura lâché prise : ce n'est pas lui qui défend le peuple de Dieu face à Rome, sauf à devenir persécuteur de ce qui lui semble en menacer le salut, ou l'identité. Lâcher prise : où Paul a pris la leçon de son maître Rabbi Gamaliel (Actes 22, 3) – comme plus tard Luther celle de Staupitz, son abbé – ici Gamaliel plaidant devant le sanhédrin pour le lâcher-prise et la tolérance envers les disciples de Jésus (Actes 5, 34) – que Paul vient de rencontrer comme Christ ressuscité (Actes 9, 5 ; 22, 8 ; 26, 15). Ce n'est pas pour rien que le livre des Actes précise tout cela...
C’est la seule façon possible de comprendre le propos de Paul : « j'ai travaillé plus que tous » les autres Apôtres, sans que ce soit en contradiction avec « la grâce de Dieu qui est avec moi ». Fruit d'un lâcher prise que ce « travail » et non pas une façon de « terminer par la chair après avoir commencé par l'Esprit » (cf. Galates 3, 3) en se glorifiant quand même !
Paul n'a rien fait qui serait son « travail » à lui, il est « l'avorton » (1 Co 15, 8) de la mission du Ressuscité, dernier des Apôtres ! Mais c'est précisément cela, fruit de son ratage comme marque initiale, qui a œuvré, travaillé à travers lui, qui a glorifié Dieu par lui, honteux, et par cela en lui : Dieu seul glorifié, donc, de ce qui se produit réellement : la réception par les nations païennes de l’Évangile, Évangile de la grâce seule – du fait de ce ratage initial de Paul. En cela aussi la puissance de la grâce s'accomplit dans la faiblesse (2 Co 12, 9).
La grâce seule. Une grâce produisant un fruit, ledit « travail », œuvre de Dieu seul, au bénéfice des nations. Où on en vient à notre texte en Romains 3. L’Épître aux Romains en général, en entier, est une défense par Paul des juifs face aux païens chrétiens de Rome. Défense de leur prestige légitime d'héritiers et de porteurs du témoignage de la Loi et des Prophètes, cela, pour Paul, sans interférence avec le message du lâcher-prise de la grâce.
Petit rappel du contexte pour bien saisir le propos : les juifs, disciples du Christ ou pas (à l'époque la rupture Synagogue-Église n'a pas eu lieu), avaient été expulsés de Rome par Claude (Actes 18, 2) au début des années 40 du fait, selon l'historien latin Suétone, des troubles suscités parmi eux par un nommé Chrestos – selon le terme de Suétone : « Les Juifs provoquant continuellement des troubles à l’instigation de Chrestos, [Claude] les chassa de Rome » (Suétone, Claude, XXV). Lorsque les exilés vont revenir, que dit Paul aux Romains ? – c'est au cœur de l’épître : l'accueil d'abord, par les païens chrétiens qui eux n'ont pas été expulsés ; l'accueil d'abord concernant les juifs romains, disciples de Jésus ou pas, d’autant plus que c'est l’accueil des premiers bénéficiaires du message, la Torah, du Dieu de leur salut.
Privilège, honneur. Parallèle avec la France dite des Droits de l'Homme ! Honneur… et risque d’effets pervers qu'un tel privilège, un tel titre, d'un tel prestige : « nation des Droits de l'Homme » ! « Nation de la Torah de Dieu » ! Oui, mais voilà, nul n'est à la hauteur, nul n'est maître de ce qui l'honore. Lâcher prise en se reconnaissant privés de cet honneur, de cette gloire là – « tous ont péché, à savoir : ne sont pas à la hauteur, et sont donc privés de la gloire de Dieu » –, pas à la hauteur en regard de la vérité de la Torah ! Cela vaut pour tous, ceux qui l'ont reçue comme les autres.
« Tous ont péché », en effet, ou : « Que tout homme soit reconnu menteur » ! autre formulation de Paul (Ro 3, 4). Peuple des Droits de l'Homme ? Menteur ! Oui les Droits de l'Homme ont été proclamés en ton sein, patrie des Droits de l'Homme, mais est-ce que tu les respectes ? N'es-tu pas privée de la gloire de ce titre ? Quand tu ne les respectes pas plus que les autres ! Alors oui, ton privilège est immense, à la mesure d'une responsabilité que tu n'as pas su porter.
« Toi donc, qui enseignes les autres, écrit Paul, tu ne t’enseignes pas toi-même ! Toi qui prêches de ne pas dérober, tu dérobes ! Toi qui dis de ne pas commettre d’adultère, tu commets l’adultère ! Toi qui as en abomination les idoles, tu commets des sacrilèges ! Toi qui te fais une gloire de la loi, tu déshonores Dieu par la transgression de la loi ! » (Ro 2, 21-23)
« Que tout homme soit reconnu menteur » ! « Tous ont péché » ! Alors la grâce est possible, pour tous, alors Dieu agit comme Dieu rédempteur, c'est-à-dire racheteur, libérateur. La grâce, c'est-à-dire la faveur de Dieu : chacun vrai devant lui, c'est-à-dire se reconnaissant pas à la hauteur, mais se sachant aimé comme il est : déclaré juste. Alors la faveur de Dieu va travailler par lui, par le moyen de la foi en la libération offerte, effet d'un lâcher-prise. Le lâcher-prise de Paul auquel il appelle les croyants de Rome, juifs et païens, les croyants de France ici aujourd'hui, et incroyants, de toute obédience et tradition.
Lâcher prise et compter sur la grâce, la faveur de Dieu seule. Plus rien à prouver, peu importe tous mes ratages passés et actuels, je ne suis pas à la hauteur de toute façon ; tout est don, de la Torah à l’Évangile, tout est grâce ; c'est lui qui justifie, il suffit de faire confiance : justifiés par la foi, la confiance, le lâcher-prise.
RP, « Par la Grâce seule : notre opportunité »
Poitiers, espace MLK, 10/01/17
Poitiers, espace MLK, 10/01/17
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