Le mot hébreu berith, traduit par «alliance», est employé dans la Bible pour désigner notamment un engagement divin avec les hommes. Il se rapporte à une diversité de déploiements : alliance avec Noé, avec Abraham, avec le peuple hébreu via la médiation de Moïse, avec David et sa dynastie, tandis que les prophètes dessinent l’espérance d’une «nouvelle Alliance», reprise par le Nouveau Testament, avec le vocable grec utilisé par la Bible des LXX, diatheke, qui connote aussi l’idée de Testament.
L’alliance avec Noé concerne toute l’humanité, que Dieu s’engage à préserver, avec l’arc-en-ciel donné comme signe de cet engagement. La tradition juive repère une loi de Noé que l’humanité doit respecter, en sept commandements, repris de façon allusive dans le livre des Actes des Apôtres (15. 19-21) concernant les croyants en Christ issus des nations.
Dans l’alliance avec Abraham, qui a pour signe la circoncision, Dieu s’engage à donner au patriarche une descendance abondante, à l’origine (entre autres) du peuple hébreu, à travers lequel Abraham est annoncé comme signe de bénédiction divine universelle.
Le peuple hébreu à son tour entre dans une alliance, accompagnée de la promesse du don de la terre de Canaan. La part d’engagement requise de la part du peuple, est d’observer la loi donnée par l’intermédiaire de Moïse, dans laquelle le judaïsme dénombrera 613 commandements (dénombrement classé par Maimonide au XIIe).
La dynastie issue du second roi d’Israël, David, est garantie par la promesse divine d’une perpétuité de son trône, en proximité du symbole du Temple et de son emplacement à Jérusalem.
La menace d’invasion qui débouche sur la destruction du Temple, la rupture de la succession dynastique de la monarchie davidique et la déportation du peuple, s’accompagnent de la promesse prophétique d’une nouvelle alliance dont les textes néo-testamentaires se réclameront pour désigner l’origine divine du tournant christique, scellant l’alliance (jouant de la connotation du mot grec signifiant aussi «testament») dans la mort et la résurrection de Jésus, d’où naît un peuple, issu de juifs et non-juifs, élargissant ainsi l’alliance aux nations.
Le problème qui se pose est de savoir si cette « nouvelle alliance », ou « nouveau testament » est une autre alliance que celle qui est scellée avec Israël ou si c’est la même, nouvelle alors au sens de « renouvelée », ce que semblerait pouvoir induire la promesse prophétique d’une « nouvelle alliance » dont se réclament les textes néo-testamentaires : la même alliance « inscrite dans les cœurs »…
Le christianisme ancien a très vite opté pour la lecture voulant qu’il s’agisse d’une autre alliance, qui quoique forte d’analogies avec la première, celle d’Israël, fait de celle-ci une «ancienne alliance». Dans cette perspective, la nouvelle alliance tendra rapidement à se substituer à l’ancienne, à l’accomplir, selon une lecture particulière du propos de Jésus « Je suis venu accomplir et non abolir » -accomplissement se concrétisant en une abolition de fait !
C’est Calvin qui remet le plus nettement en question cette lecture, lui préférant l’idée d’une alliance renouvelée, et devenant en cela précurseur. Pour lui, Dieu nous assure de son élection par la seule foi qu’il est fidèle à sa promesse1. L’alliance, unique, nous précède, remontant avant la fondation du monde dans la promesse du Dieu éternel, et scellée dans le temps bien avant nous. Scellée avec Abraham. Unique, même si elle apparaît diverse : « l’Alliance faite avec les Pères anciens est si semblable à la nôtre, qu’on la peut dire une même avec elle. Seulement elle diffère en l’ordre d’être dispensée. »
Voilà qui potentiellement induit la pérennité de l’alliance avec Israël, pérennité qui au fond atteste celle qui vaut pour les chrétiens. L’alliance, déjà scellée par Dieu avec Abraham, Isaac et Jacob, avec Moïse et le peuple au Sinaï, n’est pas résiliable. Dieu lui-même s’est engagé ! L’Alliance conclue par Dieu avec les Pères n’ayant « pas été fondée sur leurs mérites mais sur sa seule miséricorde ». Dieu s’est engagé de façon irrévocable, de telle sorte qu’une révocation serait même contradictoire en christianisme, puisque la «nouvelle» alliance -«nouvelle» donc non pas parce qu’elle serait autre, mais en tant qu’alliance unique renouvelée ; la «nouvelle» alliance repose sur cette même fidélité de Dieu ! On peut même dire que la promesse ne vaut pour les chrétiens que si elle vaut pour les juifs.
Ici les formes que prend cette unique alliance sont secondes par rapport au lien scellé en la promesse de Dieu, qui transcende les signes (rites et sacrements) où elle nous est annoncée, que ce soient les signes propres au judaïsme, ou ceux du christianisme.
Malgré cela, une lecture du sens de cette unique alliance a pu se faire jour, qui tend à rejoindre l’idée de substitution par l’affirmation d’une sorte d’évolution rituelle, relative à l’idée de progression de la révélation de cette unique alliance jusqu’en Jésus Christ. Les rites issus de la révélation du Christ sont alors ceux auxquels tous devraient se plier : une subtile façon de substitution peut donc se réintroduire.
Une autre approche est aussi apparue, qui souligne la différence des rites comme partie intégrante d’une alliance. Se développera alors un courant qui deviendra par la suite le « dispensationalisme », qui consiste à penser que Dieu a scellé avec les humains une série d’alliances signifiées par les diverses façons dont elles sont dispensées, les diverses «dispensations». Les tenants de cette approche en dénombrent le plus souvent sept, percevant des alliances/dispensations distinctes « en amont » dès le Paradis (avant, puis après le péché d’Adam), et « en aval » le Royaume de Dieu.
Ce courant qui est héritier de Calvin sur le point de l’alliance, alors qu’il s’en sépare pour le reste, estime que les diverses dispensations ne sont pas caduques, non plus que leurs caractéristiques rituelles propres. La dispensation/alliance avec Israël n’est pas abolie par celle qui se déploie en parallèle avec l’Église. La majorité des dispensationalistes n’en espèrent pas moins une rejonction finale par la conversion d’Israël à la foi du Christ.
On a toutefois, avec ces deux traditions protestantes, alliance unique ou dispensations multiples, la possibilité de concevoir une autre approche que celle, plus traditionnelle, qui consiste à dire que l’alliance avec l’Église « accomplit »la première alliance avec Israël.
Ces deux approches ont sans doute joué un rôle, fut-il discret, dans les nouvelles façons de poser la question des rapports du christianisme) avec le judaïsme, en ce qui concerne la notion d’alliance.
L’alliance avec Noé concerne toute l’humanité, que Dieu s’engage à préserver, avec l’arc-en-ciel donné comme signe de cet engagement. La tradition juive repère une loi de Noé que l’humanité doit respecter, en sept commandements, repris de façon allusive dans le livre des Actes des Apôtres (15. 19-21) concernant les croyants en Christ issus des nations.
Dans l’alliance avec Abraham, qui a pour signe la circoncision, Dieu s’engage à donner au patriarche une descendance abondante, à l’origine (entre autres) du peuple hébreu, à travers lequel Abraham est annoncé comme signe de bénédiction divine universelle.
Le peuple hébreu à son tour entre dans une alliance, accompagnée de la promesse du don de la terre de Canaan. La part d’engagement requise de la part du peuple, est d’observer la loi donnée par l’intermédiaire de Moïse, dans laquelle le judaïsme dénombrera 613 commandements (dénombrement classé par Maimonide au XIIe).
La dynastie issue du second roi d’Israël, David, est garantie par la promesse divine d’une perpétuité de son trône, en proximité du symbole du Temple et de son emplacement à Jérusalem.
La menace d’invasion qui débouche sur la destruction du Temple, la rupture de la succession dynastique de la monarchie davidique et la déportation du peuple, s’accompagnent de la promesse prophétique d’une nouvelle alliance dont les textes néo-testamentaires se réclameront pour désigner l’origine divine du tournant christique, scellant l’alliance (jouant de la connotation du mot grec signifiant aussi «testament») dans la mort et la résurrection de Jésus, d’où naît un peuple, issu de juifs et non-juifs, élargissant ainsi l’alliance aux nations.
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Le problème qui se pose est de savoir si cette « nouvelle alliance », ou « nouveau testament » est une autre alliance que celle qui est scellée avec Israël ou si c’est la même, nouvelle alors au sens de « renouvelée », ce que semblerait pouvoir induire la promesse prophétique d’une « nouvelle alliance » dont se réclament les textes néo-testamentaires : la même alliance « inscrite dans les cœurs »…
Le christianisme ancien a très vite opté pour la lecture voulant qu’il s’agisse d’une autre alliance, qui quoique forte d’analogies avec la première, celle d’Israël, fait de celle-ci une «ancienne alliance». Dans cette perspective, la nouvelle alliance tendra rapidement à se substituer à l’ancienne, à l’accomplir, selon une lecture particulière du propos de Jésus « Je suis venu accomplir et non abolir » -accomplissement se concrétisant en une abolition de fait !
C’est Calvin qui remet le plus nettement en question cette lecture, lui préférant l’idée d’une alliance renouvelée, et devenant en cela précurseur. Pour lui, Dieu nous assure de son élection par la seule foi qu’il est fidèle à sa promesse1. L’alliance, unique, nous précède, remontant avant la fondation du monde dans la promesse du Dieu éternel, et scellée dans le temps bien avant nous. Scellée avec Abraham. Unique, même si elle apparaît diverse : « l’Alliance faite avec les Pères anciens est si semblable à la nôtre, qu’on la peut dire une même avec elle. Seulement elle diffère en l’ordre d’être dispensée. »
Voilà qui potentiellement induit la pérennité de l’alliance avec Israël, pérennité qui au fond atteste celle qui vaut pour les chrétiens. L’alliance, déjà scellée par Dieu avec Abraham, Isaac et Jacob, avec Moïse et le peuple au Sinaï, n’est pas résiliable. Dieu lui-même s’est engagé ! L’Alliance conclue par Dieu avec les Pères n’ayant « pas été fondée sur leurs mérites mais sur sa seule miséricorde ». Dieu s’est engagé de façon irrévocable, de telle sorte qu’une révocation serait même contradictoire en christianisme, puisque la «nouvelle» alliance -«nouvelle» donc non pas parce qu’elle serait autre, mais en tant qu’alliance unique renouvelée ; la «nouvelle» alliance repose sur cette même fidélité de Dieu ! On peut même dire que la promesse ne vaut pour les chrétiens que si elle vaut pour les juifs.
Ici les formes que prend cette unique alliance sont secondes par rapport au lien scellé en la promesse de Dieu, qui transcende les signes (rites et sacrements) où elle nous est annoncée, que ce soient les signes propres au judaïsme, ou ceux du christianisme.
Malgré cela, une lecture du sens de cette unique alliance a pu se faire jour, qui tend à rejoindre l’idée de substitution par l’affirmation d’une sorte d’évolution rituelle, relative à l’idée de progression de la révélation de cette unique alliance jusqu’en Jésus Christ. Les rites issus de la révélation du Christ sont alors ceux auxquels tous devraient se plier : une subtile façon de substitution peut donc se réintroduire.
Une autre approche est aussi apparue, qui souligne la différence des rites comme partie intégrante d’une alliance. Se développera alors un courant qui deviendra par la suite le « dispensationalisme », qui consiste à penser que Dieu a scellé avec les humains une série d’alliances signifiées par les diverses façons dont elles sont dispensées, les diverses «dispensations». Les tenants de cette approche en dénombrent le plus souvent sept, percevant des alliances/dispensations distinctes « en amont » dès le Paradis (avant, puis après le péché d’Adam), et « en aval » le Royaume de Dieu.
Ce courant qui est héritier de Calvin sur le point de l’alliance, alors qu’il s’en sépare pour le reste, estime que les diverses dispensations ne sont pas caduques, non plus que leurs caractéristiques rituelles propres. La dispensation/alliance avec Israël n’est pas abolie par celle qui se déploie en parallèle avec l’Église. La majorité des dispensationalistes n’en espèrent pas moins une rejonction finale par la conversion d’Israël à la foi du Christ.
On a toutefois, avec ces deux traditions protestantes, alliance unique ou dispensations multiples, la possibilité de concevoir une autre approche que celle, plus traditionnelle, qui consiste à dire que l’alliance avec l’Église « accomplit »la première alliance avec Israël.
Ces deux approches ont sans doute joué un rôle, fut-il discret, dans les nouvelles façons de poser la question des rapports du christianisme) avec le judaïsme, en ce qui concerne la notion d’alliance.