Préface pour Vincent Paul Toccoli, Cybe.rm@n, Bénévent 2008
de Michel Volle, 28 janvier 2008 :
« Toccoli est conscient de la nouveauté que représente le cyberespace (que je préfère nommer "espace logique"). Il perçoit les possibilités et les dangers auxquels nous confronte ce continent nouveau situé non dans l’espace géographique, comme autrefois l’Amérique et l’Australie, mais dans l’espace mental, et que nous explorons non avec notre corps mais avec notre cerveau.
Nous y jouissons de l’ubiquité (la localisation des serveurs est indifférente) mais y rencontrons une "distance" : nous sommes d’autant plus proches d’un document qu’il nous intéresse davantage ou, ce qui revient au même, qu’il nous est plus intelligible ; des documents sont proches s’ils intéressent les mêmes lecteurs, des lecteurs sont proches s’ils s’intéressent aux mêmes documents.
Le téléphone mobile étant désormais un ordinateur, l’ubiquité est devenue totale : notre corps est lui-même informatisé. L’accès aux ressources n’étant plus conditionné par la proximité du poste de travail, le cerveau peut être connecté en permanence.
Cela pose des questions de savoir-vivre. Il faut savoir se déconnecter ; il faut trier dans l’abondance des ressources ; comme on peut écrire sur le Web avec les blogs, il faut maîtriser son expression ; l’art de la consommation électronique requiert un savoir-faire spécifique etc.
*
[...] L’espace logique est une opportunité et un défi. Il n’est pas facile [...] de se couler dans le relief du continent nouveau. Le baliser [...] demandera du temps. Des prédateurs, plus agiles, [...] précèdent : les pornographes seront toujours les premiers qui sachent utiliser un nouveau média.
Nous ne sommes cependant pas désarmés : l’histoire abonde en précédents qui aident à circonscrire cette émergence.
Si l’informatique procure de nouvelles prothèses (téléphone mobile, RFID, moteurs de recherche etc.) les lunettes, que nous utilisons depuis des siècles, ne sont pas des prothèses négligeables, ni le microscope et le télescope. L’automobile fournit une prothèse pour nos jambes, l’avion une prothèse pour les ailes que nous n’avons pas.
Au lieu de s’effrayer devant la perspective d’une "fabrication de l’être humain" par la technique, il convient de méditer l’exemple de ces "fabrications" anciennes, auxquelles nous sommes habitués, pour dégager les critères qui sépareront le raisonnable de l’abusif.
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Depuis son émergence homo sapiens s’est donné pour but de graver dans le monde l’image des valeurs qui animent sa volonté : l’"homme nouveau" est donc une chimère, mais homo sapiens doit ruser avec les obstacles et outils toujours renouvelés que les institutions opposent et proposent à son action. »
Pink Floyd, Brain Damage Eclipse
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