Matthieu 25, 31-46
Derrière cette parabole très connue, il y a la mémoire de d’exil et de la façon dont les choses se passent tandis que Dieu ramène à lui ses brebis exilées, humiliées, maltraitées.
Les deux réalités : le départ pour l’exil (exil historique après les invasions des Empires de l'Antiquité, mais par dessus tout exil spirituel, loin de Dieu), puis le retour — c’est-à-dire le repentir —, donnent les deux faces d’un jugement, d’une séparation. C’est ce que souligne notre parabole qui retient cette dimension spirituelle : exil loin de Dieu — et qui l’étend aux nations. L’exil a dévoilé qu’il y a des enfants d’Israël dispersés et cachés dans toutes les nations — déjà avec l’exil des dix tribus, selon la Bible dissoutes, invisibles parmi les nations, suite à la chute de Samarie en 722 av. JC, exil auquel renvoie le texte d'Ésaïe 1 proposé à nos lectures d'aujourd'hui.
Là où les anciens prophètes parlaient de l’Israël historique, Jésus parle à présent des nations, pour dire la venue du règne de Dieu sur l’univers, sur toutes les nations.
L’appel, concernant toutes les nations, vaut aussi pour tous les temps. Où l’on retrouve le « veillez », donné quelques versets avant (v. 13), concernant alors non seulement le temps (« vous ne savez ni le jour ni l’heure » - v. 13), mais concernant aussi le « comment ? » : sous quelle forme ? — : sous quelle figure le Fils de l’Homme se présente-t-il avant de se dévoiler ?
Nous ne savions pas que c’était sous cette figure-là, diront les justes ! On pense à Martin, devenu ermite de Ligugé, puis plus tard Martin de Tours, qui encore soldat ne savait pas qu’il partageait son manteau avec le Christ lorsqu’il le partageait avec un misérable (cela lui est révélé après).
« Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde ». Dans l’immédiat, ce Christ caché, le Fils de l’Homme, peut l’être dans les premiers disciples persécutés, les témoins du Christ, porteurs du Christ dispersés, cachés et persécutés parmi les nations. Mais l’ignorance d’avoir accueilli Jésus (qui s’adresse ici à des croyants) nous contraint à entendre cela de façon plus large. Il est vraiment caché. Frappante, cette ignorance !
Le service du Christ caché peut être rendu par quiconque, comme l’induit le texte, même non-croyant — mieux : les justes ne sont pas conscients de l’être.
Où la spécificité des lecteurs de ce texte que nous sommes, spécificité remarquable ! — : nous sommes avertis, nous savons où peut se cacher le Fils de l’Homme — a des allures de privilège, certes, mais a aussi quelque chose de redoutable, sachant que ce qui caractérise le juste est précisément de ne pas savoir l’être ! « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire ?, etc. » (v. 37-39).
Allons donc un peu plus loin. Parce que jusque là, tout cela reste à la fois théorique et, au fond, culpabilisant. Théorique parce que l’on ne perçoit pas forcément jusqu’où mène cet accueil de quiconque en qui se cache le Christ. Culpabilisant parce qu’on perçoit vite, pour ne pas dire immédiatement, qu’on n’en a évidemment pas fait assez !
La progression dans le propos de Jésus le laisse bien apparaître : « j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi. »
On passe d’un besoin élémentaire : un sandwich (j'ai eu faim), à des zones autrement inquiétantes. Et on comprend que ce n’est pas seulement de quelques euros, ni de nourriture, vêtements, abri, ou visite qu’il est question. Voilà une exigence divine d’empathie qui risque d’engager finalement tout l’être ! L’empathie exige de nous une sorte d’au-delà du raisonnable, dans un engagement entier (comme l’exil, souligné par l’exil géographique, est une réalité bien plus profonde, un désert intérieur).
Quand on sait que le signe énorme qui est dans le « c’est à moi que vous l’avez fait » est l’établissement en dignité absolue, l’établissement du prochain au statut de fils ou fille de Dieu (la tradition juive a une histoire parallèle concernant les femmes, à accueillir toutes comme la mère possible du Messie)… Quand on sait que c’est de cette dignité-là qu’il est question, s’est creusée une vaste question !… Qui ressemble fort à un jugement des nations !
Où il apparaît que les paroles qui suivent : « c’est à moi que vous ne l’avez pas fait », portent aussi — avec ce qu’elles exigent — la marque de l'inaccomplissement de ces exigences ; et c’est terrible. C’est ici que doit d’abord nous conduire ce texte, sous peine d’être ou un passage vers une fausse bonne conscience de qui penserait avoir assez fait (*), celle d’un orgueil inconscient ; ou au contraire un vrai poids : « Malheur à moi car je suis perdu : j’ai vu les exigences de Dieu, et je n’y ai pas satisfait. » Vous avez reconnu l'allusion au prophète Ésaïe (ch. 6).
Si on en est là, le texte a déjà accompli un de ses offices : nous conduire à la grâce. Ésaïe poursuit : alors l’ange prit une braise sur l’autel, « il m’en toucha la bouche et dit : "dès lors que ceci a touché tes lèvres, ta faute est écartée, ton péché est effacé" » ; une grâce qui n’est pas à bon marché, une grâce qui engage ; qui engage les nations, dont la nôtre, à faire ce que jusque là nous n'avons pas fait, ou mal fait, recourant pour cela encore à la grâce. Quand on en est là, on n’a bien sûr pas résolu la question humaine concrète sur laquelle débouche ce texte.
Pas plus que vous, je n’ai de recette, mais force est de constater que l’heure est là, tout proche, redoutable, l’heure de hurler notre impuissance devant Dieu. Où l’on entend tout à nouveau ces Psaumes chargés d’imprécations, tournant contre nous (comme ici en Mt 25, v. 46, parlant de châtiment éternel !), qui troublent tant notre paix et que le Christ a pourtant priés — c’était ses prières !
Car avec son exigence de dignité, d’élévation au statut d’enfant de Dieu de quiconque, en qui se cache le Christ, notre texte a posé l’espérance urgente d’un autre monde, avec pour fondement l’amour, concret, du prochain, victime de toutes les violences et oppressions — « j’ai entendu la voix des opprimés » dit Dieu au livre de l’Exode ; où l’exigence d’une Cité nouvelle, déjà, en signe, se dessine pour les disciples (cf. Ps 33).
Que nous dit alors l’Évangile de cette semaine de l'Unité ? Il nous dit que si, certes, « vous aurez toujours les pauvres avec vous » (Mc 14, 7), tous les humiliés, toutes les victimes du racisme et de tous les mépris, et on en voit tous les jours tout le tragique, ce dont il s’agit, c’est au fond d’une dignité perdue par tous, perdue déjà, sans doute, aux portes de l’Éden, premier exil, portes fermées par l’Ange à l’épée flamboyante, dignité rétablie pleinement dans le Christ ressuscité (1 Corinthiens 15, 20-28)… Cachée en chacun des plus petits de ses frères et sœurs, en chacune et chacun de nous, de vous, de celles et ceux que nous côtoyons, quelle que soit son Église, son culte, ou absence de culte — est sa présence aimante, propre à engloutir nos peurs, en son temps, ce temps tout proche, déjà là : « n’ayez crainte, je suis tout proche ».
(*) Ésaïe 1, 12-18
31 Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, accompagné de tous les anges, alors il siégera sur son trône de gloire.
32 Devant lui seront rassemblées toutes les nations, et il séparera les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs.
33 Il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche.
34 Alors le roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde.
35 Car j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ;
36 nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi.
37 Alors les justes lui répondront : Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire ?
38 Quand nous est-il arrivé de te voir étranger et de te recueillir, nu et de te vêtir ?
39 Quand nous est-il arrivé de te voir malade ou en prison, et de venir à toi ?
40 Et le roi leur répondra : En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait !
41 Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : Allez-vous-en loin de moi, maudits, au feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges.
42 Car j’ai eu faim et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’ai eu soif et vous ne m’avez pas donné à boire ;
43 j’étais un étranger et vous ne m’avez pas recueilli ; nu, et vous ne m’avez pas vêtu ; malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.
44 Alors eux aussi répondront : Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé ou assoiffé, étranger ou nu, malade ou en prison, sans venir t’assister ?
45 Alors il leur répondra : En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, à moi non plus vous ne l’avez pas fait.
46 Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes à la vie éternelle.
*
Derrière cette parabole très connue, il y a la mémoire de d’exil et de la façon dont les choses se passent tandis que Dieu ramène à lui ses brebis exilées, humiliées, maltraitées.
Les deux réalités : le départ pour l’exil (exil historique après les invasions des Empires de l'Antiquité, mais par dessus tout exil spirituel, loin de Dieu), puis le retour — c’est-à-dire le repentir —, donnent les deux faces d’un jugement, d’une séparation. C’est ce que souligne notre parabole qui retient cette dimension spirituelle : exil loin de Dieu — et qui l’étend aux nations. L’exil a dévoilé qu’il y a des enfants d’Israël dispersés et cachés dans toutes les nations — déjà avec l’exil des dix tribus, selon la Bible dissoutes, invisibles parmi les nations, suite à la chute de Samarie en 722 av. JC, exil auquel renvoie le texte d'Ésaïe 1 proposé à nos lectures d'aujourd'hui.
Là où les anciens prophètes parlaient de l’Israël historique, Jésus parle à présent des nations, pour dire la venue du règne de Dieu sur l’univers, sur toutes les nations.
*
L’appel, concernant toutes les nations, vaut aussi pour tous les temps. Où l’on retrouve le « veillez », donné quelques versets avant (v. 13), concernant alors non seulement le temps (« vous ne savez ni le jour ni l’heure » - v. 13), mais concernant aussi le « comment ? » : sous quelle forme ? — : sous quelle figure le Fils de l’Homme se présente-t-il avant de se dévoiler ?
Nous ne savions pas que c’était sous cette figure-là, diront les justes ! On pense à Martin, devenu ermite de Ligugé, puis plus tard Martin de Tours, qui encore soldat ne savait pas qu’il partageait son manteau avec le Christ lorsqu’il le partageait avec un misérable (cela lui est révélé après).
« Venez, les bénis de mon Père, recevez en partage le Royaume qui a été préparé pour vous depuis la fondation du monde ». Dans l’immédiat, ce Christ caché, le Fils de l’Homme, peut l’être dans les premiers disciples persécutés, les témoins du Christ, porteurs du Christ dispersés, cachés et persécutés parmi les nations. Mais l’ignorance d’avoir accueilli Jésus (qui s’adresse ici à des croyants) nous contraint à entendre cela de façon plus large. Il est vraiment caché. Frappante, cette ignorance !
Le service du Christ caché peut être rendu par quiconque, comme l’induit le texte, même non-croyant — mieux : les justes ne sont pas conscients de l’être.
Où la spécificité des lecteurs de ce texte que nous sommes, spécificité remarquable ! — : nous sommes avertis, nous savons où peut se cacher le Fils de l’Homme — a des allures de privilège, certes, mais a aussi quelque chose de redoutable, sachant que ce qui caractérise le juste est précisément de ne pas savoir l’être ! « Seigneur, quand nous est-il arrivé de te voir affamé et de te nourrir, assoiffé et de te donner à boire ?, etc. » (v. 37-39).
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Allons donc un peu plus loin. Parce que jusque là, tout cela reste à la fois théorique et, au fond, culpabilisant. Théorique parce que l’on ne perçoit pas forcément jusqu’où mène cet accueil de quiconque en qui se cache le Christ. Culpabilisant parce qu’on perçoit vite, pour ne pas dire immédiatement, qu’on n’en a évidemment pas fait assez !
La progression dans le propos de Jésus le laisse bien apparaître : « j’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et vous m’avez recueilli ; nu, et vous m’avez vêtu ; malade, et vous m’avez visité ; en prison, et vous êtes venus à moi. »
On passe d’un besoin élémentaire : un sandwich (j'ai eu faim), à des zones autrement inquiétantes. Et on comprend que ce n’est pas seulement de quelques euros, ni de nourriture, vêtements, abri, ou visite qu’il est question. Voilà une exigence divine d’empathie qui risque d’engager finalement tout l’être ! L’empathie exige de nous une sorte d’au-delà du raisonnable, dans un engagement entier (comme l’exil, souligné par l’exil géographique, est une réalité bien plus profonde, un désert intérieur).
Quand on sait que le signe énorme qui est dans le « c’est à moi que vous l’avez fait » est l’établissement en dignité absolue, l’établissement du prochain au statut de fils ou fille de Dieu (la tradition juive a une histoire parallèle concernant les femmes, à accueillir toutes comme la mère possible du Messie)… Quand on sait que c’est de cette dignité-là qu’il est question, s’est creusée une vaste question !… Qui ressemble fort à un jugement des nations !
* * *
Où il apparaît que les paroles qui suivent : « c’est à moi que vous ne l’avez pas fait », portent aussi — avec ce qu’elles exigent — la marque de l'inaccomplissement de ces exigences ; et c’est terrible. C’est ici que doit d’abord nous conduire ce texte, sous peine d’être ou un passage vers une fausse bonne conscience de qui penserait avoir assez fait (*), celle d’un orgueil inconscient ; ou au contraire un vrai poids : « Malheur à moi car je suis perdu : j’ai vu les exigences de Dieu, et je n’y ai pas satisfait. » Vous avez reconnu l'allusion au prophète Ésaïe (ch. 6).
Si on en est là, le texte a déjà accompli un de ses offices : nous conduire à la grâce. Ésaïe poursuit : alors l’ange prit une braise sur l’autel, « il m’en toucha la bouche et dit : "dès lors que ceci a touché tes lèvres, ta faute est écartée, ton péché est effacé" » ; une grâce qui n’est pas à bon marché, une grâce qui engage ; qui engage les nations, dont la nôtre, à faire ce que jusque là nous n'avons pas fait, ou mal fait, recourant pour cela encore à la grâce. Quand on en est là, on n’a bien sûr pas résolu la question humaine concrète sur laquelle débouche ce texte.
Pas plus que vous, je n’ai de recette, mais force est de constater que l’heure est là, tout proche, redoutable, l’heure de hurler notre impuissance devant Dieu. Où l’on entend tout à nouveau ces Psaumes chargés d’imprécations, tournant contre nous (comme ici en Mt 25, v. 46, parlant de châtiment éternel !), qui troublent tant notre paix et que le Christ a pourtant priés — c’était ses prières !
Car avec son exigence de dignité, d’élévation au statut d’enfant de Dieu de quiconque, en qui se cache le Christ, notre texte a posé l’espérance urgente d’un autre monde, avec pour fondement l’amour, concret, du prochain, victime de toutes les violences et oppressions — « j’ai entendu la voix des opprimés » dit Dieu au livre de l’Exode ; où l’exigence d’une Cité nouvelle, déjà, en signe, se dessine pour les disciples (cf. Ps 33).
Que nous dit alors l’Évangile de cette semaine de l'Unité ? Il nous dit que si, certes, « vous aurez toujours les pauvres avec vous » (Mc 14, 7), tous les humiliés, toutes les victimes du racisme et de tous les mépris, et on en voit tous les jours tout le tragique, ce dont il s’agit, c’est au fond d’une dignité perdue par tous, perdue déjà, sans doute, aux portes de l’Éden, premier exil, portes fermées par l’Ange à l’épée flamboyante, dignité rétablie pleinement dans le Christ ressuscité (1 Corinthiens 15, 20-28)… Cachée en chacun des plus petits de ses frères et sœurs, en chacune et chacun de nous, de vous, de celles et ceux que nous côtoyons, quelle que soit son Église, son culte, ou absence de culte — est sa présence aimante, propre à engloutir nos peurs, en son temps, ce temps tout proche, déjà là : « n’ayez crainte, je suis tout proche ».
RP, 24.01.23, Châtellerault,
Prédication (format imprimable)
Semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens
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Semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens
(*) Ésaïe 1, 12-18
Quand vous venez vous présenter devant moi, Qui vous demande de souiller mes parvis ?
Cessez d’apporter de vaines offrandes : J’ai en horreur l’encens, Les nouvelles lunes, les solennités et les assemblées ; Je ne puis voir le crime s’associer aux solennités.
Mon âme hait vos nouvelles lunes et vos fêtes ; Elles me sont à charge ; Je suis las de les supporter.
Quand vous étendez vos mains, je détourne de vous mes yeux ; Quand vous multipliez les prières, je n’écoute pas : Vos mains sont pleines de sang.
Lavez-vous, purifiez-vous, Ôtez de devant mes yeux la méchanceté de vos actions ; Cessez de faire le mal.
Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, Protégez l’opprimé ; Faites droit à l’orphelin, Défendez la veuve.
Venez et plaidons ! dit l’Éternel. Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige ; S’ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine.