<script src="//s1.wordpress.com/wp-content/plugins/snow/snowstorm.js?ver=3" type="text/javascript"></script> Un autre aspect…: novembre 2018

dimanche 18 novembre 2018

Martin Luther King | MLK 50 ans après





« Quand nous-mêmes, quand même un ange du ciel vous annoncerait un autre Évangile que celui que nous vous avons prêché, qu’il soit rejeté ! » (Galates 1, 8) – i.e. pas besoin d’être infaillible, ni pour Paul, ni pour M.-L. King, (ni pour David – cf. Bathshéva) pour que le message donné soit vrai !

Pas besoin donc non plus pour MLK de se laisser égarer en répondant aux calomnies. Cf. Mt 5, 11-12 & Lc 6, 22-23 : « Heureux serez-vous, lorsqu’on vous outragera, qu’on vous persécutera et qu’on dira faussement de vous toute sorte de mal, à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux ; car c’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui ont été avant vous. » – Lc 21, 14 : « Mettez-vous donc dans l’esprit de ne pas préparer votre défense »…

Face au FBI et à son directeur J. Edgar Hoover : « le FBI commence à enquêter sur MLK et la Southern Christian Leadership Conference (SCLC, “Conférence des leaders chrétiens du Sud” – créée en 1957) en 1961.
« [Il s’agit d’abord d’une] tentative de prouver que Martin Luther King est communiste [, tentative qui] doit beaucoup à ce que nombre de ségrégationnistes croient que les Noirs du sud étaient jusqu’ici heureux de leur sort, mais qu’ils sont manipulés par des “communistes” et des “agitateurs étrangers”.
« Comme rien n’avait pu être trouvé politiquement contre lui, les objectifs et les enquêtes du FBI changèrent en des tentatives de le discréditer au travers de sa vie privée. L’agence tenta de prouver qu’il était un mari infidèle. » (Wiki)

Il suffit d’entendre quelques citations de tapuscrits du FBI pour savoir qu’il n’y a là rien de crédible : On y lit ainsi, par exemple – tout cela en dit plus sur Hoover que sur MLK ! –, parlant des rencontres de la SCLC, qu’ « un pasteur nègre présent a exprimé plus tard son dégoût de la boisson, de la fornication et de l’homosexualité qui ont eu lieu dans les coulisses, lors de la conférence.
« Plusieurs prostituées nègres et blanches ont été amenées de la région de Miami. Une orgie qui a duré toute la nuit a été organisée avec ces prostituées et certains des délégués présents […]. (&#8230;) une chambre disposait d&#8217;une grande table remplie de whisky. Les deux prostituées nègres ont été payées 50 $ pour se livrer à un spectacle sexuel pour le divertissement des invités. Une variété d&#8217;actes sexuels déviant de la normale ont été observés.&#160;&#187;<br /> &#171; Dès janvier 1964, King se livrait à une autre orgie de 2 jours à Washington, D.C. Beaucoup de personnes présentes se livraient à des actes sexuels aussi bien naturels que non-naturels, pour divertir les spectateurs. Quand l&#8217;une des femmes a refusé de s&#8217;engager dans un acte contre nature, King&#8230; a discuté de la façon dont elle devait être enseignée et initiée à cet égard&#160;&#187;
« Tout au long des années qui ont suivi et jusqu’à cette date, King a continué à poursuivre ses aberrations sexuelles secrètement tout en se montrant à la vue du public comme un chef moral de conviction religieuse. »

On lit aussi dans ce fameux rapport qu’ « un nègre éminent qui est lié par la loi à la maîtresse de King », a traité MLK d’ « hypocrite » : « On a appris en février 1968, par un individu digne de confiance de Los Angeles en mesure de le savoir, que King a eu une relation amoureuse illicite avec la femme d’un dentiste noir de premier plan de Los Angeles, en Californie, depuis 1962. Il pense que King a engendré une petite fille née de cette femme dans la mesure où son mari est prétendument stérile. » […]<br /> &#171; L&#8217;enfant ressemble beaucoup à King et King contribue au soutien de cet enfant. Il appelle cette femme tous les mercredis et la rencontre fréquemment dans différentes villes du pays.&#160;&#187;<br /> &#171; Le nègre éminent qui a fourni l&#8217;information a dit qu&#8217;il était horrifié qu&#8217;un homme au caractère grossier comme King puisse causer tant de problème aux nègres et au gouvernement&#160;&#187;. <br /> &#171; Comme on peut le voir plus haut, c&#8217;est un fait que King se livre non seulement régulièrement à des actes adultères, mais jouit de l&#8217;anormal en s&#8217;engageant dans des orgies sexuelles en groupe.&#160;&#187;

Bref, cf. Goebbels ou du bon usage du proverbe sur la fumée sans feu : « calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose », sous prétexte qu’ « il n’y a pas de fumée sans feu », et qu’il est donc inutile de chercher à quel incendiaire profite la fumée !… quand l’incendiaire parvient jusqu'à instiller le doute même parmi des très proches de MLK.

Ce qui en ressort concernant MLK : il suffit de savoir ce qu’est une pastorale (la SCLC en est une) pour mesurer le délire – délire raciste en l’occurrence (cf. infra) ! Pour le reste, rien. Ni preuve, ni a fortiori de flagrant délit. Que des rumeurs, des interprétations de rumeurs et de propos sans preuves vérifiables. Résumé Wiki : « Les enregistrements, certains rendus publics depuis, n’apportèrent rien de concluant et aucune preuve ne put être apportée sur les infidélités supposées de Martin Luther King, malgré les remarques de certains officiels tel le président Johnson qui avait dit qu’il était un “prêcheur hypocrite”. Des livres paraissent dans les années 1980 à ce sujet mais aucun ne put avancer les preuves d’une quelconque infidélité. »

Cf. Coretta Scott King, pour qui ce n&#8217;était que vendetta de feu J. Edgar Hoover.  : « “Le FBI a tout essayé, et Martin et moi en avons parlé. Très tôt, il a dit : ‘La plupart des gens sont vulnérables quand il s’agit d’argent et de sexe. Ce sont les deux choses dont ils essaient de vous charger.’ Quand il s’agissait d’argent, Martin faisait très attention à la comptabilité et à la façon dont il utilisait les fonds [mais on l’a aussi mis en prison pour fraude fiscale imaginaire, puis acquitté]. Les gens lui ont dit que s’ils ne pouvaient rien trouver, ils essaieraient de le coincer.”
Elle dit avoir reçu une fois un enregistrement non marqué, prétendument du Dr. King dans une situation compromettante. “Eh bien, je ne pouvais pas faire grand-chose, c’était juste beaucoup de charabia.” Riant, Coretta dit : “Si c’était tout ce que Hoover avait, il n’avait rien.”
Pourtant, Coretta King insiste : cette campagne pour discréditer et même dénigrer son mari a laissé de profondes cicatrices. Elle croit fermement que le meurtre de son mari en 1968 faisait partie d’une conspiration. “Je ne peux pas prouver qui l’a fait”, admet-elle, “mais je sais que cela ne vient pas d’un seul homme. Avec tout ce qui s’est passé au sujet du FBI, c’est tellement clair.” »
(Interview par Joyce Leviton, 20 Fév. 1978)


Chronologie


Arrière-plan

Atlanta : naissance dans une famille pastorale. À Atlanta toujours (Morehouse College), puis Pennsylvanie (Crozer Seminary) et Boston : études de théologie et philosophie qui dès Morehouse le convainquent d’être pasteur, malgré ses fortes réticences de départ.

Thèse de doctorat : A Comparison of the Conception of God in the Thinking of Paul Tillich and Henry Nelson Wieman.
MLK se sépare, dans sa thèse de doctorat, de Tillich et Wieman, pour se rattacher à l’ « idéalisme personnaliste ». Ni idéalisme d’une transcendance impersonnelle, ni processus immanent, impersonnel aussi – ni par ailleurs matérialisme de l’hégélianisme marxiste. MLK retient de Hegel, dont il se réclame, le processus dialectique, pour lui notamment comme méthode de réconciliation des contraires, processus dont il pense que la personne est le sens, personne dont Dieu est le fondement, aussi personnel ; il rejette aussi l’athéisme de Marx ; il en retient l’apport au christianisme social reçu chez Walter Rauschenbusch, ou Reinhold Niebuhr, outre les militants William E. B. Du Bois et A. Philip Randolph. (Hoover aurait-il pu, s’il avait suffisamment compris cela, faire flèche de ce bois-là dans son accusation de communisme ?)
L’idéalisme personnaliste rejoint la conviction de la valeur infinie de chaque personne, image de Dieu, notion déjà enseignée par sa mère lors de son premier choc racial à l’âge de 6 ans : « ne doute jamais de ta valeur ». L’idéalisme personnaliste, la personne comme sens du processus dialectique de la Création, évoque aussi la formule talmudique : « celui qui tue un homme détruit le monde entier, celui qui sauve un homme sauve le monde entier. » Référence aussi, chez MLK, à Thomas d'Aquin. Pensons aussi par ailleurs au prénom de MLK, hérité du changement de prénom de son père (d’abord Michael) suite à sa découverte, en Allemagne, de la figure de Martin Luther. Pensons au cœur du message du réformateur : « coram Deo sola fide vivere ». Dignité de chacun devant Dieu, dont la prise au sérieux a déjà joué un rôle dans l’abolition de l’esclavage un siècle avant MLK.
Son combat sera donc mené dans le cadre de la non-violence évangélique du Sermon sur la Montagne, appliqué selon la méthode de Gandhi, avec en amont aussi Henry Thoreau et sa philosophie de la désobéissance civile.


1) Montgomery ("Lève-toi pour la justice. Et je serai avec toi. Même jusqu'à la fin du monde") 1955

MLK est pasteur à Montgomery depuis un an quand, le 01.12.1955, Rosa Parks refuse de céder sa place dans un bus. MLK sera porte-parole du mouvement de boycott des bus qui au bout d’un an (380 jours) débouche sur la victoire.
Puis à partir de 1960, vu la charge de son combat, il sera pasteur à Atlanta comme adjoint de son père.
Après la victoire de Montgomery, une action à Albany (1961-1962) est vécue comme un échec, n'ayant abouti qu'à un compromis vide. C'est dans ce contexte que James Baldwin écrit La prochaine fois, le feu (1963), pensant à l'option prônée par Malcolm X. Pour MLK, la leçon de l’échec ouvre vers l’action à Birmingham.


2) Birmingham – 03-04.1963

« Je suis présent à Birmingham parce que l’injustice y est présente… Toute loi qui élève la personne humaine est juste. Toute loi qui la dégrade est injuste. Toute loi qui impose la ségrégation est injuste car la ségrégation déforme l'âme et endommage la personnalité. Elle donne à celui qui l'impose un fallacieux sentiment de supériorité et à celui qui la subit un fallacieux sentiment d'infériorité. » (Lettre de prison)

À Birmingham MLK accepte l’emprisonnement (comme part du combat non-violent et prix de la désobéissance civile ; et à l'instar de mille enfants et adolescents qui ont rejoint les manifestations) ; de la prison, il écrit sa lettre restée célèbre – en réponse à 8 ministres du culte de traditions diverses, qui lui demandent d’être patient…

Lettre de prison de Birmingham (extrait) :
« quand vous avez vu des populaces vicieuses lyncher à volonté vos pères et mères, noyer à plaisir vos frères et sœurs ; quand vous avez vu des policiers pleins de haine maudire, frapper, brutaliser et même tuer vos frères et sœurs noirs en toute impunité ; quand vous voyez la grande majorité de vos vingt millions de frères noirs étouffer dans la prison fétide de la pauvreté, au sein d’une société opulente ; quand vous sentez votre langue se nouer et votre voix vous manquer pour tenter d’expliquer à votre petite fille de six ans pourquoi elle ne peut aller au parc d’attractions qui vient de faire l’objet d’une publicité à la télévision ; quand vous voyez les larmes affluer dans ses petits yeux parce qu’un tel parc est fermé aux enfants de couleur ; quand vous voyez les nuages déprimants d’un sentiment d’infériorité se former dans son petit ciel mental ; quand vous la voyez commencer à oblitérer sa petite personnalité en sécrétant inconsciemment une amertume à l’égard des Blancs ; quand vous devez inventer une explication pour votre petit garçon de cinq ans qui vous demande dans son langage pathétique et torturant : “Papa, pourquoi les Blancs sont si méchants avec ceux de couleur ?” ; quand, au cours de vos voyages, vous devez dormir nuit après nuit sur le siège inconfortable de votre voiture parce que aucun motel ne vous acceptera ; quand vous êtes humilié jour après jour par des pancartes narquoises : “Blancs”, “Noirs” ; quand votre prénom est “Nègre” et votre nom “mon garçon » (quel que soit votre âge) ou “John” ; quand votre mère et votre femme ne sont jamais appelées respectueusement “madame” ; quand vous êtes harcelé le jour et hanté la nuit par le fait que vous êtes un nègre, marchant toujours sur la pointe des pieds sans savoir ce qui va vous arriver l’instant d’après, accablé de peur à l’intérieur et de ressentiment à l’extérieur ; quand vous combattez sans cesse le sentiment dévastateur de n’être personne ; alors vous comprenez pourquoi nous trouvons si difficile d’attendre. »

Birmingham (entre autres lieux ; il y a déjà eu nombre d’attentats à Montgomery) sera victime de plusieurs attentats dont celui du 15.09.63 tuant 4 fillettes à l’école du dimanche de l’Église de la 16e rue. Cette haine qui tue des enfants n’a hélas pas perdu son actualité (on pense à l’école juive de Toulouse en 2016). La conviction de MLK, victime lui-même d’attentats à la bombe visant sa maison et sa famille, femme et enfants, est qu’une haine à ce point pathologique, pour ne pas engendrer encore de la haine, ne peut être vaincue que par l’amour. Actualité de son message !, qu’il déploie dans son célèbre discours donné au terme de la marche organisée vers Washington, la même année.


3) Washington (« j’ai un rêve ») – 28.08.1963

« Il y a un siècle de cela, l’esclavage était aboli. Cette proclamation historique faisait, comme un grand phare, briller la lumière de l’espérance aux yeux de millions d’esclaves noirs (“negros” dans l’anglais de MLK) marqués au feu d’une brûlante injustice. Ce fut comme l’aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de leur captivité.
Mais cent ans ont passé et le Noir (“Negro”, donc, dans l’anglais de MLK) n’est pas encore libre. Cent ans ont passé et l’existence du Noir est toujours tristement entravée par les liens de la ségrégation, les chaînes de la discrimination ; cent ans ont passé et le Noir vit encore sur l’île solitaire de la pauvreté, dans un vaste océan de prospérité matérielle ; cent ans ont passé et le Noir languit toujours dans les marges de la société et se trouve en exil dans son propre pays.
C’est pourquoi nous sommes accourus aujourd’hui en ce lieu pour rendre manifeste cette honteuse situation. En ce sens, nous sommes montés à la capitale de notre pays pour toucher un chèque. En traçant les mots magnifiques qui forment notre constitution et notre déclaration d’indépendance, les architectes de notre république signaient une promesse dont héritait chaque Américain. Aux termes de cet engagement, tous les hommes, les Noirs, oui, aussi bien que les Blancs, se verraient garantir leurs droits inaliénables à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur.
Il est aujourd’hui évident que l’Amérique a failli à sa promesse en ce qui concerne ses citoyens de couleur. Au lieu d’honorer son obligation sacrée, l’Amérique a délivré au peuple noir un chèque sans valeur ; un chèque qui est revenu avec la mention “Provisions insuffisantes”. Nous ne pouvons croire qu’il n’y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de la chance en notre pays. Aussi sommes nous venus encaisser ce chèque, un chèque qui nous fournira sur simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité de la justice. […]
Il n’est plus temps de se laisser aller au luxe d’attendre ni de prendre les tranquillisants des demi-mesures. Le moment est maintenant venu de réaliser les promesses de la démocratie ; le moment est venu d’émerger des vallées obscures et désolées de la ségrégation entre Noirs et Blancs pour fouler le sentier ensoleillé de la justice raciale […].
1963 n’est pas une fin mais un commencement. […]
Il n’y aura plus ni repos ni tranquillité tant que le Noir n’aura pas obtenu ses droits de citoyen.
Les tourbillons de la révolte continueront d’ébranler les fondations de notre nation jusqu’au jour où naîtra l’aube brillante de la justice.
Mais il est une chose que je dois dire à mon peuple, debout sur le seuil accueillant qui mène au palais de la justice : en nous assurant notre juste place, ne nous rendons pas coupables d’agissements répréhensibles.
Ne cherchons pas à étancher notre soif de liberté en buvant à la coupe de l’amertume et de la haine. Livrons toujours notre bataille sur les hauts plateaux de la dignité et de la discipline. Il ne faut pas que notre revendication créatrice dégénère en violence physique. […]

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis : même si nous devons affronter des difficultés aujourd’hui et demain, je fais pourtant un rêve. Je rêve que, un jour, notre pays se lèvera et vivra pleinement la véritable réalité de son credo : “Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux.” […] [Cf. Toussaint Louverture et les Haïtiens et la Déclaration de 1789.]

[… Sonne la cloche de la liberté de sorte que] nous puissions hâter la venue du jour où tous les enfants de Dieu, les Noirs et les Blancs, les juifs et les nations, les catholiques et les protestants, pourront se tenir par la main et chanter les paroles du vieux “negro spiritual” : “Libres enfin. Libres enfin. Merci Dieu tout-puissant, nous voilà libres enfin.” »


4) Oslo (prix Nobel) – 10.12.1963

On est au point culminant du succès de MLK, qui débouche sur le prix Nobel de la paix, après qu’il eût été nommé personnalité de l’année par le Time Magazine. Mais lui ne s’en laisse pas conter : il sait profondément sa propre faiblesse et est en proie à de vifs sentiments de culpabilité et d’indignité, selon ce qui n’est que réalisme d’un chrétien méditant le Sermon sur la Montagne et la racine intérieure du péché chez l’homme qui sait avoir « besoin de la grâce divine du pardon. » Expérience similaire chez Paul (cf. Ro 7) : il n’y a pas lieu d’y chercher la trace d’une validation des calomnies de Hoover !


5) Selma (marche vers Montgomery) – 21-25.03.1965

Après ces jours, les choses, en matière de célébrité heureuse, vont se dégrader. Dernier moment décisif de son combat contre la ségrégation dans le Sud (après une action à St. Augustine en Floride), la marche de Selma à Montgomery où il confronte, avec les autres manifestants, une opposition des plus violentes (avec des morts). Combat triomphal avec le vote de la loi qui débloque les obstacles contre la possibilité pratique du vote des noirs. Moment tournant, qui débouche sur une prise de conscience du cœur social et politique du problème – qui voit baisser considérablement la popularité et les soutiens de MLK. Où on est fondé à penser que la déségrégation, déconstruisant des lois racistes à l’horrible portée symbolique, soulageait au fond l’essentiel de l’Amérique.
La mise au jour du fondement social et politique du problème par un MLK qui décide de s’y attaquer de front laisse apparaître une autre paire de manches : ce qui sous-tendait les lois racistes du Sud, et qui n’existe pas dans le Nord, où le racisme est loin d’être inexistant pour autant. Cela se fera à Chicago où MLK choisit par solidarité d’habiter dans un quartier où vivent les noirs les plus pauvres.


6) Chicago (le choix de la pauvreté solidaire) – à partir du 26.01.1966

→ La question sociale

« Il y a beaucoup de choses que notre pays peut et doit faire, si l’on veut que les Noirs accèdent à la sécurité économique. Une des réponses à cet enjeu, il me semble, est le revenu annuel garanti pour tous, et pour toutes les familles de notre pays. Il me semble… que le mouvement des droits civiques doit commencer dès maintenant à s’organiser pour le revenu annuel garanti, commencer à s’organiser dans tout le pays, à mobiliser toutes les forces possibles pour attirer l’attention de notre pays sur ce besoin. Et je crois qu’un tel projet fera beaucoup pour régler les problèmes économiques des Noirs, et ceux que rencontrent tous les pauvres de notre pays. » (M.-L. King, Où allons-nous ? la dernière chance de la démocratie américaine, 1967) – « tous les pauvres », car MLK ne manque pas d’expliquer que les blancs pauvres sont victimes eux aussi du même système d’oppression qui tend à dresser les pauvres les uns contre les autres au prétexte qu’ils n’ont pas la même couleur de peau, origine, etc. ; il est stupide d’y fonder une mythique supériorité des uns sur les autres. « Revenu annuel garanti pour tous ». Cela 20 ans environ après la déclaration universelle des droits de l’homme.

J’en cite l’article 25 : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. » 20 ans environ après cette déclaration, on est donc un peu plus de 20 ans après la défaite du IIIe Reich…


→ L’opposition à la guerre du Vietnam (et la question coloniale ; cf. MLK au Ghana – 1957)

Cf. les termes d’un autre américain pour poser la question de fond que décèle MLK, James Baldwin :

« Toute prétention à une supériorité quelconque, sauf dans le domaine technologique, qu’ont pu entretenir les nations chrétiennes, a, en ce qui me concerne, été réduite à néant par l’existence même du IIIe Reich. Les Blancs furent et sont encore stupéfaits par l’holocauste dont l’Allemagne fut le théâtre. Ils ne savaient pas qu’ils étaient capables de choses pareilles. Mais je doute fort que les Noirs en aient été surpris ; au moins au même degré. Quant à moi, le sort des juifs et l’indifférence du monde à leur égard m’avaient rempli de frayeur. Je ne pouvais m’empêcher, pendant ces pénibles années, de penser que cette indifférence des hommes, au sujet de laquelle j’avais déjà tant appris, était ce à quoi je pouvais m’attendre le jour où les États-Unis décideraient d’assassiner leurs nègres systématiquement au lieu de petit à petit et à l’aveuglette. » (James Baldwin, La prochaine fois, le feu)

*

Cf. avec Aimé Césaire, le parallèle français. Un développement et des mots parfaitement similaires à ceux de MLK quinze ans après :

« Une civilisation qui s’avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte.
Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. […]

« Chaque fois qu’il y a eu au Viêt-nam une tête coupée et un œil crevé et qu’en France on accepte, une fillette violée et qu’en France on accepte, un Malgache supplicié et qu’en France on accepte, il y a un acquis de la civilisation qui pèse de son poids mort, une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend et […] au bout de tous ces traités violés, de tous ces mensonges propagés, de toutes ces expéditions punitives tolérées, de tous ces prisonniers ficelés et “interrogés”, de tous ces patriotes torturés, au bout de cet orgueil racial encouragé, de cette jactance étalée, il y a le poison instillé dans les veines de l’Europe, et le progrès lent, mais sûr, de l’ensauvagement du continent.
Et alors un beau jour, la bourgeoisie est réveillée par un formidable choc en retour : les gestapos s’affairent, les prisons s’emplissent, les tortionnaires inventent, raffinent, discutent autour des chevalets.
On s’étonne, on s’indigne. On dit : “Comme c’est curieux ! Mais, Bah ! C’est le nazisme, ça passera !” Et on attend, et on espère ; et on se tait à soi-même la vérité, que c’est une barbarie, mais la barbarie suprême, celle qui couronne, celle qui résume la quotidienneté des barbaries ; que c’est du nazisme, oui, mais qu’avant d’en être la victime, on en a été le complice ; que ce nazisme-là, on l’a supporté avant de le subir, on l’a absous, on a fermé l’œil là-dessus, on l’a légitimé, parce que, jusque-là, il ne s’était appliqué qu’à des peuples non européens ; que ce nazisme là, on l’a cultivé, on en est responsable, et qu’il sourd, qu’il perce, qu’il goutte, avant de l’engloutir dans ses eaux rougies de toutes les fissures de la civilisation occidentale et chrétienne.
Oui, il vaudrait la peine d’étudier, cliniquement, dans le détail, les démarches d’Hitler et de l’hitlérisme et de révéler au très distingué, très humaniste, très chrétien bourgeois du XXème siècle qu’il porte en lui un Hitler qui s’ignore, qu’Hitler l’habite, qu’Hitler est son démon, que s’il vitupère, c’est par manque de logique, et qu’au fond, ce qu’il ne pardonne pas à Hitler, ce n’est pas le crime en soi, le crime contre l’homme, ce n’est pas l’humiliation de l’homme en soi, c’est […] d’avoir appliqué à l’Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu’ici que les Arabes d’Algérie, les coolies de l’Inde et les nègres d’Afrique.
Et c’est là le grand reproche que j’adresse au pseudo-humanisme : d’avoir trop longtemps rapetissé les droits de l’homme, d’en avoir eu, d’en avoir encore une conception étroite et parcellaire, partielle et partiale et, tout compte fait, sordidement raciste. […]
[Cf. le « rêve » de MLK et la citation de la Déclaration d’Indépendance américaine : “Nous tenons ces vérités pour évidentes par elles-mêmes que tous les hommes sont créés égaux.”]

« […] Au bout de l’humanisme formel et du renoncement philosophique, poursuit Césaire, il y a Hitler.
Et, dès lors, une de ses phrases s’impose à moi : “Nous aspirons, non pas à l’égalité, mais à la domination. Le pays de race étrangère devra redevenir un pays de serfs, de journaliers agricoles ou de travailleurs industriels. Il ne s’agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et d’en faire une loi.”
Cela sonne net, hautain, brutal, et nous installe en pleine sauvagerie hurlante. Mais descendons d’un degré.
Qui parle ? J’ai honte à le dire : c’est l’humaniste occidental, le philosophe “idéaliste”. Qu’il s’appelle Renan, c’est un hasard. Que ce soit tiré d’un livre intitulé : La Réforme intellectuelle et morale, qu’il ait été écrit en France, au lendemain d’une guerre que la France avait voulue du droit contre la force, cela en dit long sur les mœurs bourgeoises.
“La régénération des races inférieures ou abâtardies par les races supérieures est dans l’ordre providentiel de l’humanité. […]”
Hitler ? Rosenberg ? Non, Renan. »
(Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme)

*

Cf. Frantz Fanon – disciple de Césaire ; et dont MLK a connu la pensée (dont il se sépare sur la question de la non-violence) :

« […] Mon professeur de philosophie, d’origine antillaise, […] me le rappelait un jour : “Quand vous entendez dire du mal des Juifs, dressez l’oreille, on parle de vous.” Et je pensais qu’il avait raison universellement, entendant par là que j’étais responsable, dans mon corps et dans mon âme, du sort réservé à mon frère. Depuis lors j’ai compris qu’il voulait tout simplement dire : “un antisémite est forcément négrophobe.” Et il précisait : “Chacun de mes actes engage l’homme. Chacune de mes réticences, de mes lâchetés manifeste l’homme.” » (Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs)

Où l’on doit s’interroger sur la dimension psychopathologique du rapport d’Hoover !

Frantz Fanon poursuit (ibid.) – et son livre date de 1952, soit une quinzaine d’années avant le rapport d’Hoover – : « la négrophobe, écrit-il comme psychiatre, n’est en réalité qu’une partenaire sexuelle putative, – tout comme le négrophobe est un homosexuel refoulé » – remarque troublante quand on sait par ailleurs que ce point, selon plusieurs analystes de son trajet, pourrait concerner cruellement Hoover. Il y aurait peut-être à creuser cet aspect qui, mutatis mutandis, rappelle le film, d’une époque plus récente que les années 60, American Beauty.

Car pour le négrophobe, précise Fanon, « vis-à-vis du nègre, en effet, tout se passe sur le plan génital [Cf. Coretta, <i>Vie </i>p. 135]. […] Sur le plan phénoménologique, il y aurait à étudier une double réalité. [L’antisémite] a peur du Juif à cause de son [supposé] potentiel appropriatif. “Ils” sont partout. Les banques, les bourses, le gouvernement en sont infestés. Ils règnent sur tout. Bientôt le pays leur appartiendra. Ils sont reçus aux concours avant les “vrais” Français. Bientôt ils feront la loi chez nous […]. Les nègres, eux, ont la puissance sexuelle. Pensez donc ! avec la liberté qu’ils ont, en pleine brousse ! Il paraît qu’ils couchent partout, et à tout moment. Ce sont des génitaux. » Tout cela, précise Fanon comme psychiatre, est bien sûr totalement fantasmatique, psychopathologique.

Et cela permet de s’interroger sur le délire du rapport du FBI, que certains, même bienveillants à l’égard de MLK, croient, au moins partiellement, jusqu’aujourd’hui ! Un rapport qui dévoile simplement la négrophobie qui seule peut le rendre crédible (sans quoi non seulement on aurait des preuves, mais le clou négrophobe eût été inévitablement enfoncé plus avant sur ce thème). Un rapport qui en outre met la puce à l’oreille concernant le retournement de l’opinion dans les dernières années de MLK, après que la loi ait enfin consacré la déségrégation et l’accès au vote. Il n’est pas indifférent que l’apogée des calomnies de Hoover date des années 1967-1968, époque de grande impopularité de MLK suite à ses prises de position.

Frantz Fanon encore, citant le psychologue américain Bernard Wolfe : « Depuis le début de l’esclavage, sa culpabilité démocratique et chrétienne en tant que propriétaire d’esclaves, conduisait le Sudiste à définir le Noir comme une bête, un Africain inaltérable dont le caractère était fixé dans le protoplasma par des gènes “africains”. Si le Noir se voyait assigner les limbes humains, ce n’était pas par l’Amérique mais par l’infériorité constitutionnelle de ses ancêtres de la jungle. »
D’où le soulagement de la déségrégation. N’oublions pas que la ségrégation restait une anomalie démocratique, quinze ans après que les États-Unis aient été à la tête du combat contre le racisme nazi.
Mais cela n’enlève rien à ce que la psychopathologie raciste continue de penser du nègre. Et c’est donc lorsque MLK pousse l’analyse du problème à ses dimensions sociale et coloniale, qu’il subit les plus vives attaques, qu’il perd sa popularité, et qu’il est finalement assassiné. Ce qui nous conduit au dernier lieu de son trajet : Memphis…


7) Memphis – avril 1968

MLK est venu à Memphis soutenir une grève des éboueurs. Le 3 avril, ses dernières paroles publiques évoquent le livre du Deutéronome, ch. 34, v. 1 & 4 : « Moïse monta des plaines de Moab sur le mont Nebo, au sommet du Pisga, vis-à-vis de Jéricho. Et l’Éternel lui fit voir tout le pays […] ; L’Éternel lui dit : C’est là le pays que j’ai juré de donner à Abraham, à Isaac et à Jacob, en disant : Je le donnerai à ta postérité. Je te l’ai fait voir de tes yeux ; mais tu n’y entreras point. ».

« Nous avons devant nous des journées difficiles, dit MLK en fin de sa dernière prédication. Mais peu m’importe ce qui va m’arriver maintenant, car je suis arrivé jusqu’au sommet de la montagne.
Je ne m’inquiète plus. Comme tout le monde, je voudrais vivre longtemps. La longévité a son prix. Mais je ne m’en soucie guère maintenant. Je veux simplement que la volonté de Dieu soit faite.
Et il m’a permis d’atteindre le sommet de la montagne. J’ai regardé autour de moi. Et j’ai vu la Terre promise. Il se peut que je n’y pénètre pas avec vous. Mais je veux vous faire savoir, ce soir, que notre peuple atteindra la Terre promise.
Ainsi je suis heureux, ce soir. Je ne m’inquiète de rien. Je ne crains aucun homme. Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur. » (Extrait/fin du dernier discours de MLK, 3 avril 1968 au soir.)

Le lendemain, 4 avril 1968, Martin Luther King était assassiné… nous laissant le message porté par son combat non-violent, le seul efficace : la haine ne peut être vaincue que par l’amour.


15/01/1929
Naissance de Martin Luther King, Jr., à Atlanta (Géorgie).
25/02/1948
King ordonné pasteur de l’Église baptiste.
10/12/1948
Déclaration universelle des droits de l’homme.
18/06/1953
Épouse Coretta Scott à Marion (Alabama).
17/05/1954
La cour suprême des États-Unis déclare la ségrégation dans les écoles publiques anticonstitutionnelle.
01/09/1954
M.L.K devient pasteur de l’Église baptiste de Dexter Avenue à Montgomery.
01/12/1955
Rosa Parks, couturière noire, refuse de céder sa place à un Blanc dans un bus de Montgomery, comme la loi l’exige. Le contrôleur la fait arrêter pour infraction.
02/12/1955
Mobilisation des Noirs de la ville qui décident de boycotter les bus municipaux. Placent M.L.K. à la tête du mouvement.
05/12/1955
Début du boycott des autobus à Montgomery (durera 382 jours), ainsi que du ministère de M.L.K. en faveur de l’égalité entre Noirs et Blancs
10-11/01/1957
Création de la conférence des dirigeants chrétiens du Sud (S.C.L.C.). M.L.K. en est nommé président.
24/01/1960
M.L.K. s’installe à Atlanta avec sa famille. Il seconde son père comme pasteur à l’Église d’Ebenezer.
15/04/1960
Création du comité de coordination des étudiants non-violents (S.N.C.C.).
12/1961 à 07/1962
Campagne non-violente à Albany.
03-04/1963
Actions non-violentes à Birmingham.
28/08/1963
Marche sur Washington.
"I have a dream" prononcé ce jour là.
22/11/1963
Kennedy assassiné à Dallas (Texas).
02/07/1964
Signature de la loi sur les droits civiques, par le président L.B. Johnson.
10/12/1964
M.L.K. reçoit le prix Nobel de la paix à Oslo.
21/02/1965
Malcolm X assassiné à New York.
21-25/03/1965
Marche de Selma à Montgomery.
06/08/1965
Johnson signe la loi sur le droit de vote.
26/01/1966
M.L.K. s’installe dans le ghetto noir de Chicago.
06/1966
Le slogan "Black Power" utilisé pour la première fois en public.
07/1967
Importantes émeutes raciales dans les villes du Nord.
27/11/1967
M.L.K. annonce que la S.C.L.C. organisera une marche des pauvres, Noirs et Blancs, sur Washington.
04/04/1968
Assassinat de M.L.K. à Memphis.
02/11/1983
Texte de loi selon lequel, dès 1986, le troisième lundi de janvier sera une fête nationale pour commémorer la naissance de Martin Luther-King Jr.


RP, MLK 50 ans après, 18 mai 2018, Poitiers, espace MLK
19 novembre 2018, Niort, Espace saint-Hilaire


samedi 10 novembre 2018

Cathares. Indices convergents – Quelle ascendance ?





1. L’approche : une méthode dans le rapport aux sources qui nous sont parvenues : opter pour un regard sur les sources, quelles qu’elles soient, a priori positif et bienveillant, ce qui ne veut pas dire non-critique ! mais sans suspicion a priori. Méthode basée sur ce que les sources-témoins dont nous disposons sont plus proches des faits que nous ne le sommes – y compris pour les sources polémiques, jusqu’aux plus négatives à l’égard de leur objet. Dans cette perspective le travail critique consiste non pas à nier la valeur des sources, mais à percevoir ce qu’elles laissent transparaître à travers leurs approches respectives et leurs a priori propres – les sources issues directement ou indirectement des concernés étant nécessairement à privilégier. La même méthode vaut tant pour le catharisme que pour tout autre objet, et concernant le catharisme, inscrit dans la tradition chrétienne, pour les textes chrétiens en général, orthodoxes ou hérétiques, ce jusqu’à l’Église primitive et au Nouveau Testament inclus, et aux textes juifs de l’Antiquité jusqu’à la littérature talmudique.
Cette méthode se distingue des méthodes dites « déconstructionnistes » par un refus a priori de disqualifier quelque source que ce soit, des sources néo-testamentaires aux sources médiévales et ultérieures, au motif de leur subjectivité, de leur nature polémique, de leur dispersion ou au contraire de leurs ressemblances (disqualification des sources à la base de la thèse « mythiste » concernant Jésus, induisant de fil en aiguille d’autres « mythisations », dont celle de Paul – cf. Bernard Dubourg et Raoul Vaneighem –, et débouchant invariablement, de fil en aiguille, sur des impasses et contradictions. La disqualification des sources débouche, mutatis mutandis, sur des impasses similaires concernant le fait cathare). Les sources existent comme elles nous sont parvenues, et en tant que telles font apparaître à titre d’indices, fût-ce en négatif ou en contre-jour, la réalité disparue vers laquelle chacune à sa façon, converge.

2. Les cathares ne sont pas manichéens au sens de disciples de Mani : ils ignorent, selon ce que les sources en disent, les textes et les théologies manichéennes (les termes « manichéens », ou l’équivalent « cathares », qui leurs sont appliqués par leurs adversaires, sont typologiques, visant leur dualisme — évoquant, pour les polémistes, Mani).

3. Les cathares ne sont pas marcionites — fût-ce via un paulicianisme (du nom d'un mouvement de l'Orient ancien dont la filiation marcionite n’est d’ailleurs pas démontrée, à défaut de sources qui l’indiqueraient suffisamment) ; paulicianisme dont la filiation avec le catharisme n'est pas démontrée non plus : les citations de l’Ancien Testament (banni par le marcionisme) sont abondantes dans les écrits cathares qui nous sont parvenus. Marcion soutient (ce que ne font pas les cathares) une théologie de la croix se réclamant de Paul mais durcie par rapport à celle de Paul — qui, lui, ne rejette pas l’Ancien Testament, qui à son époque correspond à la Bible tout court ! Pour Marcion, la croix condamne la Loi biblique ; pour Paul « la Loi est sainte » Ro 7, 12 (le mot grec nomos, « loi », traduit chez Paul et déjà dans la LXX, l'hébreu Torah, littéralement « enseignement ») : la croix condamne non pas la Loi, mais son « impuissance » : la « chair la rend sans force » Ro 8, 3. Le cœur de la Loi, l’amour du prochain (Lévitique 19, 18), exemplifié par Jésus — cf. Jean : « aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (cf. Paul Ga 5, 14 ; Ro 13, 8) —, est, pour Paul, scellé dans son impuissance à être pleinement appliqué par lui-même, et par nous : c’est cela que dévoile la croix. Dans les deux cas, Paul et Marcion, la crucifixion a bien eu lieu, elle est centrale ! Ce qui n’est pas « docète » ! Auquel cas ce ne serait cependant pas rédhibitoire concernant la filiation cathare : le sens de l’accusation de « docétisme » portée contre les cathares reste à établir. On peut y voir chez eux la trace d’une christologie haute — fort commune dans le christianisme ancien (l'éveque de Rome Honorius lui-même, au VIIe siècle, s'est rallié à une forme de monophysisme) ; la forme paléochrétienne du rite cathare est en général admise (cf. les trois Rituels conservés) remontant avant son atténuation relativement tardive en Occident.

4. À l’instar de celui des marcionites, le christianisme romain est paulinien : c’est un christianisme anti judéo-chrétien — et substitutionniste (le christianisme remplaçant Israël comme prétendu « verus Israël »). Cela via le « continuisme » de Justin et d’Irénée, avec accomplissement de la Bible hébraïque (donc, en ce sens, assumée par eux) dans le christianisme, via la récupération de la figure de Pierre, par laquelle, dans le cœur paulinien du christianisme romain, s’accomplit la substitution du christianisme au judaïsme. Cela atteint un point d’orgue avec la conversion de Constantin annonçant l’empire théodosien. Dès Constantin les traditions et rites juifs et judéo-chrétiens sont bannis (et les juifs sont persécutés), se voyant substituer une religion chrétienne fondée dans un nouveau rituel romain bâti sur l’héritage paulinien (ce qui ne valide pas pour autant l'hypothèse inverse, voulant des cathares héritiers par exemple des ébionites considérés comme adversaires de Paul… — C'est l'hypothèse de José Dupré, qui s'oppose à celle, marcionite, d'Yves Maris).
Cela n'empêche pas le christianisme, sous quelque forme qu’il se déploie, y compris cathare, d’être pleinement héritier de la réflexion juive sur ses propres livres, à commencer par la Torah et la Bible hébraïque en général, et notamment la réflexion débouchant sur la conception d’un Dieu étranger, au Nom imprononçable, étranger aussi au mal. Cf. 2 Samuel 24, 1 : « La colère de l’Éternel s’enflamma de nouveau contre Israël, et il excita David contre eux, en disant : Va, fais le recensement d’Israël et de Juda. » en regard du récit parallèle en 1 Chroniques 21, 1 : « Satan se dressa contre Israël et il incita David à faire le recensement d'Israël. »

5. La tradition alexandrine apparaît comme une alternative, plus englobante, non substitutionniste mais « transpositionnelle », assumant la riche tradition textuelle (héritée de l’Alexandrin juif Philon) — avec la figure centrale d’Origène (cf. ses Hexaples), développant une théologie ouverte (cf. son De principiis) recevant, de façon critique mais non fermée les apports de plusieurs courants. Origène sera d’abord très influent, offrant la première théologie chrétienne reçue universellement, théologie non-fermée, qui sera progressivement amendée avant d’être rejetée, en 553, au second concile de Constantinople, 5e œcuménique. On retrouve, mutatis mutandis, de larges pans de la pensée origénienne, parfois atténuée, parfois durcie, tant dans le bogomilisme que dans le catharisme — de même que parfois dans l’orthodoxie, tant byzantine que latine. Ce qui n’exclut pas que bogomilisme comme catharisme aient pu parfois recevoir via de possibles contacts, parfois dans le cadre de ce qui a été appelé « solidarité hérétique », des influences autres — pourquoi pas pauliciennes, concernant les bogomiles (via d’éventuelles proximités géographiques pour ces derniers) et donc pour ceux des cathares qui ont indirectement (selon les sources telles qu’elles nous sont parvenues) eu des contacts bogomiles. Et concernant le catharisme, occidental, apparaît (naturellement) l’influence de l’augustinisme, puis de la scolastique aristotélicienne.

6. Le catharisme est héritier d’un christianisme comme religion déjà séparée du judaïsme : Jésus et Paul sont juifs (y compris théologiquement) : l’un comme l’autre, selon ce qu’en indiquent les textes, observent la Torah, à la différence de Marcion et du christianisme romain, byzantin ou latin (y compris, plus tard, protestant)… et des christianismes bogomile et cathare.


RP

Cf. Cathares, indices convergentslire les traces : ici.


mardi 6 novembre 2018

Bach - Cantate BWV 154 / Luc 2, 41-49





Cantate BWV 154
Mein liebster Jesus ist verloren

1er dimanche après l'Épiphanie Luc 2, 41-49
Première exécution 9 janvier 1724 | Texte : Martin Jahn (Mvt. 3 ) ; Luc 2, 49 (Mvt. 5) ; Christian Keymann (Mvt. 8) ; Anonyme (Mvts. 1, 2, 4, 6, 7) ; traduction Guy Laffaille



1. Mein liebster Jesus ist verloren:
O Wort, das mir Verzweiflung bringt,
O Schwert, das durch die Seele dringt,
O Donnerwort in meinen Ohren.

2. Wo treff ich meinen Jesum an,
Wer zeiget mir die Bahn,
Wo meiner Seele brünstiges Verlangen,
Mein Heiland, hingegangen?
Kein Unglück kann mich so empfindlich
rühren,
Als wenn ich Jesum soll verlieren.

3. Jesu, mein Hort und Erretter,
Jesu, meine Zuversicht,
Jesu, starker Schlangentreter,
Jesu, meines Lebens Licht!
Wie verlanget meinem Herzen,
Jesulein, nach dir mit Schmerzen!
Komm, ach komm, ich warte dein,
Komm, o liebstes Jesulein!

4. Jesu, lass dich finden,
Lass doch meine Sünden
Keine dicke Wolken sein,
Wo du dich zum Schrecken
Willst für mich verstecken,
Stelle dich bald wieder ein!

5. Wisset ihr nicht, dass ich sein muss in dem, das meines Vaters ist?

6. Dies ist die Stimme meines Freundes,
Gott Lob und Dank!
Mein Jesu, mein getreuer Hort,
Läßt durch sein Wort
Sich wieder tröstlich hören;
Ich war vor Schmerzen krank,
Der Jammer wollte mir das Mark
In Beinen fast verzehren;
Nun aber wird mein Glaube wieder stark,
Nun bin ich höchst
erfreut;
Denn ich erblicke meiner Seele Wonne,
Den Heiland, meine Sonne,
Der nach betrübter
Trauernacht
Durch seinen Glanz mein Herze fröhlich macht.
Auf, Seele, mache dich bereit!
Du musst zu ihm
In seines Vaters Haus, hin in den
Tempel ziehn;
Da lässt er sich in seinem Wort erblicken,
Da will er dich im Sakrament erquicken;
Doch, willst du würdiglich sein Fleisch und Blut genießen,
So musst du Jesum auch in Buß und Glauben küssen.

7. Wohl mir, Jesus ist gefunden,
Nun bin ich nicht mehr betrübt.
Der, den meine Seele liebt,
Zeigt sich mir
zur frohen Stunden.
Ich will dich, mein Jesu, nun nimmermehr lassen,
Ich will dich im Glauben beständig
umfassen.

8. Meinen Jesum lass ich nicht,
Geh ihm ewig an der Seiten;
Christus lässt mich für und für
Zu den Lebensbächlein leiten.
Selig, wer mit mir so spricht:
Meinen Jesum lass ich nicht.


Mon très cher Jésus est perdu :
O parole qui m'apporte le désespoir,
O épée qui traverse mon âme,
O parole de tonnerre dans mon oreille.

Où vais-je trouver mon Jésus,
Qui me montre le chemin,
Où l'ardent désir de mon âme,
Mon sauveur, est-il allé ?
Aucun malheur ne peut me frapper plus durement,
Que la perte de Jésus.

Jésus, mon trésor et mon rédempteur,
Jésus, ma confiance,
Jésus, puissant écraseur de serpent,
Jésus, lumière de ma vie !
Comme mon cœur se languit,
Petit Jésus, de toi avec chagrin !
Viens, ah viens, je t'attends,
Viens, ô très cher petit Jésus !

Jésus, laisse-moi te trouver,
Ne laisse pas mes péchés
Être de lourds nuages
Où, pour mon horreur,
Tu serais caché de moi.
Apparais encore à moi !

Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père ?

C'est la voix de mon ami,
Louanges et merci à Dieu !
Mon Jésus, mon très cher trésor,
Permet, par sa parole,
Lui-même d'être entendu avec réconfort ;
J'avais des nausées de douleurs,
Mon chagrin aurait presque détruit
La moëlle dans mes os ;
Maintenant, pourtant, ma foi redevient forte,
Maintenant je suis dans le plus grand des bonheurs
Car je ressens la joie de mon âme,
Mon sauveur, mon soleil,
Qui après la nuit troublée par la
tristesse
Par son éclat fait mon cœur
se réjouir.
Debout, mon esprit, sois prêt !
Tu dois aller à lui,
Dans la maison de son Père, dans son
temple ;
Là il est visible dans sa parole,
Là il te rafraîchira dans le sacrement ;
Mais si tu veux profiter dignement sa chair et son sang,
Alors tu dois embrasser Jésus dans le repentir
et la foi

Quel bonheur, Jésus est retrouvé,
Maintenant je ne suis plus troublé.
Lui que mon âme aime
Se montre lui-même à moi à ce moment heureux.
O mon Jésus, je ne te quitterai
plus jamais,
Maintenant je t'embrasse dans la foi durablement.

Je ne laisserai pas Jésus aller,
Je marcherai à côté de lui pour toujours ;
Christ, pour toujours,
Me guidera aux sources de la vie.
Béni soit celui qui dit avec moi :
Je ne laisserai pas aller Jésus.





Méditation sur le texte — Luc 2, 41-49 :
41 Les parents de Jésus allaient chaque année à Jérusalem, à la fête de Pâque.
42 Lorsqu’il fut âgé de douze ans, ils y montèrent, selon la coutume de la fête.
43 Puis, quand les jours furent écoulés, et qu’ils s’en retournèrent, l’enfant Jésus resta à Jérusalem. Son père et sa mère ne s’en aperçurent pas.
44 Croyant qu’il était avec leurs compagnons de voyage, ils firent une journée de chemin, et le cherchèrent parmi leurs parents et leurs connaissances.
45 Mais, ne l’ayant pas trouvé, ils retournèrent à Jérusalem pour le chercher.
46 Au bout de trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant.
47 Tous ceux qui l’entendaient étaient frappés de son intelligence et de ses réponses.
48 Quand ses parents le virent, ils furent saisis d’étonnement, et sa mère lui dit : Mon enfant, pourquoi as- tu agi de la sorte avec nous ? Voici, ton père et moi, nous te cherchions avec angoisse.
49 Il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je m’occupe des affaires de mon Père ?

*

C’est le pèlerinage de la Pâque ; le pèlerinage le plus important du judaïsme. En rapport précis avec la mémoire fondatrice de notre présent — de notre aujourd’hui, et dès lors, de nos lendemains. Au-delà du souvenir familial, il y a la dimension communautaire, qui fait que l’on monte à Jérusalem, au Temple. Pour cela, s’il le faut, on marche longtemps sur les routes poussiéreuses — depuis la Galilée, pour Marie et Joseph. On part en groupe, on se découvre en route : c’est l’occasion de sceller des liens aussi. Ainsi, au retour de la fête, on a lié connaissance. Les enfants circulent d’un groupe à l’autre. Le voyage est long. On fait halte, on bivouaque ensemble.

Dans cette joyeuse cohue, Jésus, peuvent se dire ses parents, est quelque part avec ses amis, et comme eux, il est sous telle ou telle tente. Rien que de très normal. Puis on découvre qu’il n’est pas là du tout ! « Perdu » / « verloren » (selon les mots de la Cantate de Bach BWV 154). Pour que toutefois le lecteur ne se trompe pas sur ce qui se passe, Luc précisera que Jésus « était soumis » à ses parents (Luc 2, 51). Mais pourtant, à présent il est mûr, il a l’âge de la responsabilité devant Dieu, autour de laquelle l’histoire du judaïsme place le rite de la bar-mitzvah.

Dans la tradition biblique, dès les temps les plus anciens, les enfants au tournant par lequel ils deviennent jeunes adultes, sont déclarés responsables devant Dieu — responsables de ce qu’ils ont entendu jusque là. Responsable, c’est-à-dire en capacité de répondre ; de répondre à, de répondre de — notamment répondre de la parole reçue.

C’est là ce que le judaïsme appelle « bar-mitzvah », ce qui signifie « enfant du commandement ». Dans notre enfance, nos parents sont responsables de notre relation avec Dieu. Puis nous accédons au temps où nous-mêmes devenons seuls responsables devant lui. C’est le passage à l’âge de la majorité religieuse.

Jésus aussi est passé par là. Ce jour-là, il se situe devant la parole de Dieu en présence des docteurs de la Loi étonnés. « Du ciel, il t’a fait entendre sa voix pour faire ton éducation » dit le Deutéronome (ch. 4, v. 36). Jésus vient de dévoiler qu’il est au cœur de cette relation intime avec Dieu. Ses parents sont montés à Jérusalem pour la Pâque. Tout le début de l’Évangile de Luc les montre observant la Torah. Scènes ordinaires de la vie religieuse. Ici Jésus, atteignant l’âge de la responsabilité religieuse, va exprimer dans tout son sens ce qu’est devenir adulte devant Dieu, unique devant Dieu, par soi-même et non plus par ses parents.

Cela correspond à sa parole : « il faut que je m’occupe des affaires de mon Père » : une leçon pour ses parents, et aussi pour nous-mêmes — et comme parents et comme enfants. Dépouillé, « perdu » / « verloren » en regard des siens, pour être unique devant Dieu, Jésus s’occupe des affaires de son Père. Et c’est ce que Dieu nous demande aussi. Tous devons devenir adultes par rapport à ceux que nous recevons comme modèles. Ainsi dans la Cantate 154 écrite sur ce texte, Bach, dans la tradition luthérienne de la piété, ouvre sur notre rapport, subjectif, avec le texte.

Il s’agit pour nous de vivre dans la lumière, la lumière de la parole de Dieu que l’on a appris à écouter… Comme Jésus. Et pour nous autres, par lui. Jean 8, 12 : « Jésus leur parla de nouveau et dit : Moi, je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. »

Comme Jésus et, pour nous, par lui. Puisque comme l’annonçait Jean 1, 9 & 12-13 : Il est « la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. […] À tous ceux qui l’ont reçue, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, à ceux qui croient en son nom et qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu. »

C’est ce qui est être éduqué, « conduit hors de » — hors de la captivité rappelle la Pâque — ; et aussi hors de l’enfance, et de l’enfance spirituelle, pour être devant Dieu. Et en parallèle, comme parents, il s’agit de laisser être eux-mêmes, face au commandement qu’ils ont appris à connaître, ceux que nous tendons à maintenir dans notre dépendance, prolongeant leur enfance ; cela vaut concernant tout ce qui peut devenir une chaîne.

Ici, s’opère comme une nouvelle étape avec ceux avec qui nous sommes liés, nos proches, nos parents — et aussi nos maîtres, et tout ce qu’on peut imaginer — ; s’opère comme une séparation, qui vaut jusqu’à nos biens et nos propres vies. C’est qu’il n’est de vie à l’image du Christ, de vie en vérité, que sous le regard de Dieu. Et cela suppose, tôt ou tard, l’abandon de tout autre regard dont notre vie serait censée dépendre, pas seulement le regard des parents, mais ce que peut conférer un statut social, ou une position dans la société ou dans l’Église. Il s’agit désormais de vivre devant Dieu par la foi seule.

C’est de cela que Jésus montre l’exemple dans ce texte qui nous le présente au Temple à douze ans. Il vit dans sa chair cet exemple-là, et dévoile par la même occasion qui il est : le Fils de Dieu. Il est par nature ce que nous sommes tous appelés à devenir par adoption.

Ici les trois jours de sa disparition revêtent un second sens, annonçant sa résurrection : « proclamé Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts », selon les mots de Paul.

Comme Jésus nous en donne l’exemple, devenir enfant de Dieu, c’est-à-dire adulte en Christ, requiert la fin, la mort de toute dépendance, y compris du regard d’autrui, dans la famille et hors de la famille, hors de l’Église et dans l’Église. C’est le départ de la libération par l’Évangile.

Alors, un monde nouveau, annonce des nouveaux cieux et de la nouvelle terre, devient possible, un monde de relations humaines reconnaissant l’autre pour lui-même, fût-il son enfant, son père ou sa mère, être créé selon l’image de Dieu, manifestée en Christ et non selon mon image ! Un prochain qui n’est pas limité à nos schémas, mais d’une valeur infinie. Voilà tout un programme, qui n’est pas facultatif : abandonner autrui, à commencer par ses proches, à Dieu. Et, pour cela, nous y abandonner nous-mêmes, en écho à l’autre texte du jour de la Cantate :

Romains 12, 1-6
1 Je vous exhorte donc, frères, par les compassions de Dieu, à offrir vos corps comme un sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui sera de votre part un culte raisonnable.
2 Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait.
[…]
Cantique des Cantiques 2, 8
C’est la voix de mon bien-aimé ! Le voici, il vient, Sautant sur les montagnes, Bondissant sur les collines.

RP

(Centre théologique de Poitiers – Pôle Aliénor - 6.11.18 - Roland Poupin & Philippe Devaux : Le cycle du temps liturgique : progression et signification - Formes et genres de la musique religieuse : messe, cantates, Passion, Choral, offices liés à un temps particulier)