« La miséricorde de Dieu [...] devient indulgence du Père qui rejoint le pécheur pardonné » (Pape François, Misericordiae Vultus). Et, ibid. citant Jean XXIII, « l’Église catholique [...] veut se montrer [...] pleine d’indulgence et de bonté à l’égard de ses fils séparés. »
1 – Contre la dureté, « l'indulgence » pour les apostats
Indulgence(s). Aux origines chrétiennes, une attitude miséricordieuse, indulgente, vis-à-vis de ceux qui ont failli en abandonnant la confession de la Foi lors des persécutions romaines — attitude indulgente en opposition à ceux qui voudraient les maintenir exclus. Ceux-là, les intransigeants, jugés comme s'excluant eux-mêmes par leur dureté, « contrains-les d'entrer » « compelle intrare » — c'est ce que dira saint Augustin de certains d'entre eux, utilisant un texte de Luc (14, 23) d'une façon qui nous semble étrange, paradoxale et terrible même, mais qui ne sera que peu remise en question pendant des siècles (ces intransigeants face à Augustin sont les donatistes, de l'évêque Donat : concrètement ils ont fait schisme en refusant la validité des sacrements célébrés par des évêques ayant failli lors de la persécution de Dioclétien, 303-305).
À l'inverse des intransigeants, donc, ceux qui acceptent de réconcilier les ex-apostats — dont Augustin. Par miséricorde, par indulgence, selon une pratique héritée du droit romain, qui remonte dans l’Église au IIIe siècle, bien avant Augustin, il s'agissait de réintégrer dans la communauté ecclésiale les chrétiens ayant failli pendant les persécutions — contre ce que voulaient alors les partisans de l'évêque Novatien, un intransigeant. Indulgence, miséricorde : on accepte de les réconcilier, au prix d'un geste de piété. « Réconciliation » qui n'a rien à voir avec le salut. Purement temporelle. Surtout qu'alors, il n'y a pas de développements sur un purgatoire dans lequel risquerait de se perpétuer la rupture d'avec la communauté — concernant bientôt tout péché.
2 – Processus historique occidental — histoire d'une dérive
Des pénitentiels à Luther
Rien à voir avec le salut : c'est ce que va préciser la théologie ultérieure, qui n'atténuera pas pour autant, loin s'en faut, hélas, l'ambiguïté — sans doute tapie à la porte dès le départ !
Précision pourtant, qui au XIIe siècle se signifie en termes juridiques dans les décrétales pontificales : une distinction est clairement établie entre l'absolution, qui est le fait de Dieu, et l'indulgence, qui permet la réconciliation avec l'Église — quelque chose d'ordre temporel, donc, en ce sens ; bien que ça se complique avec l'idée de purgatoire. Cela dit, l'indulgence, qui n’octroie donc pas le salut, est obtenue en contrepartie d'un acte de piété (pèlerinage, prière, mortification, etc.) — effectué dans un esprit de repentir ; l'indulgence concerne ceux qui, selon la formule en usage à partir du XIIe siècle, sont vere penitentibus et confessis (vraiment repentants et reconnaissant leur faute — antérieurement en quelque sorte, donc, à l'indulgence et à la peine qui l’accompagne). En outre, en principe, il n'y a pas de proportion entre la faute et l'acte de piété. Mais en pratique, est apparu un barème qui tarifie chaque faute !... Les indulgences se calquent sur les pénitentiels, ces manuels venus d'Irlande qui fixent pour chaque faute tant de jours de peine. Se sont fait jour en conséquence des abus inévitables, en rapport avec la confusion devenue inextricable avec la question du salut : on marchande à présent auprès du prêtre l'acte de piété demandé, on commence à le monnayer — ce qui témoigne de la gravité de la confusion entre indulgence, acte de piété et salut.
Face à cela, dès les Xe et XIe siècles, des conciles avaient pourtant tenté de limiter la part d'appréciation du prêtre en fixant des barèmes généraux. Bonne intention... pour un effet pervers là aussi, en regard, toujours, de la confusion non clarifiée entre indulgence, acte de piété et salut, confusion accentuée via le purgatoire, où le temps est censé se poursuivre, et où donc la peine temporelle se poursuit aussi, mêlée à la question du salut. Dans ce cadre, l'indulgence plénière est alors apparue, dès la mi-XIe siècle.
Et l'indulgence deviendra un instrument pontifical. Elle est ainsi employée pour encourager la croisade, en l'occurrence en Espagne, la Reconquista. On mesure la confusion, puisque dans les esprits le salut est en jeu là d'une façon ou d'une autre — dans un combat temporel, qui n'a rien à voir avec le salut, évidemment, mais pas forcément dans les têtes ! Cela prélude à une autre dérive, toujours liée à la confusion — qui, il faut quand même le rappeler, n'a aucun fondement théologique sérieux : dérive qui fait qu'il faut de moins en moins d'efforts pour obtenir une indulgence de plus en plus large. Là on est entré de plain-pied dans la question qui va devenir critique lors de la Réforme : celle des indulgences (au pluriel). On monnaie l'indulgence, les indulgences, pour, nouvelle dérive : voir les sommes récoltées financer des édifices religieux — quand ce n'est pas pour permettre à des prélats de mener grand train !
Critiques de la Réforme
Les indulgences sont dénoncées dès le XIVe siècle par John Wyclif (1320-1384) et Jan Hus (1369-1415), qui remettent en cause les abus. Parmi les abus, par la suite, l'indulgence accordée en 1506 pour quiconque aiderait à la construction de la nouvelle basilique Saint-Pierre de Rome. C'est l'époque où le prédicateur Johann Tetzel est chargé (en 1516-1517) de vendre des indulgences au nom de l'archevêque de Mayence, intéressé à la vente par une commission de 50 % promise par la Curie. On attribue à Tetzel le fameux slogan : « Sobald das Geld im Kasten klingt, Die Seel’aus dem Fegfeuer springt » (« aussitôt que l'argent tinte dans la caisse, l'âme s'envole du purgatoire »).
La pratique est reçue par plusieurs, on le comprend, comme une forme de corruption, que Martin Luther dénonce, via une réflexion qui l’amène à remettre en question le principe même de la pratique dans ses 95 thèses de Wittenberg : seul Dieu justifie le pécheur. Et il dénonce les indulgences pour les âmes du purgatoire (thèses 8-29) : les morts étant morts, ils ne sont plus tenus par les décrets canoniques ; mais aussi celles en faveur des vivants (thèses 30-68), comme nuisibles au salut. À terme, le purgatoire-même est remis en cause.
Luther s'élève contre le marchandage des indulgences et dénonce cette façon de profiter de la peur du purgatoire et de l'enfer. Il rappelle que le repentir devant Dieu seul vaut rémission des peines, sans nul besoin d'indulgence — il dénonce donc la confusion-même entre salut et indulgence, ces dernières n'ayant aucune signification salvifique, et étant même, du fait de cette confusion, nuisibles. Et nuisibles au salut, donc, car, à bien y regarder, l'indulgence détourne les pécheurs du salut que Dieu seul donne à la foi seule, et de leur véritable devoir, l'amour de Dieu et du prochain, et la repentance du cœur.
Derrière ce qui mène à ce moment, une dérive qui repose sur cette confusion trop peu clarifiée jusqu’à Luther : confusion entre le salut, gratuit, et un rite juridique remontant à l'empire romain, d'abord civil avant d'être ecclésial, pour signifier la réconciliation par indulgence avec la communauté — ce qui n'a rien à voir à l'origine, en principe, avec le salut.
Question largement dépassée aujourd'hui, sans doute, mais dont des reliquats affleurent aux yeux des protestants jusque dans les proclamations jubilaires.
3 – Année jubilaire
Qui proclame ? Et qui fixe les dates ? — dans la Bible cela correspond aux cycles astraux. Dans l'histoire de l’Église, cela pose la question du pouvoir ecclésial — revendiqué en regard de Matthieu 16, 18-19 : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux ». Où l'on a lu (mal lu, comme pour le « contrains-les d'entrer ») un pouvoir de maintenir captif ou de libérer, mais ne faut-il pas lire : lier le péché (« tapi à ta porte, est-il dit à Caïn, mais toi, domine-le » — Gn 4) et délier le pécheur ? Les clefs étant tout simplement la parole de l’Évangile qui libère par l'Esprit saint, et pas un pouvoir de maintenir captif ! Une autre lecture qui pourrait ouvrir une autre étape de réconciliation puisque c'est bien cette question qui divise nos Églises.
Où l'on retrouve le mot miséricorde, à des années-lumière de ce qu'il est devenu, lui et son effet, l'indulgence (au singulier), devenu ces catastrophiques « indulgences » (au pluriel).
Le mot hébreu rah'amim désigne d'abord le sein maternel, puis la tendresse qui en est issue, tendresse miséricordieuse. Il s'agit d'un « pluriel de plénitude » du mot rehem « ventre maternel ». Ce mot désigne les entrailles du Seigneur, comme le sein maternel (rehem « matrice, utérus »), donc la tendresse de Dieu, comme une tendresse maternelle pour son peuple, pour les petits, pour les pauvres de toutes les pauvretés — et qui ne s'achète donc pas. « Éphraïm est-il donc pour moi un fils si cher, [...] pour qu'après chacune de mes menaces [...] mes entrailles s'émeuvent pour lui, que pour lui déborde ma tendresse ? » (Jérémie 31, 20). Ce mot exprime aussi le sentiment d'attachement d'un être à un autre, d'où, par extension, la compassion pour cet autre, la miséricorde.
L'équivalent grec, dans le Nouveau Testament, eleos (cf. Kyrie eleison) — parle de bonté ou bonne volonté envers le misérable et l'affligé joints à un désir de les aider ; de Dieu envers les hommes ; des hommes envers les hommes.
Et en latin, misericordia, vient de miseria (misère, malheur) et cor (cœur) : cœur, entrailles donc, qui, émues, incitent à la compassion... Un cœur sensible au malheur — comme le « cœur » de Dieu rempli de tendresse pour les hommes.
1 – Contre la dureté, « l'indulgence » pour les apostats
Indulgence(s). Aux origines chrétiennes, une attitude miséricordieuse, indulgente, vis-à-vis de ceux qui ont failli en abandonnant la confession de la Foi lors des persécutions romaines — attitude indulgente en opposition à ceux qui voudraient les maintenir exclus. Ceux-là, les intransigeants, jugés comme s'excluant eux-mêmes par leur dureté, « contrains-les d'entrer » « compelle intrare » — c'est ce que dira saint Augustin de certains d'entre eux, utilisant un texte de Luc (14, 23) d'une façon qui nous semble étrange, paradoxale et terrible même, mais qui ne sera que peu remise en question pendant des siècles (ces intransigeants face à Augustin sont les donatistes, de l'évêque Donat : concrètement ils ont fait schisme en refusant la validité des sacrements célébrés par des évêques ayant failli lors de la persécution de Dioclétien, 303-305).
À l'inverse des intransigeants, donc, ceux qui acceptent de réconcilier les ex-apostats — dont Augustin. Par miséricorde, par indulgence, selon une pratique héritée du droit romain, qui remonte dans l’Église au IIIe siècle, bien avant Augustin, il s'agissait de réintégrer dans la communauté ecclésiale les chrétiens ayant failli pendant les persécutions — contre ce que voulaient alors les partisans de l'évêque Novatien, un intransigeant. Indulgence, miséricorde : on accepte de les réconcilier, au prix d'un geste de piété. « Réconciliation » qui n'a rien à voir avec le salut. Purement temporelle. Surtout qu'alors, il n'y a pas de développements sur un purgatoire dans lequel risquerait de se perpétuer la rupture d'avec la communauté — concernant bientôt tout péché.
2 – Processus historique occidental — histoire d'une dérive
Des pénitentiels à Luther
Rien à voir avec le salut : c'est ce que va préciser la théologie ultérieure, qui n'atténuera pas pour autant, loin s'en faut, hélas, l'ambiguïté — sans doute tapie à la porte dès le départ !
Précision pourtant, qui au XIIe siècle se signifie en termes juridiques dans les décrétales pontificales : une distinction est clairement établie entre l'absolution, qui est le fait de Dieu, et l'indulgence, qui permet la réconciliation avec l'Église — quelque chose d'ordre temporel, donc, en ce sens ; bien que ça se complique avec l'idée de purgatoire. Cela dit, l'indulgence, qui n’octroie donc pas le salut, est obtenue en contrepartie d'un acte de piété (pèlerinage, prière, mortification, etc.) — effectué dans un esprit de repentir ; l'indulgence concerne ceux qui, selon la formule en usage à partir du XIIe siècle, sont vere penitentibus et confessis (vraiment repentants et reconnaissant leur faute — antérieurement en quelque sorte, donc, à l'indulgence et à la peine qui l’accompagne). En outre, en principe, il n'y a pas de proportion entre la faute et l'acte de piété. Mais en pratique, est apparu un barème qui tarifie chaque faute !... Les indulgences se calquent sur les pénitentiels, ces manuels venus d'Irlande qui fixent pour chaque faute tant de jours de peine. Se sont fait jour en conséquence des abus inévitables, en rapport avec la confusion devenue inextricable avec la question du salut : on marchande à présent auprès du prêtre l'acte de piété demandé, on commence à le monnayer — ce qui témoigne de la gravité de la confusion entre indulgence, acte de piété et salut.
Face à cela, dès les Xe et XIe siècles, des conciles avaient pourtant tenté de limiter la part d'appréciation du prêtre en fixant des barèmes généraux. Bonne intention... pour un effet pervers là aussi, en regard, toujours, de la confusion non clarifiée entre indulgence, acte de piété et salut, confusion accentuée via le purgatoire, où le temps est censé se poursuivre, et où donc la peine temporelle se poursuit aussi, mêlée à la question du salut. Dans ce cadre, l'indulgence plénière est alors apparue, dès la mi-XIe siècle.
Et l'indulgence deviendra un instrument pontifical. Elle est ainsi employée pour encourager la croisade, en l'occurrence en Espagne, la Reconquista. On mesure la confusion, puisque dans les esprits le salut est en jeu là d'une façon ou d'une autre — dans un combat temporel, qui n'a rien à voir avec le salut, évidemment, mais pas forcément dans les têtes ! Cela prélude à une autre dérive, toujours liée à la confusion — qui, il faut quand même le rappeler, n'a aucun fondement théologique sérieux : dérive qui fait qu'il faut de moins en moins d'efforts pour obtenir une indulgence de plus en plus large. Là on est entré de plain-pied dans la question qui va devenir critique lors de la Réforme : celle des indulgences (au pluriel). On monnaie l'indulgence, les indulgences, pour, nouvelle dérive : voir les sommes récoltées financer des édifices religieux — quand ce n'est pas pour permettre à des prélats de mener grand train !
Critiques de la Réforme
Les indulgences sont dénoncées dès le XIVe siècle par John Wyclif (1320-1384) et Jan Hus (1369-1415), qui remettent en cause les abus. Parmi les abus, par la suite, l'indulgence accordée en 1506 pour quiconque aiderait à la construction de la nouvelle basilique Saint-Pierre de Rome. C'est l'époque où le prédicateur Johann Tetzel est chargé (en 1516-1517) de vendre des indulgences au nom de l'archevêque de Mayence, intéressé à la vente par une commission de 50 % promise par la Curie. On attribue à Tetzel le fameux slogan : « Sobald das Geld im Kasten klingt, Die Seel’aus dem Fegfeuer springt » (« aussitôt que l'argent tinte dans la caisse, l'âme s'envole du purgatoire »).
La pratique est reçue par plusieurs, on le comprend, comme une forme de corruption, que Martin Luther dénonce, via une réflexion qui l’amène à remettre en question le principe même de la pratique dans ses 95 thèses de Wittenberg : seul Dieu justifie le pécheur. Et il dénonce les indulgences pour les âmes du purgatoire (thèses 8-29) : les morts étant morts, ils ne sont plus tenus par les décrets canoniques ; mais aussi celles en faveur des vivants (thèses 30-68), comme nuisibles au salut. À terme, le purgatoire-même est remis en cause.
Luther s'élève contre le marchandage des indulgences et dénonce cette façon de profiter de la peur du purgatoire et de l'enfer. Il rappelle que le repentir devant Dieu seul vaut rémission des peines, sans nul besoin d'indulgence — il dénonce donc la confusion-même entre salut et indulgence, ces dernières n'ayant aucune signification salvifique, et étant même, du fait de cette confusion, nuisibles. Et nuisibles au salut, donc, car, à bien y regarder, l'indulgence détourne les pécheurs du salut que Dieu seul donne à la foi seule, et de leur véritable devoir, l'amour de Dieu et du prochain, et la repentance du cœur.
Derrière ce qui mène à ce moment, une dérive qui repose sur cette confusion trop peu clarifiée jusqu’à Luther : confusion entre le salut, gratuit, et un rite juridique remontant à l'empire romain, d'abord civil avant d'être ecclésial, pour signifier la réconciliation par indulgence avec la communauté — ce qui n'a rien à voir à l'origine, en principe, avec le salut.
Question largement dépassée aujourd'hui, sans doute, mais dont des reliquats affleurent aux yeux des protestants jusque dans les proclamations jubilaires.
3 – Année jubilaire
Qui proclame ? Et qui fixe les dates ? — dans la Bible cela correspond aux cycles astraux. Dans l'histoire de l’Église, cela pose la question du pouvoir ecclésial — revendiqué en regard de Matthieu 16, 18-19 : « Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux ». Où l'on a lu (mal lu, comme pour le « contrains-les d'entrer ») un pouvoir de maintenir captif ou de libérer, mais ne faut-il pas lire : lier le péché (« tapi à ta porte, est-il dit à Caïn, mais toi, domine-le » — Gn 4) et délier le pécheur ? Les clefs étant tout simplement la parole de l’Évangile qui libère par l'Esprit saint, et pas un pouvoir de maintenir captif ! Une autre lecture qui pourrait ouvrir une autre étape de réconciliation puisque c'est bien cette question qui divise nos Églises.
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Où l'on retrouve le mot miséricorde, à des années-lumière de ce qu'il est devenu, lui et son effet, l'indulgence (au singulier), devenu ces catastrophiques « indulgences » (au pluriel).
Le mot hébreu rah'amim désigne d'abord le sein maternel, puis la tendresse qui en est issue, tendresse miséricordieuse. Il s'agit d'un « pluriel de plénitude » du mot rehem « ventre maternel ». Ce mot désigne les entrailles du Seigneur, comme le sein maternel (rehem « matrice, utérus »), donc la tendresse de Dieu, comme une tendresse maternelle pour son peuple, pour les petits, pour les pauvres de toutes les pauvretés — et qui ne s'achète donc pas. « Éphraïm est-il donc pour moi un fils si cher, [...] pour qu'après chacune de mes menaces [...] mes entrailles s'émeuvent pour lui, que pour lui déborde ma tendresse ? » (Jérémie 31, 20). Ce mot exprime aussi le sentiment d'attachement d'un être à un autre, d'où, par extension, la compassion pour cet autre, la miséricorde.
L'équivalent grec, dans le Nouveau Testament, eleos (cf. Kyrie eleison) — parle de bonté ou bonne volonté envers le misérable et l'affligé joints à un désir de les aider ; de Dieu envers les hommes ; des hommes envers les hommes.
Et en latin, misericordia, vient de miseria (misère, malheur) et cor (cœur) : cœur, entrailles donc, qui, émues, incitent à la compassion... Un cœur sensible au malheur — comme le « cœur » de Dieu rempli de tendresse pour les hommes.