Ésaïe 57, 14-19 ; Psaume 36, 5-10 ; 1 Corinthiens 1, 1-17 ; Marc 9, 33-41
1 Corinthiens 1, 1-17
1 Paul, appelé à être apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu, et Sosthène le frère,
2 à l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés à être saints avec tous ceux qui invoquent en tout lieu le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre ;
3 à vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.
4 Je rends grâce à Dieu sans cesse à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été donnée dans le Christ Jésus.
5 Car vous avez été, en lui, comblés de toutes les richesses, toutes celles de la parole et toutes celles de la connaissance.
6 C’est que le témoignage rendu au Christ s’est affermi en vous,
7 si bien qu’il ne vous manque aucun don de la grâce, à vous qui attendez la révélation de notre Seigneur Jésus Christ.
8 C’est lui aussi qui vous affermira jusqu’à la fin, pour que vous soyez irréprochables au jour de notre Seigneur Jésus Christ.
9 Il est fidèle, le Dieu qui vous a appelés à la communion avec son Fils Jésus Christ, notre Seigneur.
10 Mais je vous exhorte, frères, au nom de notre Seigneur Jésus Christ : soyez tous d’accord, et qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous ; soyez bien unis dans un même esprit et dans une même pensée.
11 En effet, mes frères, les gens de Chloé m’ont appris qu’il y a des discordes parmi vous.
12 Je m’explique ; chacun de vous parle ainsi : « Moi j’appartiens à Paul. – Moi à Apollos. – Moi à Céphas. – Moi à Christ. »
13 Le Christ est-il divisé ? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ?
14 Dieu merci, je n’ai baptisé aucun de vous, excepté Crispus et Gaïus ;
15 ainsi nul ne peut dire que vous avez été baptisés en mon nom.
16 Ah si ! J’ai encore baptisé la famille de Stéphanas. Pour le reste, je n’ai baptisé personne d’autre, que je sache.
17 Car Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais annoncer l’Évangile, et sans recourir à la sagesse du discours, pour ne pas réduire à néant la croix du Christ.
Marc 9, 33-41
33 Ils allèrent à Capharnaüm. Une fois à la maison, Jésus leur demandait : « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
34 Mais ils se taisaient, car, en chemin, ils s’étaient querellés pour savoir qui était le plus grand.
35 Jésus s’assit et il appela les Douze ; il leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
36 Et prenant un enfant, il le plaça au milieu d’eux et, après l’avoir embrassé, il leur dit :
37 « Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même ; et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »
38 Jean lui dit : « Maître, nous avons vu quelqu’un qui chassait les démons en ton nom et nous avons cherché à l’en empêcher parce qu’il ne nous suivait pas. »
39 Mais Jésus dit : « Ne l’empêchez pas, car il n’y a personne qui fasse un miracle en mon nom et puisse, aussitôt après, mal parler de moi.
40 Celui qui n’est pas contre nous est pour nous.
41 Quiconque vous donnera à boire un verre d’eau parce que vous appartenez au Christ, en vérité, je vous le déclare, il ne perdra pas sa récompense.
Je suis de Paul, de Pierre, d'Apollos..., de Luther, du pape, de Calvin, etc. (sans compter les leaders vivants actuellement). Que chacun mette le témoin du Christ qu'il voudra ou qu'il privilégie comme le sien. Ou, raccourci, qu'il se réclame directement du Christ, oubliant que Christ non-divisé est Christ total, tête et membre. Celui qui se réclame du Christ, « moi du Christ » en 1 Co (se posant dès lors au-dessus des autres), est bien celui que l'on retrouve dans le « chasseur de démons » de Marc... Où Marc ch. 9 apparaît bien comme ayant la même problématique que Paul aux Corinthiens, et donne la même réponse.
Car ce que répond Jésus aux disciples est ce que les disciples rediront, et que l'on retrouve chez Paul aux Corinthiens — c'est la même réponse ! Celle que Jésus donne dans un geste, des plus éloquents pour souligner son propos : placer un enfant au milieu d'eux.
… Alors que Jésus vient d’annoncer à ses disciples qu’il va être crucifié, eux s’interrogent pour savoir qui d’entre eux est le plus grand ! Décalage frappant... Un décalage que soulignera Paul — lui prêche Christ crucifié, écrit-il — lorsque les disciples des disciples rejouent le même scénario que les douze en Marc 9 ! La manie semble donc dès le premier siècle avoir la vie assez dure pour que la mise en garde vaille... encore pour nous !
Et Jésus de demander calmement à ses disciples, et à nous parmi eux : « De quoi discut(i)ez-vous en chemin ? » ! Cela avec une absence d’indignation qui s’explique sans doute par une grande tolérance à notre égard. Peut-être aussi, du coup, la tolérance étant liée à la fatigue (l'histoire de l’avènement de la tolérance dans nos civilisations l'a trop montré), peut-être son calme à l'égard de ses disciples est-il dû à une lassitude, comme en prévision des siècles ultérieurs qui verront cette manie se perpétuer, jusqu'à déboucher sur des querelles... et jusqu'à des guerres !
Puis Jésus met un enfant au milieu des disciples. Il vient de leur donner cette forte leçon : « si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier et le serviteur de tous ». Invitation donc, à se faire le dernier : ça vaut pour les douze, pour leurs disciples à Corinthe, et pour nous.
Mais que donne-t-il en exemple dans cet enfant ? Il faut bien répondre à cette question. Est-ce son innocence, comme on aime parfois le répéter. Mais il suffit d’avoir observé un enfant, ou d’avoir un peu la mémoire de notre propre enfance pour considérer avec prudence l’innocence de ces arracheurs d’ailes de mouches. Est-ce alors leur absence de sens critique qui nous serait donnée en exemple ? Sûrement pas, quoique cette hypothèse ait dû avoir très tôt du succès, puisque Paul s’empresse de dire aux Corinthiens que sous cet angle, il ne leur faut pas se comporter comme des enfants. Serait-ce alors la simplicité de l’enfant que Jésus soulignerait ? Peut-être en un sens. En ce sens qu’un enfant n’a pas encore appris tous les rouages de la tortuosité. Mais à y regarder de près l’explication est insuffisante. Les disciples ne sont pas si experts que cela en manœuvres.
Si c'est sûrement bien d’humilité, dont relève la simplicité, qu'il s'agit, ce n'est pas l’humilité subjective, l’humilité d’attitude qui serait celle de l’enfant qui est mise en exemple ! Il suffit d’en voir un faire un caprice, pour se rendre compte qu’ils ne se prennent déjà pas pour quantité négligeable… Et, ici, pour nous : ne vous comportez pas comme des enfants, dira Paul !
Non ce n’est pas parce que l'enfant serait remarquable ou qu’il aurait déjà appris à être confit en sainteté, serait-ce sous forme d’humilité, que Jésus le donne en exemple. C’est d'humilité objective qu’il s’agit : à savoir que l'enfant, on le regarde de haut, on le considère comme quantité négligeable ; bref, au fond, on le méprise. Eh bien c’est en cela qu’il ressemble à Jésus, qui tout roi qu’il est devant Dieu, va être méprisé, rejeté, crucifié — nous prêchons Christ crucifié, écrira Paul —, tandis que les siens tirent des plans sur la comète et spéculent sur leur grandeur respective au regard de leur place dans le gouvernement messianique. Voilà où l’enfant est pour eux, pour nous, un exemple : une figure de Jésus, et par lui, de Dieu.
Et puis au fond, il y a là une leçon sur la liberté : celui qui veut s’exalter lui-même, acquérir de la gloire, se donner une identité, fût-ce via Paul, Pierre, Apollos, etc, ou mieux que tous les autres, se pense en prise directe et solitaire avec le Christ, celui-là passe à côté de sa vraie identité, en Christ. Nos identités ecclésiales, confessionnelles, dénominationnelles, qui donnent nos divisions, sont secondes, comme aussi les identités que nous donnent nos fonctions.
Car nous n’avons de vraie identité chrétienne qu'en Christ dont nous sommes membres et dès lors membres les uns des autres, formant ensemble le corps du Christ tel qu'il nous est donné dans l’Esprit saint.
Tandis que le plus méprisé apparemment, celui que nul ne considère en ce qui concerne les choses sérieuses comme les positions les plus élevées Royaume du Christ, tel l’enfant, peu considéré quant aux choses sérieuses, vit dans une parfaite liberté à l’égard tant de l'auto-polissement de son image que de la mare de flatterie qui préoccupe tant les chercheurs de trônes et de couronnes que nous pouvons tous être à notre façon : il y a aussi des couronnes à nos échelles, et qui suscitent bien des amères compétitions, comme dans les entreprises et conseils d'administration, certes, mais aussi jusqu’aux Églises, à l'intérieur d'elles et entre elles… et c'est cela qui apparaît déjà à Corinthe. Et que dire après ? Ici, entre nous...
Alors, dans le Christ, qui n’a pas regardé comme une proie la gloire de Dieu qui est sienne dans l’éternité, celui qui le reçoit comme l’enfant jugé comme lui sans grand intérêt, — reçoit Dieu lui-même présent dans son envoyé, dont on ne perçoit pas assez que la gloire passe par son humiliation, la croix, trop indigne pour qu’on puisse croire qu’elle est le lot du glorieux, du Fils d’éternité. Combien est-il tentant de préférer la gloire du Christ à sa croix ! Mais il n’est de gloire que celle de la croix. Au pied de laquelle éclate le ridicule, oui le ridicule, de nos prétentions à des supériorités individuelles ou ecclésiales : je te suis supérieur parce que j'occupe tel poste, telle fonction, parce que j'ai telle pratique ou telle autre dans l'attente de la venue du Royaume, telle façon de baptiser, de célébrer le repas du Seigneur, ou parce que je suis de Paul, de Pierre, d'Apollos, etc, ou parce que je me réclame directement du Christ ?!
Ne l'empêchez pas, dit toutefois Jésus — manifestement tolérant, par fatigue, patience et compassion. Ne l'empêchez pas : il est aussi, même s'il l'ignore éventuellement, membre du même corps que vous — et sachez tous que vous êtes disciples ensemble d'un crucifié, et que si votre foi chrétienne est sérieuse, vous êtes crucifiés avec lui, de sorte que déjà vous vivez avec lui, en lui, que votre vie, votre vraie identité, est cachée avec lui, le Ressuscité, en Dieu.
1 Corinthiens 1, 1-17
1 Paul, appelé à être apôtre du Christ Jésus par la volonté de Dieu, et Sosthène le frère,
2 à l’Église de Dieu qui est à Corinthe, à ceux qui ont été sanctifiés dans le Christ Jésus, appelés à être saints avec tous ceux qui invoquent en tout lieu le nom de notre Seigneur Jésus Christ, leur Seigneur et le nôtre ;
3 à vous grâce et paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.
4 Je rends grâce à Dieu sans cesse à votre sujet, pour la grâce de Dieu qui vous a été donnée dans le Christ Jésus.
5 Car vous avez été, en lui, comblés de toutes les richesses, toutes celles de la parole et toutes celles de la connaissance.
6 C’est que le témoignage rendu au Christ s’est affermi en vous,
7 si bien qu’il ne vous manque aucun don de la grâce, à vous qui attendez la révélation de notre Seigneur Jésus Christ.
8 C’est lui aussi qui vous affermira jusqu’à la fin, pour que vous soyez irréprochables au jour de notre Seigneur Jésus Christ.
9 Il est fidèle, le Dieu qui vous a appelés à la communion avec son Fils Jésus Christ, notre Seigneur.
10 Mais je vous exhorte, frères, au nom de notre Seigneur Jésus Christ : soyez tous d’accord, et qu’il n’y ait pas de divisions parmi vous ; soyez bien unis dans un même esprit et dans une même pensée.
11 En effet, mes frères, les gens de Chloé m’ont appris qu’il y a des discordes parmi vous.
12 Je m’explique ; chacun de vous parle ainsi : « Moi j’appartiens à Paul. – Moi à Apollos. – Moi à Céphas. – Moi à Christ. »
13 Le Christ est-il divisé ? Est-ce Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ?
14 Dieu merci, je n’ai baptisé aucun de vous, excepté Crispus et Gaïus ;
15 ainsi nul ne peut dire que vous avez été baptisés en mon nom.
16 Ah si ! J’ai encore baptisé la famille de Stéphanas. Pour le reste, je n’ai baptisé personne d’autre, que je sache.
17 Car Christ ne m’a pas envoyé baptiser, mais annoncer l’Évangile, et sans recourir à la sagesse du discours, pour ne pas réduire à néant la croix du Christ.
Marc 9, 33-41
33 Ils allèrent à Capharnaüm. Une fois à la maison, Jésus leur demandait : « De quoi discutiez-vous en chemin ? »
34 Mais ils se taisaient, car, en chemin, ils s’étaient querellés pour savoir qui était le plus grand.
35 Jésus s’assit et il appela les Douze ; il leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous. »
36 Et prenant un enfant, il le plaça au milieu d’eux et, après l’avoir embrassé, il leur dit :
37 « Qui accueille en mon nom un enfant comme celui-là, m’accueille moi-même ; et qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé. »
38 Jean lui dit : « Maître, nous avons vu quelqu’un qui chassait les démons en ton nom et nous avons cherché à l’en empêcher parce qu’il ne nous suivait pas. »
39 Mais Jésus dit : « Ne l’empêchez pas, car il n’y a personne qui fasse un miracle en mon nom et puisse, aussitôt après, mal parler de moi.
40 Celui qui n’est pas contre nous est pour nous.
41 Quiconque vous donnera à boire un verre d’eau parce que vous appartenez au Christ, en vérité, je vous le déclare, il ne perdra pas sa récompense.
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Je suis de Paul, de Pierre, d'Apollos..., de Luther, du pape, de Calvin, etc. (sans compter les leaders vivants actuellement). Que chacun mette le témoin du Christ qu'il voudra ou qu'il privilégie comme le sien. Ou, raccourci, qu'il se réclame directement du Christ, oubliant que Christ non-divisé est Christ total, tête et membre. Celui qui se réclame du Christ, « moi du Christ » en 1 Co (se posant dès lors au-dessus des autres), est bien celui que l'on retrouve dans le « chasseur de démons » de Marc... Où Marc ch. 9 apparaît bien comme ayant la même problématique que Paul aux Corinthiens, et donne la même réponse.
Car ce que répond Jésus aux disciples est ce que les disciples rediront, et que l'on retrouve chez Paul aux Corinthiens — c'est la même réponse ! Celle que Jésus donne dans un geste, des plus éloquents pour souligner son propos : placer un enfant au milieu d'eux.
… Alors que Jésus vient d’annoncer à ses disciples qu’il va être crucifié, eux s’interrogent pour savoir qui d’entre eux est le plus grand ! Décalage frappant... Un décalage que soulignera Paul — lui prêche Christ crucifié, écrit-il — lorsque les disciples des disciples rejouent le même scénario que les douze en Marc 9 ! La manie semble donc dès le premier siècle avoir la vie assez dure pour que la mise en garde vaille... encore pour nous !
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Et Jésus de demander calmement à ses disciples, et à nous parmi eux : « De quoi discut(i)ez-vous en chemin ? » ! Cela avec une absence d’indignation qui s’explique sans doute par une grande tolérance à notre égard. Peut-être aussi, du coup, la tolérance étant liée à la fatigue (l'histoire de l’avènement de la tolérance dans nos civilisations l'a trop montré), peut-être son calme à l'égard de ses disciples est-il dû à une lassitude, comme en prévision des siècles ultérieurs qui verront cette manie se perpétuer, jusqu'à déboucher sur des querelles... et jusqu'à des guerres !
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Puis Jésus met un enfant au milieu des disciples. Il vient de leur donner cette forte leçon : « si quelqu’un veut être le premier, il sera le dernier et le serviteur de tous ». Invitation donc, à se faire le dernier : ça vaut pour les douze, pour leurs disciples à Corinthe, et pour nous.
Mais que donne-t-il en exemple dans cet enfant ? Il faut bien répondre à cette question. Est-ce son innocence, comme on aime parfois le répéter. Mais il suffit d’avoir observé un enfant, ou d’avoir un peu la mémoire de notre propre enfance pour considérer avec prudence l’innocence de ces arracheurs d’ailes de mouches. Est-ce alors leur absence de sens critique qui nous serait donnée en exemple ? Sûrement pas, quoique cette hypothèse ait dû avoir très tôt du succès, puisque Paul s’empresse de dire aux Corinthiens que sous cet angle, il ne leur faut pas se comporter comme des enfants. Serait-ce alors la simplicité de l’enfant que Jésus soulignerait ? Peut-être en un sens. En ce sens qu’un enfant n’a pas encore appris tous les rouages de la tortuosité. Mais à y regarder de près l’explication est insuffisante. Les disciples ne sont pas si experts que cela en manœuvres.
Si c'est sûrement bien d’humilité, dont relève la simplicité, qu'il s'agit, ce n'est pas l’humilité subjective, l’humilité d’attitude qui serait celle de l’enfant qui est mise en exemple ! Il suffit d’en voir un faire un caprice, pour se rendre compte qu’ils ne se prennent déjà pas pour quantité négligeable… Et, ici, pour nous : ne vous comportez pas comme des enfants, dira Paul !
Non ce n’est pas parce que l'enfant serait remarquable ou qu’il aurait déjà appris à être confit en sainteté, serait-ce sous forme d’humilité, que Jésus le donne en exemple. C’est d'humilité objective qu’il s’agit : à savoir que l'enfant, on le regarde de haut, on le considère comme quantité négligeable ; bref, au fond, on le méprise. Eh bien c’est en cela qu’il ressemble à Jésus, qui tout roi qu’il est devant Dieu, va être méprisé, rejeté, crucifié — nous prêchons Christ crucifié, écrira Paul —, tandis que les siens tirent des plans sur la comète et spéculent sur leur grandeur respective au regard de leur place dans le gouvernement messianique. Voilà où l’enfant est pour eux, pour nous, un exemple : une figure de Jésus, et par lui, de Dieu.
*
Et puis au fond, il y a là une leçon sur la liberté : celui qui veut s’exalter lui-même, acquérir de la gloire, se donner une identité, fût-ce via Paul, Pierre, Apollos, etc, ou mieux que tous les autres, se pense en prise directe et solitaire avec le Christ, celui-là passe à côté de sa vraie identité, en Christ. Nos identités ecclésiales, confessionnelles, dénominationnelles, qui donnent nos divisions, sont secondes, comme aussi les identités que nous donnent nos fonctions.
Car nous n’avons de vraie identité chrétienne qu'en Christ dont nous sommes membres et dès lors membres les uns des autres, formant ensemble le corps du Christ tel qu'il nous est donné dans l’Esprit saint.
Tandis que le plus méprisé apparemment, celui que nul ne considère en ce qui concerne les choses sérieuses comme les positions les plus élevées Royaume du Christ, tel l’enfant, peu considéré quant aux choses sérieuses, vit dans une parfaite liberté à l’égard tant de l'auto-polissement de son image que de la mare de flatterie qui préoccupe tant les chercheurs de trônes et de couronnes que nous pouvons tous être à notre façon : il y a aussi des couronnes à nos échelles, et qui suscitent bien des amères compétitions, comme dans les entreprises et conseils d'administration, certes, mais aussi jusqu’aux Églises, à l'intérieur d'elles et entre elles… et c'est cela qui apparaît déjà à Corinthe. Et que dire après ? Ici, entre nous...
Alors, dans le Christ, qui n’a pas regardé comme une proie la gloire de Dieu qui est sienne dans l’éternité, celui qui le reçoit comme l’enfant jugé comme lui sans grand intérêt, — reçoit Dieu lui-même présent dans son envoyé, dont on ne perçoit pas assez que la gloire passe par son humiliation, la croix, trop indigne pour qu’on puisse croire qu’elle est le lot du glorieux, du Fils d’éternité. Combien est-il tentant de préférer la gloire du Christ à sa croix ! Mais il n’est de gloire que celle de la croix. Au pied de laquelle éclate le ridicule, oui le ridicule, de nos prétentions à des supériorités individuelles ou ecclésiales : je te suis supérieur parce que j'occupe tel poste, telle fonction, parce que j'ai telle pratique ou telle autre dans l'attente de la venue du Royaume, telle façon de baptiser, de célébrer le repas du Seigneur, ou parce que je suis de Paul, de Pierre, d'Apollos, etc, ou parce que je me réclame directement du Christ ?!
Ne l'empêchez pas, dit toutefois Jésus — manifestement tolérant, par fatigue, patience et compassion. Ne l'empêchez pas : il est aussi, même s'il l'ignore éventuellement, membre du même corps que vous — et sachez tous que vous êtes disciples ensemble d'un crucifié, et que si votre foi chrétienne est sérieuse, vous êtes crucifiés avec lui, de sorte que déjà vous vivez avec lui, en lui, que votre vie, votre vraie identité, est cachée avec lui, le Ressuscité, en Dieu.
RP, Semaine de l'Unité, 23.01.14, Poitiers, Ste Radegonde
Praille, monastère des Bénédictines, 27/01/14
Praille, monastère des Bénédictines, 27/01/14