Noël,
l'empereur et l'enfant
Luc 2, 1-7
1 Or, en ce temps-là, était paru un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier.
2 Ce premier recensement eut lieu à l’époque où Quirinius était gouverneur de Syrie.
3 Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville;
4 Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s’appelle Bethléem en Judée, parce qu’il était de la famille et de la descendance de David,
5 pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte.
6 Or, pendant qu’ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva;
7 elle accoucha de son fils premier-né, l’emmaillota et le déposa dans une mangeoire, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans la salle d’hôtes.
*
Nous commençons nos années en janvier, le mois qui suit ce jour de Noël commémorant la naissance de Jésus. Au temps de la naissance de Jésus, le premier mois de l’année était février.
Savez-vous pourquoi le mois de février est si court ? C’est parce que l’empereur César Auguste, celui qui fait recenser toute la terre, s’est vu octroyer un mois consacré à sa gloire, le mois d’août qui porte son nom. Août, c’est-à-dire Auguste. Et il a rajouté un jour au mois d’août pour que son mois n’en compte pas moins que le mois de Jules César, juillet : ce jour ajouté en août a été retiré à février.
Tel est le pouvoir de César Auguste. Depuis 12 av. JC, il est Souverain Pontife. On lui voue un culte : il est au sommet du panthéon religieux — voué à entrer à sa mort dans son apothéose, son entrée dans la compagnie des dieux. Rien ne lui échappe.
César Auguste, empereur prestigieux, un des plus prestigieux des empereurs romains, d’un côté. Une famille de déplacés galiléens de l’autre.
César Auguste
L'empereur a un pouvoir considérable, dans la compagnie divine, avec le titre de Fils de Dieu. Qui oserait alors lui contester le titre auquel il prétend ? Il a pouvoir sur toute la terre, dont il décrète le recensement. Il veut compter tous ses sujets !
Pour cela, le voilà qui bouleverse le quotidien de tout un chacun. Chacun se rend dans sa ville ancestrale, ce sont ses ordres.
Ce faisant, il envoie une famille dont il ignore même l'existence, une famille galiléenne, à l'autre bout de cette terre de Palestine, en Judée, puisque Bethléem est sa ville d'origine.
Face à l'empereur de toute la terre, un couple dont la femme est enceinte est balloté sur les routes, un couple pauvre dont l'empereur ignore avec l'existence, les conditions précaires. La femme est enceinte. Elle se verra contrainte d'accoucher dans une étable puisque qu'il n'y a pas de place pour passer la nuit, pour se reposer.
Il n'y aura pour accueillir l'enfant nouveau-né que la crèche, la mangeoire des animaux de l'étable. Là au moins, il y a un peu de paille. On est certes loin des appartements somptueux des palais impériaux ; loin même des logements de fonction des employés de l'Empire, d'un gouverneur Quirinius ou d'un quelconque chef de région — au moins y trouve-t-on un peu de paille et de chaleur.
C'est un pouvoir considérable que celui de l'empereur qui décrète le recensement de toute la terre. Qui, à l'époque ne connaît pas César Auguste ?
L'enfant et ses parents
Mais qui, à l'époque, connaît l'enfant qui naît d'une mère sans toit, que le puissant César Auguste ballote sur les routes sans même savoir qu'elle existe, au bras de son fiancé désemparé, alors que les douleurs de l'accouchement se font sentir, alors qu'on ne trouve toujours pas de toit ?
Et voilà Joseph devant l’aubergiste de Bethléem dont l’hôtellerie est pleine. Et Joseph qui le supplie : s’il vous plait, Monsieur l’aubergiste, trouvez-nous une place. — Désolé, il n’y en a pas ! — Mais Monsieur l’aubergiste, regardez, ma femme est enceinte, près d’accoucher ! — Et l’aubergiste qui répond : Désolé, ça, ce n’est pas de ma faute ! — Et Joseph : ce n’est pas de la mienne non plus !… (Cette façon de dire est de l’évêque Sud-Africain Desmond Tutu, qui dit cela mieux que moi…)
Cela dit, voilà que malgré les difficultés, l'accouchement a eu lieu, qu'il s'est bien passé, et même mieux — cela aussi l'empereur l'ignore — qu'il a eu lieu conformément aux prophéties.
Dieu
Dieu a donné un autre sens, un sens éternel à ce qui se passe ce jour-là. L'enfant est son Fils, celui qui demeure dans son sein. De toute éternité, il est dit qu'il naîtra là, dans ces conditions, pour le salut des hommes, malgré l'empereur, et à travers ses décrets.
L'empereur ignore la femme qu'il ballote sur les routes, il ignore donc bien sûr sa grossesse, lui César Auguste adoré comme dieu. Comment peut-il deviner l'enfant dans le sein d'une femme qu'il ignore ? Oh ! il imagine bien qu'il peut y avoir des femmes enceintes parmi les populations qu'il déplace et recense. Mais lui qu’on l’on honore du titre de dieu et fils de dieu ne sait pas qu'aujourd'hui va naître celui dont l'origine remonte aux jours d'éternité. Il ignore qu'il ballote celle qui s'avèrera être la mère du Fils de Dieu, vrai Dieu qu'elle porte en son sein.
Qui aujourd'hui connaît César Auguste, qui le célèbre, lui l'empereur de toute la terre, qu'il bouleverse par ses décrets ?
Quant à l'enfant sans domicile fixe, alors ignoré de tous, et surtout de l'empereur, c'est sa naissance que nous célébrons, avec les anges, comme l'événement le plus important de l'histoire du monde, l'événement à partir duquel nous datons tous les autres événements, y compris le temps du règne lointain, et devenu un parmi d'autres, de l'empereur César Auguste. N'apprend-on pas aujourd'hui, ironie suprême, que le Pontife César Auguste a reçu son statut divin en 12 avant… Jésus-Christ !?
Tel est le signe de Dieu. Telle est la façon, bien surprenante, dont Dieu manifeste sa puissance ; car, dit-il, "ma puissance s'accomplit dans la faiblesse".
Et à chacun de nous : "ma grâce te suffit, car ma puissance s'accomplit dans la faiblesse" (2 Co 12, 9).
R.P.
Veillée de Noël, Antibes, 24.12.08
Veillée de Noël, Antibes, 24.12.08
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