<script src="//s1.wordpress.com/wp-content/plugins/snow/snowstorm.js?ver=3" type="text/javascript"></script> Un autre aspect…: Cathares. Indices convergents – Quelle ascendance ?

samedi 10 novembre 2018

Cathares. Indices convergents – Quelle ascendance ?





1. L’approche : une méthode dans le rapport aux sources qui nous sont parvenues : opter pour un regard sur les sources, quelles qu’elles soient, a priori positif et bienveillant, ce qui ne veut pas dire non-critique ! mais sans suspicion a priori. Méthode basée sur ce que les sources-témoins dont nous disposons sont plus proches des faits que nous ne le sommes – y compris pour les sources polémiques, jusqu’aux plus négatives à l’égard de leur objet. Dans cette perspective le travail critique consiste non pas à nier la valeur des sources, mais à percevoir ce qu’elles laissent transparaître à travers leurs approches respectives et leurs a priori propres – les sources issues directement ou indirectement des concernés étant nécessairement à privilégier. La même méthode vaut tant pour le catharisme que pour tout autre objet, et concernant le catharisme, inscrit dans la tradition chrétienne, pour les textes chrétiens en général, orthodoxes ou hérétiques, ce jusqu’à l’Église primitive et au Nouveau Testament inclus, et aux textes juifs de l’Antiquité jusqu’à la littérature talmudique.
Cette méthode se distingue des méthodes dites « déconstructionnistes » par un refus a priori de disqualifier quelque source que ce soit, des sources néo-testamentaires aux sources médiévales et ultérieures, au motif de leur subjectivité, de leur nature polémique, de leur dispersion ou au contraire de leurs ressemblances (disqualification des sources à la base de la thèse « mythiste » concernant Jésus, induisant de fil en aiguille d’autres « mythisations », dont celle de Paul – cf. Bernard Dubourg et Raoul Vaneighem –, et débouchant invariablement, de fil en aiguille, sur des impasses et contradictions. La disqualification des sources débouche, mutatis mutandis, sur des impasses similaires concernant le fait cathare). Les sources existent comme elles nous sont parvenues, et en tant que telles font apparaître à titre d’indices, fût-ce en négatif ou en contre-jour, la réalité disparue vers laquelle chacune à sa façon, converge.

2. Les cathares ne sont pas manichéens au sens de disciples de Mani : ils ignorent, selon ce que les sources en disent, les textes et les théologies manichéennes (les termes « manichéens », ou l’équivalent « cathares », qui leurs sont appliqués par leurs adversaires, sont typologiques, visant leur dualisme — évoquant, pour les polémistes, Mani).

3. Les cathares ne sont pas marcionites — fût-ce via un paulicianisme (du nom d'un mouvement de l'Orient ancien dont la filiation marcionite n’est d’ailleurs pas démontrée, à défaut de sources qui l’indiqueraient suffisamment) ; paulicianisme dont la filiation avec le catharisme n'est pas démontrée non plus : les citations de l’Ancien Testament (banni par le marcionisme) sont abondantes dans les écrits cathares qui nous sont parvenus. Marcion soutient (ce que ne font pas les cathares) une théologie de la croix se réclamant de Paul mais durcie par rapport à celle de Paul — qui, lui, ne rejette pas l’Ancien Testament, qui à son époque correspond à la Bible tout court ! Pour Marcion, la croix condamne la Loi biblique ; pour Paul « la Loi est sainte » Ro 7, 12 (le mot grec nomos, « loi », traduit chez Paul et déjà dans la LXX, l'hébreu Torah, littéralement « enseignement ») : la croix condamne non pas la Loi, mais son « impuissance » : la « chair la rend sans force » Ro 8, 3. Le cœur de la Loi, l’amour du prochain (Lévitique 19, 18), exemplifié par Jésus — cf. Jean : « aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (cf. Paul Ga 5, 14 ; Ro 13, 8) —, est, pour Paul, scellé dans son impuissance à être pleinement appliqué par lui, par nous : c’est cela que dévoile la croix. Dans les deux cas, Paul et Marcion, la crucifixion a bien eu lieu, elle est centrale ! Ce qui n’est pas « docète » ! Auquel cas ce ne serait cependant pas rédhibitoire concernant la filiation cathare : le sens de l’accusation de « docétisme » portée contre les cathares reste à établir. On peut y voir chez eux la trace d’une christologie haute — fort commune dans le christianisme ancien (l'éveque de Rome Honorius lui-même, au VIIe siècle, s'est rallié à une forme de monophysisme) ; la forme paléochrétienne du rite cathare est en général admise (cf. les trois Rituels conservés) remontant avant son atténuation relativement tardive en Occident.

4. À l’instar de celui des marcionites, le christianisme romain est paulinien : c’est un christianisme anti judéo-chrétien — et substitutionniste (le christianisme remplaçant Israël comme prétendu « verus Israël »). Cela via le « continuisme » de Justin et d’Irénée, avec accomplissement de la Bible hébraïque (donc, en ce sens, assumée par eux) dans le christianisme, via la récupération de la figure de Pierre, par laquelle, dans le cœur paulinien du christianisme romain, s’accomplit la substitution du christianisme au judaïsme. Cela atteint un point d’orgue avec la conversion de Constantin annonçant l’empire théodosien. Dès Constantin les traditions et rites juifs et judéo-chrétiens sont bannis (et les juifs sont persécutés), se voyant substituer une religion chrétienne fondée dans un nouveau rituel romain bâti sur l’héritage paulinien (ce qui ne valide pas pour autant l'hypothèse inverse, voulant des cathares héritiers par exemple des ébionites considérés comme adversaires de Paul… — C'est l'hypothèse de José Dupré, qui s'oppose à celle, marcionite, d'Yves Maris).
Cela n'empêche pas le christianisme, sous quelque forme qu’il se déploie, y compris cathare, d’être pleinement héritier de la réflexion juive sur ses propres livres, à commencer par la Torah et la Bible hébraïque en général, et notamment la réflexion débouchant sur la conception d’un Dieu étranger, au Nom imprononçable, étranger aussi au mal. Cf. 2 Samuel 24, 1 : « La colère de l’Éternel s’enflamma de nouveau contre Israël, et il excita David contre eux, en disant : Va, fais le recensement d’Israël et de Juda. » en regard du récit parallèle en 1 Chroniques 21, 1 : « Satan se dressa contre Israël et il incita David à faire le recensement d'Israël. »

5. La tradition alexandrine apparaît comme une alternative, plus englobante, non substitutionniste mais « transpositionnelle », assumant la riche tradition textuelle (héritée de l’Alexandrin juif Philon) — avec la figure centrale d’Origène (cf. ses Hexaples), développant une théologie ouverte (cf. son De principiis) recevant, de façon critique mais non fermée les apports de plusieurs courants. Origène sera d’abord très influent, offrant la première théologie chrétienne reçue universellement, théologie non-fermée, qui sera progressivement amendée avant d’être rejetée, en 553, au second concile de Constantinople, 5e œcuménique. On retrouve, mutatis mutandis, de larges pans de la pensée origénienne, parfois atténuée, parfois durcie, tant dans le bogomilisme que dans le catharisme — de même que parfois dans l’orthodoxie, tant byzantine que latine. Ce qui n’exclut pas que bogomilisme comme catharisme aient pu parfois recevoir via de possibles contacts, parfois dans le cadre de ce qui a été appelé « solidarité hérétique », des influences autres — pourquoi pas pauliciennes, concernant les bogomiles (via d’éventuelles proximités géographiques pour ces derniers) et donc pour ceux des cathares qui ont indirectement (selon les sources telles qu’elles nous sont parvenues) eu des contacts bogomiles. Et concernant le catharisme, occidental, apparaît (naturellement) l’influence de l’augustinisme, puis de la scolastique aristotélicienne.

6. Le catharisme est héritier d’un christianisme comme religion déjà séparée du judaïsme : Jésus et Paul sont juifs (y compris théologiquement) : l’un comme l’autre, selon ce qu’en indiquent les textes, observent la Torah, à la différence de Marcion et du christianisme romain, byzantin ou latin (y compris, plus tard, protestant)… et des christianismes bogomile et cathare.


RP

Cf. Cathares, indices convergentslire les traces : ici.


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