En juin dernier, des parents musulmans allemands ont été condamnés par un tribunal de Cologne pour avoir fait circoncire leur enfant. Ce verdict a suscité au minimum de la perplexité, parmi les musulmans et les juifs, entre autres, en Allemagne et au-delà. Le verdict est en effet rapidement devenu célèbre, jusqu’au-delà de l’Allemagne : elle n'est pas la seule concernée. D’autres pays ne seraient pas en reste pour aller dans le sens du tribunal de Cologne : même certains courants libéraux du judaïsme américain ne pratiquent plus la circoncision !
Un tel jugement participe d'un état d'esprit général. Radicalement individualistes, nos sociétés modernes ont une conception radicalement individualiste du corps. En circoncisant des enfants, leurs parents les mutileraient — contre leur gré, souligne t-on. Les auto-mutilations, type piercing, ne posent en effet pas autant de problèmes : ceux qui les pratiquent les revendiquent comme concernant leur propre corps. C’est peut-être le seul fait de la non-irréversibilité qui fait que la pose de boucles d’oreilles aux petites filles, non consentantes, ne pose pas de problème, à ma connaissance.
Les diverses formes du pouvoir
Au plan des formes du pouvoir, cela conduit à terme à la disparition des traditions non-radicalement démocratiques : peut-on imposer à un enfant ou à un jeune adulte, britannique ou scandinave par exemple, d’être roi et soumis à un tel protocole sous le seul prétexte qu’il est né à tel rang ? Un refus éventuel de se prêter au protocole imposé est radicalement individualiste. C’est sans doute jusqu’où les inventeurs de la démocratie moderne ne voulaient pas aller : il suffit de voir le nombre de monarchies constitutionnelles qui imposent aux enfants royaux de se soumettre à leur royale tâche. C’est la même logique qui impose la nécessité du mariage entre personnes du même sexe : radicalement individualiste, la démocratie moderne institutionnalise jusqu’au désir individuel. Quand s’ajoute à cela la dimension de la « mutilation », l’approche actuelle des choses va incontestablement dans le sens des anti-circoncision. Le parallèle avec l’excision féminine est ainsi immanquablement invoqué. C’est la même logique individualiste dont la relative nouveauté explique qu’auparavant on n’a pas fait grand cas du problème réel de l’excision.
Mais il faut savoir garder le sens de la mesure. Le prépuce n’est pas l’équivalent des petites lèvres, ni du clitoris ! Quoiqu’en disent les anti-circoncision qui font évidemment jouer cette fausse analogie.
Les limites de l’individualisme
Cela dit, si la modernité démocratique individualiste présente des avantages certains, elle est marquée aussi de sa limite. La limite essentielle est ici l’optimisme quasi béat qui sous-tend l’individualisme démocratique contemporain. C’est précisément cela que la circoncision met en question. Elle le fait de façon plus criante que le baptême, qui à ce point se corrige en se lisant comme connotant péché originel — ce qui n’est pas très optimiste non plus !
La circoncision pose ce questionnement au cœur de l’expression individuelle du vouloir vivre : le sexe masculin en tant qu’organe de la reproduction marqué comme non tout-puissant. Voilà un aspect des choses qui est évidemment trop peu souligné dans les sociétés machistes pratiquant la circoncision ! Voilà aussi qui va à l’encontre de l’individualisme tout-puissant, et ce dès les premiers jours de la vie.
C’est probablement là que se produit le choc culturel qui fait encore et toujours du judaïsme et des traditions similaires, et pas seulement de l’islam, le grain de sable dans les rouages bien huilés des sociétés policées, fût-ce par le mode de pensée unique « soft » qui caractérise la nôtre…
Un tel jugement participe d'un état d'esprit général. Radicalement individualistes, nos sociétés modernes ont une conception radicalement individualiste du corps. En circoncisant des enfants, leurs parents les mutileraient — contre leur gré, souligne t-on. Les auto-mutilations, type piercing, ne posent en effet pas autant de problèmes : ceux qui les pratiquent les revendiquent comme concernant leur propre corps. C’est peut-être le seul fait de la non-irréversibilité qui fait que la pose de boucles d’oreilles aux petites filles, non consentantes, ne pose pas de problème, à ma connaissance.
Les diverses formes du pouvoir
Au plan des formes du pouvoir, cela conduit à terme à la disparition des traditions non-radicalement démocratiques : peut-on imposer à un enfant ou à un jeune adulte, britannique ou scandinave par exemple, d’être roi et soumis à un tel protocole sous le seul prétexte qu’il est né à tel rang ? Un refus éventuel de se prêter au protocole imposé est radicalement individualiste. C’est sans doute jusqu’où les inventeurs de la démocratie moderne ne voulaient pas aller : il suffit de voir le nombre de monarchies constitutionnelles qui imposent aux enfants royaux de se soumettre à leur royale tâche. C’est la même logique qui impose la nécessité du mariage entre personnes du même sexe : radicalement individualiste, la démocratie moderne institutionnalise jusqu’au désir individuel. Quand s’ajoute à cela la dimension de la « mutilation », l’approche actuelle des choses va incontestablement dans le sens des anti-circoncision. Le parallèle avec l’excision féminine est ainsi immanquablement invoqué. C’est la même logique individualiste dont la relative nouveauté explique qu’auparavant on n’a pas fait grand cas du problème réel de l’excision.
Mais il faut savoir garder le sens de la mesure. Le prépuce n’est pas l’équivalent des petites lèvres, ni du clitoris ! Quoiqu’en disent les anti-circoncision qui font évidemment jouer cette fausse analogie.
Les limites de l’individualisme
Cela dit, si la modernité démocratique individualiste présente des avantages certains, elle est marquée aussi de sa limite. La limite essentielle est ici l’optimisme quasi béat qui sous-tend l’individualisme démocratique contemporain. C’est précisément cela que la circoncision met en question. Elle le fait de façon plus criante que le baptême, qui à ce point se corrige en se lisant comme connotant péché originel — ce qui n’est pas très optimiste non plus !
La circoncision pose ce questionnement au cœur de l’expression individuelle du vouloir vivre : le sexe masculin en tant qu’organe de la reproduction marqué comme non tout-puissant. Voilà un aspect des choses qui est évidemment trop peu souligné dans les sociétés machistes pratiquant la circoncision ! Voilà aussi qui va à l’encontre de l’individualisme tout-puissant, et ce dès les premiers jours de la vie.
C’est probablement là que se produit le choc culturel qui fait encore et toujours du judaïsme et des traditions similaires, et pas seulement de l’islam, le grain de sable dans les rouages bien huilés des sociétés policées, fût-ce par le mode de pensée unique « soft » qui caractérise la nôtre…
RP
"La circoncision, une mutilation ?
La justice a tranché : pas de peau pour la circoncision !"
Le protestant de l'Ouest n° 369, nov 2012, p. 27
"La circoncision, une mutilation ?
La justice a tranché : pas de peau pour la circoncision !"
Le protestant de l'Ouest n° 369, nov 2012, p. 27