« Le Seigneur parla d'une voix tonnante :
- Suis-je donc obligé, Moi qui ai créé le ciel et la terre, de t'expliquer mes moindres actions ? Qu'as-tu donc créé, toi qui oses me questionner ?
- Ce n'est pas une réponse, fit Job. » (Woody Allen [1])
Voilà qui résume au fond l’épilogue et la problématique du prologue de Job où apparaît le satan (ch. 1, v. 6). Si Job vit ce que tout un chacun peut à un moment de son existence avoir l’impression de vivre — même si Job le vit de façon démultipliée : rien du pire ne lui est épargné —, la question du livre est notre « pourquoi ? ». S’il y a un Dieu, et si ce qui m’est infligé est de son fait, ce Dieu n’est-il pas… méchant, qui m’impose, en plus, des amis et des réponses ?!… Après m’avoir infligé de naître pour voir cela ?! (ch. 3)
… Sauf à falloir chercher Dieu ailleurs, un autre visage de Dieu, celui d’après : « mon oreille avait entendu parler de toi, maintenant mon œil t’a vu » (ch. 42, v. 5).
Mais alors, avant, il y a d’abord comme visage de… Dieu (?) — la figure d’un accusateur, en hébreu d’un satan, que le grec a rendu par diable, poseur d’obstacles, de pièges, bref un Ennemi.
Quand Israël va se trouver frappé par la peste, 1 Chroniques 21, 1, « Satan se leva contre Israël, et il excita David à faire le dénombrement d’Israël. » En parallèle, 2 Samuel 24, 1 : « La colère du Seigneur s’enflamma […] contre Israël, et il excita David contre eux… » Le Seigneur ou le satan ? Faudrait savoir !
C’est cette séparation que lit le Livre de Job contre l’affligé. On est avant les développements de la théologie qui finiront par lire sous le titre du roi de Babylone en Ésaie 14, 12 via la traduction latine, la Vulgate, un Lucifer radieux (« astre brillant, fils de l’aurore »), devenu Satan révolté et déchu pour l’esthétique ultérieure des romantiques et autres « gothiques », et leur grand mélancolique à la beauté rebelle !
Rien de cela dans la Bible, aucune explication du mal par le mauvais choix d’un ange, ou d’un homme. Une telle « explication » ne ferait que repousser le problème d’un cran, jusqu’à l’infini, laissant tous les Job devant l’abîme qui ne leur donne de choix, à eux, qu’entre la — légitime ! — malédiction de leur propre naissance et le saut du « chevalier de la foi » qui, note Kierkegaard [2], croit quand même et malgré tout, tel Abraham qui « laissa une chose, sa raison terrestre, et en prit une autre, la foi ».
Pas d’explicitation à la fin du livre ! Ce ne serait d’ailleurs pas une réponse ! Mais une puissante injonction à se lever quand même, à bâtir encore quand même, dans la foi qu’il est un autre visage que celui du satan faisant plonger dans la — légitime — mélancolie. Le Dieu du tonnerre et de la force fabuleuse est celui qui fonde l’espérance du « chevalier de la foi » que devient tout Job qui a vu poindre le jour nouveau d’une louange tout aussi gratuite que celle du premier jour, où Dieu peut redire au satan : « As-tu remarqué mon serviteur Job ? » (ch. 1, v. 8)
[1] Dieu, Shakespeare et moi.
[2] Crainte et tremblement.
- Suis-je donc obligé, Moi qui ai créé le ciel et la terre, de t'expliquer mes moindres actions ? Qu'as-tu donc créé, toi qui oses me questionner ?
- Ce n'est pas une réponse, fit Job. » (Woody Allen [1])
Voilà qui résume au fond l’épilogue et la problématique du prologue de Job où apparaît le satan (ch. 1, v. 6). Si Job vit ce que tout un chacun peut à un moment de son existence avoir l’impression de vivre — même si Job le vit de façon démultipliée : rien du pire ne lui est épargné —, la question du livre est notre « pourquoi ? ». S’il y a un Dieu, et si ce qui m’est infligé est de son fait, ce Dieu n’est-il pas… méchant, qui m’impose, en plus, des amis et des réponses ?!… Après m’avoir infligé de naître pour voir cela ?! (ch. 3)
… Sauf à falloir chercher Dieu ailleurs, un autre visage de Dieu, celui d’après : « mon oreille avait entendu parler de toi, maintenant mon œil t’a vu » (ch. 42, v. 5).
Mais alors, avant, il y a d’abord comme visage de… Dieu (?) — la figure d’un accusateur, en hébreu d’un satan, que le grec a rendu par diable, poseur d’obstacles, de pièges, bref un Ennemi.
Quand Israël va se trouver frappé par la peste, 1 Chroniques 21, 1, « Satan se leva contre Israël, et il excita David à faire le dénombrement d’Israël. » En parallèle, 2 Samuel 24, 1 : « La colère du Seigneur s’enflamma […] contre Israël, et il excita David contre eux… » Le Seigneur ou le satan ? Faudrait savoir !
C’est cette séparation que lit le Livre de Job contre l’affligé. On est avant les développements de la théologie qui finiront par lire sous le titre du roi de Babylone en Ésaie 14, 12 via la traduction latine, la Vulgate, un Lucifer radieux (« astre brillant, fils de l’aurore »), devenu Satan révolté et déchu pour l’esthétique ultérieure des romantiques et autres « gothiques », et leur grand mélancolique à la beauté rebelle !
Rien de cela dans la Bible, aucune explication du mal par le mauvais choix d’un ange, ou d’un homme. Une telle « explication » ne ferait que repousser le problème d’un cran, jusqu’à l’infini, laissant tous les Job devant l’abîme qui ne leur donne de choix, à eux, qu’entre la — légitime ! — malédiction de leur propre naissance et le saut du « chevalier de la foi » qui, note Kierkegaard [2], croit quand même et malgré tout, tel Abraham qui « laissa une chose, sa raison terrestre, et en prit une autre, la foi ».
Pas d’explicitation à la fin du livre ! Ce ne serait d’ailleurs pas une réponse ! Mais une puissante injonction à se lever quand même, à bâtir encore quand même, dans la foi qu’il est un autre visage que celui du satan faisant plonger dans la — légitime — mélancolie. Le Dieu du tonnerre et de la force fabuleuse est celui qui fonde l’espérance du « chevalier de la foi » que devient tout Job qui a vu poindre le jour nouveau d’une louange tout aussi gratuite que celle du premier jour, où Dieu peut redire au satan : « As-tu remarqué mon serviteur Job ? » (ch. 1, v. 8)
RP
Presse réformée du Sud
Le Cep / Échanges / Réveil, février 2012
Presse réformée du Sud
Le Cep / Échanges / Réveil, février 2012
[1] Dieu, Shakespeare et moi.
[2] Crainte et tremblement.