Calvin distingue trois usages de la Loi biblique : l’usage pédagogique, l’usage politique et l’usage normatif.
C’est là le fondement de l’enseignement luthérien de la justification par la foi seule, reçu sans réserve par Calvin.
- Selon son usage politique ou civil, la Loi a pour but de restreindre le mal dans la Cité et de promouvoir la justice. Elle fournit des principes, qui s’appliquent de façon analogique selon les temps et les lieux dans la vie civile et politique.
- Selon son troisième usage, la Loi devient chemin de libération. C’est pour Calvin, qui se démarque ici de Luther, le principal usage de la loi : notre libération est effectivement mise en œuvre par ce que produit en nous l’injonction de la Loi. Exemple : le commandement donné à Abraham, ou au peuple libéré de l’esclavage : «quitte ton pays», «sors de l’esclavage». La libération qui est dans le recours à la grâce ne produit son effet que si elle reçue et donc mise en œuvre.
La liberté donnée à la foi seule qui reçoit la grâce — ce seul recours, selon l’usage pédagogique de la Loi — ; cette liberté ne devient effective que lorsque l’exigence de la Loi donnée comme norme suscite, parce qu’elle est entendue, la mise en route obéissante.
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Mais, dira-t-on, on ne sache pas que les chrétiens protestants, et calvinistes, pratiquent les 613 mitsvoth — les 613 commandements de la Loi biblique — ?! Pas plus que les autres chrétiens…
Où il faut parler, à côté de trois usages de la Loi, de trois aspects de la Loi : l’aspect moral, l’aspect cérémoniel et l’aspect judiciaire.
L’aspect cérémoniel (les cérémonies religieuses de la Loi) et l’aspect judiciaire (dans la gestion de la vie le la Cité), sont perçus, quant à leur lettre, comme correspondant à un temps et à une culture donnée. Mais ils peuvent varier dans leur pratique selon les circonstances. Ainsi, quant à l’aspect cérémoniel, on ne pratique pas aujourd’hui de sacrifices d’animaux dans le Temple de Jérusalem — de toute façon détruit (sacrifices correspondant pourtant à des préceptes cérémoniels). Une perspective calviniste considère que cela vaut pour tout commandement en son aspect cérémoniel — lié à des temps, des lieux, des cultures. Cela vaut aussi pour l’aspect judiciaire : par exemple les formes de gouvernements, qui sont variables selon les lieux.
En revanche l’aspect moral, comme norme idéale, comme visée de perfection — qui au-delà du Décalogue, se résume au «double commandement» : «tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton être et ton prochain comme toi-même» — ; cet aspect de la Loi n’est pas sujet aux variations culturelles, même si son application s’adapte aux circonstances dans ce qui est l’usage normatif de la Loi.
Le troisième usage de la Loi, l’usage normatif, apparaît alors comme mise en œuvre de son aspect moral, comme injonction libératrice.
Où l’on retrouve les préceptes comme «lève-toi et marche» commandement adressé par Pierre au paralytique ; «sors de ta tombe» ; commandement adressé par Jésus à Lazare, «va pour toi» (lekh lekha) commandement adressé dans la Genèse à Abraham — et «tu choisiras la vie», l’injonction libératrice que donne le Deutéronome.
Telle est alors la parole de Dieu donnée comme Loi, parole libératrice, créatrice d’impossible. C’est là le Dieu créateur de la Bible — et non pas une hypothèse en concurrence avec les laboratoires de recherche!
Dieu vivant et vivificateur par la Parole qui fonde de la sorte la création. Par une parole de libération établissant pour la liberté des êtres responsables.
Cf. :
Calvin au-delà des caricatures
Calvin et les manuels scolaires…
La résurrection du Christ
Année Calvin. Un cheminement intéressant...
Pourquoi Calvin aujourd’hui ?
Obsession Calvin
Une Alliance qui ne peut être rompue