<script src="//s1.wordpress.com/wp-content/plugins/snow/snowstorm.js?ver=3" type="text/javascript"></script> Un autre aspect…: Dès la fondation du monde

samedi 8 septembre 2007

Dès la fondation du monde



« Je suis l’Alpha et l’Oméga, le Premier et le Dernier, le commencement et la fin »
(Apoc. 22, 13) ;
« Agneau immolé dès la fondation du monde »
(Apoc. 13, 8)


Les Chroniques de Narnia
de C. S. Lewis



Extraits de la lecture de Jacques Sys :

« La "rédemption" est l’histoire fondatrice du salut apporté par Aslan, personnage dominant de l’Armoire magique ; le "cycle de Caspian" est plus actuel : la rédemption d’autrefois a été en partie oubliée, mais le combat eschatologique continue, pour restaurer le merveilleux, partir à la recherche du divin, ou être envoyé par lui en mission. L’"apocalypse privée" est une histoire presque purement individuelle, et illustre l’importance de chaque personne pour le salut du monde. Enfin "l’Alpha et l’Omega" sont le début et l’accomplissement de l’histoire de Narnia, traitant aussi du mal originel et de sa défaite finale, avec aux deux extrémités la présence d’Aslan qui donne son sens au tout. »
(http://www.portail-cslewis.org/livres/narnia.html)


cs-lewis.jpg
C.S. Lewis (1898-1963),
écrivain, philologue, théologien anglican


« La figure centrale des sept volumes des Chronicles of Narnia est un Lion, Aslan (qui signifie lion en Turc). Roi des créatures du royaume imaginaire de Narnia peuplé de “talking animals” ainsi que de créatures mythologiques, il a également partie liée avec un groupe de quatre enfants terriens qui, par “magie” visitent à plusieurs reprises ce monde dont ils vont partager les aventures. Tout le cycle est construit autour de cette figure symbolique ; Aslan se trouve dans l’histoire et au-delà de l’histoire, il est à la fois personnage d’un drame et symbole évidemment christique de l’humanité en marche vers son salut. Il est ainsi présent dans la structure narrative tel un archétype qui aurait, selon les besoins de la logique du récit, une fonction dramatique illustrée par ses apparitions ponctuelles, plus ou moins durables, en Narnia.

Les théophanies qui scandent la vie narnienne obéissent à une logique et se produisent selon un rythme qui est celui d’Aslan et qu’il lit dans la volonté de son Père, L’Empereur au-delà des mers. Cet Empereur est par définition caché, il est le Deus absconditus — le Dieu caché. “L’au-delà des mers” est en fait le Pays d’Aslan, le Royaume des Cieux d’où vient Aslan et où tout retournera lorsque le temps sera venu. Tout le poids dramatique des contes est porté par Aslan qui est l’alpha et l’oméga de Narnia dont il domine verticalement l’histoire dans la mesure où Lewis pose simultanément sa transcendance et son engagement dans l’histoire. Ces coupes transversales dans le plan Pays d’Aslan et Narnia illustrent la situation dramatique de la relation entre le Ciel et les mondes, et d’une coupe à l’autre nous pouvons voir l’évolution de l’histoire du salut; c’est qu’en effet à cette relation “verticale” correspond une logique, un développement chronologique “horizontal”, une vie historique que l’on pourra appeler “intra-narnienne”, prise dans le flux du temps qui s’écoule linéairement. Cette double détermination détermine la temporalité propre des interventions d’Aslan en Narnia qui correspondent à autant d’articulations du temps (pour reprendre la formule patristique), d’infléchissements du cours horizontal de l’histoire qui se trouve alors pris dans le temps du salut, la vision de Lewis étant - on le voit - résolument apocalyptique et eschatologique.

La structure du cycle sera en conséquence à la fois linéaire et circulaire: linéaire au sens où elle nous mène de la création du monde narnien à son apocalypse et à son entrée dans la nouvelle création, et circulaire au sens où tout converge constamment et rayonne vers la figure centrale d’Aslan. »

[…]


D'après Le Monde de Narnia — Le lion, la sorcière blanche et l'armoire magiquede Andrew Adamson — Walt Disney Pictures


La Rédemption de Narnia

C’est l’incarnation rédemptrice qui marque le début de l’histoire sainte de Narnia. L’ordre de la composition que nous suivons ici est suit une logique propre gouvernée par le processus rédempteur du premier tome écrit, The Lion, the Witch, and the Wardrobe, où domine constamment la figure d’Aslan, élément central, esthétique et spirituel, d’où rayonne la structure narrative.


Nous sommes, dans cet épisode, plongés dans un monde pétrifé par un hiver qui semble devoir durer éternellement : contrairement aux contes traditionnels pour enfants qui souvent sont gratifiants du point de vue de la sensibilité, nous nous trouvons au plus profond du malheur, dans le retentissement infini d’une catastrophe dont les origines se perdent dans la nuit des temps. Premier contact nocturne, glacé, avec un monde délétère entièrement placé sous la coupe d’une “sorcière blanche”. Mais ce n’est pas le plus grave ni le plus terrible : ce qui en effet est difficilement supportable est que le monde des enfants qui parviennent en Narnia par la magie d’une garde-robe ainsi que celui de Narnia sont des univers de péché et de trahison : le faune Tumnus s’apprête à trahir la confiance de sa jeune invitée pour la livrer à la justice de la sorcière, et Edmund se rend chez la sorcière en son chateau pour y livrer le secret de la venue d’Aslan. La vision qui s’impose est celle d’une humanité qui a toujours-déjà-été dans l’esclavage de la faute, qui vit sous l’effet d’une malédiction qui chaque jour - dans la mesure où le temps existe encore - voit renaître et prospérer le péché originel. Dans cette noirceur de neige vit encore faiblement une dernière étincelle d’être sous la forme de vieux rêves, de mythes ou d’histoires dont le héros est Aslan, le lion de Narnia.

[…]


L’autre versant de cette réalité mythique est l’existence bien réelle de la sorcière blanche, ou du moins sa présence car elle est le mode d’apparaître de la négativité (et sa positivité). Réelle en revanche est son oppression, la magie noire qu’elle exerce sur l’humanité souffrante de Narnia mais qui d’une manière ou d’une autre doit être responsable de cet enchantement. On trouve le mal, on ne le commence jamais. Mais nous ne sommes à l’ouverture de ce conte que dans les effets, les causes viendront après. Pour l’instant la sorcière blanche fait corps avec Narnia, épouse Narnia, semble avoir possédé son être le plus profond, et nous sommes là aux limites incertaines où encore un peu de temps verra disparaître la dernière étincelle d’humanité en ce monde. L’opposition Aslan/Sorcière qui est au plus près du dualisme, […] est vue du côté du temps : le pouvoir de la sorcière est de suspendre le temps, le pouvoir d’Aslan est de redonner du temps au monde. Combat du temps et du non-temps, de l’humanité et de la non-humanité comme le dit Lewis dans Perelandra. Aussi Narnia est-elle vue comme monde de l’attente d’un Messie qui viendra le délivrer du mal, qui de nouveau mettra le temps en marche et posera le retour du printemps comme horizon de ce monde.

Aslan est dans cet épisode celui qui va briser l’ordre de la loi ancienne, représenté par la Table de Pierre, et instaurer la loi nouvelle qui est loi d’amour. Loi et magie sont intimement liés dans le conte. […] Aslan est sans ambiguité posé comme le créateur de l’univers, l’alpha et l’oméga de ce monde, et l’éternel rédempteur de Narnia, le mystère du sacrifice existant déjà au sein des relations intra-divines, Lewis tentant ici de poser la dimension trinitaire du christianisme. […] La créature est condamnée par “magie”, c’est-à-dire par une espèce de causalité qui lui est extérieure, l’individu ne se découvrant pas comme pécheur face à son créateur […]. Reste alors cette mystérieuse magie en vertu de quoi Aslan est sacrifié sur la Table de Pierre, sacrifice qui détruit à la fois les tables de la loi et le pouvoir (du moins pour un temps) de la Sorcière Blanche, et libère le jeune Edmund ainsi que Narnia du poids de la faute. Par la magie de ce sacrifice et en raison de la résurrection qui l’accompagne, le printemps va de nouveau pouvoir s’installer en Narnia et le temps reprendre son cours normal. Tout cela n’est peut-être pas absolument satisfaisant et la critique n’a pas manqué d’en faire reproche à Lewis, et notamment sa conception du mal et de la faute comme possession, envoûtement, qui saisirait le sujet de l’extérieur, à la manière d’un charme dont il faut se défaire par la magie du sacrifice de la victime innocente.



Le cycle de Caspian

L’intrigue de Prince Caspian se déroule des centaines, voire plusieurs milliers d’années plus tard. De la même manière que dans The Lion, the Witch, and the Wardrobe nous sommes plongés dans un monde crépusculaire, de la trahison (politique cette fois), de l’usurpation et de l’oubli. Nous sommes à la fin des temps; ou plutôt nous passons du coeur du mystère de l’incarnation rédemptrice à une période lointaine où le retentissement apparent de la bonne nouvelle est atténué, se fait plus faible, est même sur le point de disparaître. Il n’est pas indifférent que nous passions d’une représentation du centre de toute histoire possible, du kairos christique à une allégorie à peine voilée de l’époque actuelle.


[…] »


Extrait de : Jacques Sys
Professeur à l’Université d’Artois Directeur de la Revue Graphè
Article : Le Lion de Juda : figures christiques dans The Chronicles of Narnia de C.S. Lewis
Texte en entier :

http://membres.lycos.fr/graphelabible/Articles_CS_LEWIS.html

Article originellement publié dans les
Cahiers du Centre de Linguistique et Littérature Religieuses,
N° 9, Angers (UCO), 1992, pp. 105-125.




5 commentaires :

  1. Qui est Aslan dans le monde normal ?

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  2. J'ai tout lu. Mais je voudrais savoir qui est Aslan dans le monde réel des enfants.

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  3. Réponse difficile en ce sens qu'un mythe, selon ce que se veut Narnia, ouvre à beaucoup de significations. C'est un aspect de la fonction du mythe. Cela dit, si l'on s'en tient à CS Lewis lui-même, affirmant que le christianisme est "mythe devenu histoire", il est assez incontournable de voir en Aslan une métaphore christique et résurrectionnelle. Ce qui ajoute deux questions à vos questions :
    - est-on dans le monde "normal" quand il est question de monde résurrectionnel, ou dans un monde transfiguré ?
    - Quant à la transposition du mythe au monde réel des enfants, elle ouvre à un réel forcément subjectif : où se pose la question de la fonction catéchétique si l'on s'en tient à l'approche du mythe dans son rapport avec la foi chrétienne qui est celle de CS Lewis.
    Ma réponse à vos questions difficiles restera donc suffisamment imprécise pour laisser le mythe être mythe...

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  4. Dans le 3 opus de "Narnia", il est question d'une table avec 7 épées.
    Ne serait-il pas possible que Aslan soit en fait le roi "Arthur" avec sa table ronde? L'étoile qui leur sert de guide dans le film ne pourrait-elle pas être "La Dame du Lac"?

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  5. Tout est possible avec un mythe, quant à ce qu'on peut y voir, quant à différents niveaux de lecture.
    Il me semble que CS Lewis lui-même propose d'y voir avant tout une métaphore renvoyant au Christ.
    Cela dit, pourquoi pas, la thématique arthurienne n'étant pas sans rapport aussi, et avec toute une approche du message chrétien, et avec les intérêts de CS Lewis pour la littérature médiévale.

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